mardi 29 septembre 2009

L'affaire Farewell


"Une des plus grandes affaires d'espionnage du XXème siècle". Cette phrase prononcée par Ronald Reagan sert d'accroche à "L'affaire Farewell". Le président américain avait vu juste. Cette histoire vraie, incroyable, a contribué à la chute du bloc soviétique.

Nous sommes au début des années 80. Un colonel du KGB, Sergei Grigoriev (Emir Kusturica), décide un jour de transmettre des dossiers ultra confidentiels à la France. L'affaire remonte rapidement à Mitterand qui décide de communiquer ces informations cruciales aux américains. Un ingénieur français, Pierre Froment (Guillaume Canet), travaillant pour Thompson et basé à Moscou, est chargé d'entrer en contact avec le russe.

Emir Kusturica 

Christian Carion a décidément de la veine. Il s'offre toujours des sujets en or. Après la fraternisation entre Français et Allemands le soir de Noël 1914 (Joyeux Noël), il s'attaque cette fois à une histoire passionnante, tant par les différents acteurs qui y ont participé que par les conséquences qu'elle a engendré. Et une fois de plus, le cinéaste n'est pas à la hauteur.

Ce n'est pas un film d'espionnage à proprement parler, Christian Carion s'étant avant tout attaché à filmer des hommes tiraillés entre leur famille et la raison d'état. Ce point de vue, intéressant sur le papier, se révèle peu captivant à l'écran. Les préoccupations du personnage de Guillaume Canet ne nous emportent jamais et ses turpitudes familiales paraissent vite ternes et déjà vues. Du côté de Kusturica en revanche, même si son rapport avec son fils est plutôt attendu, le couple qu'il forme avec sa femme finit par nous toucher.

Emir Kusturica et Guillaume Canet 

Comme dans de nombreux films américains, et sans doute pour prendre de la hauteur, Carion s'est risqué à la représentation de nos politiques. Malheur pour lui, cette reconstitution sans vie est caricaturale et frise souvent le grotesque. Les recours au cinéma ( John Ford) ou à la musique (Queen) lassent vite et montrent le peu d'inspiration du réalisateur. Filmer un jeune russe dansant sur We will rock you en y insérant des images du vrai Freddie Mercurie sur scène, c'est un peu court comme idée de cinéma sur l'envie de liberté.

Mais le plus gênant, c'est avoir l'impression durant toute la projection que le réalisateur n'a pas pris la mesure de la gravité de cette affaire et de fait, le spectateur ne prend jamais vraiment conscience du geste extraordinaire qu'a pu accomplir cet espion. La liberté que le cinéaste à prise avec la véritable histoire dessert aussi son propos, le coup de théâtre final, par exemple, purement fictif, n'étant pas très crédible. Les comédiens, enfin, ne nous emportent pas suffisamment. Canet, fadasse comme d'habitude et Kusturica, magnétique mais pas très à l'aise.

Sur la fin, reconnaissons tout de même à Christian Carion d'avoir emmené son film vers une étrange noirceur. Les intérêts du monde valent toujours plus que les individus semble-t-il nous dire. Une belle sobriété qui nous permet, tardivement, d'imaginer quel grand film "L'affaire Farewell" aurait pu être.

Antoine Jullien

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