lundi 30 novembre 2009

In the loop


Un ministre un peu hagard sort d'une réunion dans laquelle il vient de faire de la figuration. Vexé d'avoir ainsi été traité, il décide de parler aux journalistes, librement. Il leur dit alors : " Pour l'avion dans le brouillard, la montagne est imprévisible mais soudain bien réelle et imprévisible". Imprévisible, voilà le mot qui a déclenché toute l'affaire et qui provoque la panique au plus haut sommet de l'état britannique. Imprévisible, c'est la guerre qui se prépare contre un pays du Moyen Orient. Et toutes les moyens sont bons pour partir au combat même si les arguments anti-guerre ont plus de poids que ceux de dirigeants bellicistes. Bien entendu, toute similitude avec un conflit passé n'est pas fortuite.

Le mot Irak n'est d'ailleurs jamais prononcé et pourtant on y pense à chaque seconde. Armando Iannucci, le réalisateur de cette incroyable farce politique, adapte avec succès la série dont il était l'un des auteurs, The Thick of it. Soit les tribulations de Malcom Tucker, conseiller en communication du premier Ministre anglais,  chargé de vendre à tout prix la guerre au monde entier, utilisant pour cela un ministre falot et un peu crétin flanqué de son conseiller fraîchement arrivé. Le tandem s'envole pour Washington rencontrer les dirigeants américains parmi lesquels le secrétaire d'état à la Défense et son équipe de choc.

C'est une comédie, hilarante, dont les dialogues seront à décortiquer tant ils sont brillants, caustiques et parfaitement "british". Un scénario éblouissant, écrit à quatre mains, extrêmement bavard où les personnages se jaugent, s'insultent, se tournent autour pour finalement se bouffer les uns les autres. Tous ceux qui envient les politiques risquent fortement d'être désappointés par le tableau brossé par le cinéaste. Un monde de fous, à proprement parler, peuplé de créatures cyniques et sans foi ni loi mais surtout totalement déconnectés d'un monde qu'ils n'ont plus l'air de comprendre, acteurs malgré eux d'un théâtre de guignols. Lorsqu' un général de l'armée américaine discute avec une secrétaire d'état au sujet du nombre de soldats envoyés au front, au milieu d'une chambre d'enfants et avec un jouet comme machine à calcul, l'asile semble proche. Et pourtant, des sénateurs américains auraient déclaré à la sortie de la projection que "c'est comme cela que ça s'est passé".


Un directeur de la communication qui manipule son monde et qui est finalement le vrai dirigeant, est-ce proche de la réalité ? Le personnage de Malcom Tucker, génialement interprété par Peter Capaldi, qui jure et insulte plus que tous les personnages de Scorsese et Tarantino réunis, serait inspiré d'Alastair Campbell, le dir' com de Tony Blair de 1997 à 2003. Celui-ci a trouvé que le film donnait un visage grossier et vénal de la politique. Il donne surtout le tournis grâce à un humour ravageur et d'une rare férocité.

A la fin, on sort harassé et presque gêné d'avoir tant ri car tout ceci fait terriblement froid dans le dos. Malcom Tucker a cette phrase sans appel : "Celui qui n'a qu'un renseignement est le roi". Et il gagne. Un mensonge éhonté parvient à triompher de ceux qui osent croire encore en la politique, au sens noble du terme. Mais la noblesse est bien la dernière préoccupation d'hommes et de femmes qui n'ont qu'un seul et unique objectif : le pouvoir. Armando Ianucci nous propose d'en rire. Il serait inconvenant de refuser l'invitation.

Antoine Jullien




lundi 23 novembre 2009

L'enfer et Rapt


Henri-Georges Clouzot est un grand cinéaste, nous le savions. Le Salaire de la Peur, Le Corbeau, Les Diaboliques en témoignent. On ne savait pas en revanche qu'il voulait être un cinéaste expérimental. C'est l'une des nombreuses choses que l'on apprend en regardant le documentaire que Serge Bromberg consacre au film inachevé de Clouzot, justement intitulé l'Enfer, l'histoire d'une jalousie maladive et obsessionnelle de Marcel Prieur pour sa femme.

En 1964, Clouzot est au faîte de sa gloire et rien ne peut lui être refusé. Pour cet "Enfer", il engage Serge Reggiani et Romy Schneider et leur fait passer des essais filmés pendant de longs mois. Des essais que nous pouvons voir pour la première fois et qui dégagent une étrange fascination : revoir Romy Schneider comme on ne la connaissait pas, assister aux expérimentations hypnotiques de Clouzot qui était passionné par l'art cinétique et les"coïts visuels". Une entreprise avant-gardiste, hors norme pour l'époque (et encore aujourd'hui) qui avait tellement plu à la Colombia que le studio décida d'accorder à Clouzot un budget illimité.

Et c'est le début des ennuis. Un tournage qui n'en finit pas, un Clouzot colérique et tortionnaire, un Serge Reggiani à bout, des techniciens qui ne comprennent plus ce qu'ils font là... jusqu'au départ de Reggiani et la crise de cardiaque de Clouzot qui enterreront définitivement le projet.

Des témoins racontent cette odysée parmi lesquels Costa-Gavras, à l'époque assistant du cinéaste, et William Lubtchansky, jeune opérateur. Les avis divergent parfois mais tous admettent que le film ne pouvait que mal se finir. Outre les essais, on a le privilège de voir certaines scènes tournées parmi les 185 bobines retrouvées par Bromberg. A la vue des ces images, on se dit qu'on a probablement raté un chef d'œuvre, en tous les cas un film qui aurait fait date. Mais c'est un vrai plaisir de cinéphile que de se replonger dans le monde d'un cinéaste démiurge et caractériel allant jusqu'au bout de sa création et qui finira par se brûler les ailes.



Lucas Belvaux, lui-aussi, exhume du passé une douloureuse affaire, à savoir l'enlèvement du baron Empain en 1978. Le cinéaste transpose l'intrigue de nos jours. Stanislas Graff est un capitaine d'industrie enlevé un matin alors qu'il partait de chez lui. Les ravisseurs réclament cinquante millions d'euros. Durant sa détention, on va découvrir la double vie du grand patron et les difficiles tractations entre la police et la famille pour obtenir la rançon.

Un sujet fort malheureusement desservi par une mise en scène incroyablement poussive. Lucas Belvaux avait pourtant de nombreux atouts en main qu'il gâche à chaque occasion. Absence de suspense et de tension à cause d'un va-et-vient permanent entre l'otage et la police, une direction d'acteurs catastrophique (rendre Anne Consigny aussi terne, ça tient du prodige), un manque évident de crédibilité par rapport à l'enquête et surtout une absence totale de point de vue et l'on finit par se demander ce qui a bien pu motiver Belvaux dans cette histoire.

Il faut attendre la dernière demi-heure pour que l'on s'intéresse enfin à l'affaire. Revenu chez lui comme un coupable plus que comme une victime, Graff va devoir affronter sa libération comme un purgatoire et non comme une délivrance. Et Yvan Attal, le seul à sauver le film, amène suffisamment de fierté et d'ambiguité à son personnage pour qu'on y croie. Mais que c'était long !

Antoine Jullien 

L'imaginarium du Docteur Gilliam


Le docteur Parnassus (Christopher Plummer) a mille ans. Il tient une sorte de théâtre ambulant dans lequel les spectateurs ont la possibilité de traverser le miroir et vivre leur propre imaginaire. Mais le Docteur a pactisé avec le diable et doit gagner son pari s'il veut sauver Valentina (Lily Cole), sa fille de seize ans. D'autant plus qu'un mystérieux personnage, Tony (Heath Ledger), va chambouler le cœur de la belle.

Signé Terry Gilliam, comme une évidence. Le réalisateur de Brazil et des Aventures du Baron de Munchaausen a toujours aimé les mondes étranges dans lesquels ses personnages s'évadent. Mais Gilliam a sans doute, comme il l'avoue lui-même, réalisé son film le plus personnel. Parnassus est bien le double du réalisateur, un personnage un peu désabusé mais croyant encore au pouvoir de l'imagination. Le cinéma de Gilliam et la réalité chaotique de ses récentes entreprises (cf. le fiasco Don Quichotte) se sont tellement confondues qu'on en oublierait presque le film lui-même. Et à nouveau, le cinéaste a fait parler de lui mais pas pour les raisons espérées : son acteur principal, le regretté Heath Ledger, est mort en plein tournage. Le projet paraissait abandonné lorsque Gilliam eut l'idée de génie de confier le rôle à trois comédiens et pas des moindres : Jude Law, Colin Farrel et son fidèle compagnon Johnny Depp. Le désastre annoncé s'est transformé en miracle, ou quand le tragique finit par devenir magique.

Heath Ledger et Andrew Garfield

Car tout l'intérêt de cet Imaginarium est d'avoir fait endosser aux trois comédiens le même personnage mais sous des aspects différents. En effet, dès qu' Heath Ledger traverse le miroir, il réapparait sous les traits d'un autre. Et Gilliam en profite pour composer différents mondes intérieurs en fonction des états du personnage. Au fur et à mesure des aventures dans l'imaginarium, le personnage de Tony se dessine progressivement, espiègle et charmeur au début, beaucoup plus sombre à la fin. C'est toute l'originalité d'un film parfois inégal mais constamment rattrapé par ses prouesses visuelles. Le talent de styliste de Gilliam explose alors et il compose d'ahurissantes séquences où, pour une fois, le numérique fait des merveilles. Des images merveilleuses comme la danse entre le diable (inattendu Tom Waits) et Valentina au milieu de morceaux de miroirs qui virevoltent autour d'eux. Ou encore un décor qui se décompose comme un puzzle. Face à cet univers débridé s'oppose un Londres quotidien et réaliste très convaincant.

Au gré d'un récit complexe et parfois obscur (un revisionnage s'impose), l'imaginaire finira par triompher tout comme Gilliam qui est venu à bout de son oeuvre. Une belle mise en abyme qui prouve qu'on peut encore réaliser des films en misant sur la capacité d'émerveillement du public tout en restant intègre et accessible. Cela a toujours été l'ambition du cinéaste. A coup sûr, il y est parvenu et signe son meilleur film depuis l'Armée des 12 singes.

Antoine Jullien

Les Herbes Folles


Une petite fille demande à sa maman : "Quand je serai un chat, est-ce que je pourrai manger des croquettes ? " Et puis le générique de fin arrive. Et on ne sait plus très bien ce qui nous arrive à nous, spectateur. Encore un tour de ce vieux magicien d'Alain Resnais, se dit-on...

N'importe quel cinéaste qui oserait terminer son film ainsi se ferait rabrouer par son producteur au prétexte qu'il n'est pas convenable de laisser le spectateur dans l'expectative, qu'il n'est tout simplement pas convenable de finir là-dessus. Mais Alain Resnais, lui, peut tout se permettre. Avoir quatre vingt six printemps apporte tout de même quelques avantages... Mais il n'est jamais dans la coquetterie ou la suffisance d'un cinéaste qui veut à tout prix épater la galerie. Il est libre de tout tenter...

Le pitch est des plus simples : Marguerite Muir se fait voler son sac alors qu'elle vient de s'acheter une paire de chaussures pour des pieds qui ne sont "pas ordinaires". Par hasard, Georges Palet retrouve le portefeuille de la dame dans un parking. Il le donne à la police. Quelques temps plus tard, la dame décide de remercier le monsieur qui en attendait plus. Le désir de désir n'est pas prêt de s'estomper...

André Dussollier et Sabine Azema 

Alain Resnais adapte un récit de Christian Gailly auquel il s'est juré une totale fidélité. S'il inscrit à chacun de ses films l'appellation : "réalisation : Alain Resnais", c'est qu'il se considère avant tout comme un homme qui met en images les mots de autres. Et les mots de Gailly ne sont pas évidents à mettre en scène. Resnais utilise pour cela la voix off du narrateur, Edouard Baer, et celle des personnages, André Dussollier et Sabine Azéma. Des voix qui s'interrompent, se reprennent, bafouillent, se contredisent parfois. Ce sont bien là les herbes folles qui poussent à travers les trottoirs sans explication rationnelle. Les êtres chez Resnais sont contradiction et imprévisibilité, en permanence. Et l'homme a, osons le dire, un certain génie pour faire passer au spectateur cette étrange impression d'instabilité.

Comme le scientifique de Mon Oncle d'Amérique, Resnais se sert  de ses personnages presque comme des cobayes à qui il fait faire de folles expériences, par la grâce d'une mise en scène proprement aérienne (le personnage d'Azéma est une aviatrice), d'une élégance (la séquence du vol du sac, filmée comme un ballet), d'une invention (l'utilisation des voix off) et d'une virtuosité (il procède plusieurs fois à des changements temporels dans une même séquence) souvent impressionnantes. Eric Gautier, son chef opérateur depuis deux films, dit du cinéaste qu'il filme sans filet, sans se couvrir, en sachant exactement ce qu'il veut au montage. C'est un risque pour tout réalisateur, même lui, de faire totalement confiance à son imaginaire. C'est grâce au travail sur les couleurs et les décors qui donnent au film une esthétique proche du surréalisme que l'on accepte cet univers, si l'on est prêt un tant soit peu à s'aventurer vers l'inconnu.

Alain Resnais

L'inquiétude et la drôlerie se mêlent, s'emmêlent même, et Resnais déjoue à chaque scène ce qu'on pouvait espérer ou redouter de la précédente. Pourquoi Georges Pallet veut-il cette femme ? Pourquoi sa femme a t'-elle l'air de vouloir que son mari la trompe ? Et pourquoi Marguerite Muir finit-elle par vouloir revoir un homme qu'elle ne connait pas et qui somme toute, a un comportement plutôt bizarre ? Parce que les êtres sont insaisissables et que Resnais va jusqu'au bout de cette logique. Dussollier, par exemple, est un drôle de type au passé trouble qu'on ne connaitra jamais.

Pourtant, au bout d'une heure et demie, les herbes commencent à sécher, se font moins viviviantes, plus statiques et on se dit que finalement, tout cela est un peu vain. Mais une dernière séquence dans les airs nous ramène à ce qui nous a tant scotché : le refus des conventions, l'absurde tragique, le "nonsens" absolu. Les personnages de Resnais sont peut-être des cobayes et même si on ne peut pas avoir d'empathie pour eux, force est de constater qu'ils continueront longtemps à voler au dessus de nos têtes.

Antoine Jullien

vendredi 6 novembre 2009

Il était une fois Sergio Leone


"La révolution, ce n'est ni un dîner mondain, ni un événement littéraire, un dessin ou une broderie. Elle ne peut-être conduite avec élégance, avec délicatesse, avec grâce et courtoisie. La révolution est un acte de violence."  

Cette maxime, signée Mao Tse-Tung, placée en ouverture du film, a provoqué en 1971 l'ire des américains qui y ont vu une apologie de la révolte et du communisme. Elle fut donc supprimée, comme plus de vingt minutes du montage initial. Les européens ont eu la chance, eux, de voir le film dans sa version intégrale qui ressort aujourd'hui.

Il était une fois la révolution est le moins connu des films de Sergio Leone, tourné entre Il était une fois dans l'ouest et Il était une fois en Amérique. Il mérite pourtant largement un revisionnage tant la grandeur stylistique de cinéaste explose à chaque instant.

Mexique, 1913. Juan, un mexicain pilleur de diligence et John, ancien membre de l'IRA spécialiste en explosifs, décident de dévaliser la banque centrale de Mesa Verde mais ils vont vite se retrouver plonger au cœur de la tourmente de la révolution mexicaine...

La démythification de l'Amérique, de ses valeurs et de ses héros est une constante dans l'œuvre de Leone. La révolution est forcément sale, sanglante, dénuée d'héroïsme et de glorification. Il pousse même l'ironie jusqu'à faire endosser à un bandit les habits de leader d'une révolte qui le dépasse.

Sergio Leone

Deux comédiens, deux gueules inoubliables, Rod Steiger et James Coburn, lointains cousins de Clint Eastwood et Eli Walach, emportés dans un tourbillon d'images, de sons, de fureur et de cinémascope. Sergio Leone a pendant longtemps été considéré comme un habile faiseur, pasticheur de western et avide de gros plans. Sa courte filmographie prouve au contraire la maturité du bonhomme, son regard sans concession sur l'espèce humaine et son inventivité permanente en reprenant à son compte un genre qu'il subvertit génialement, aidé bien sûr par la musique d' Ennio Morricone qui signe ici sa partition la plus surprenante.

Un très grand cinéaste pour un grand film amer et ambigu. Leone attendra douze ans avant de réaliser son ultime opus, Il était une fois en Amérique, soit l'un des plus beaux films du monde. Mais c'est déjà une autre histoire...

Antoine Jullien

jeudi 5 novembre 2009

Micmacs au village



Micmacs à tire-larigot. Jean-Pierre Jeunet aimé décidément les titres à rallonge tout comme les expressions d'un autre temps qu'il s'amuse à réemployer dans la bouche de ses comédiens, ici Omar Sy dans le rôle de Remington, l'un des chiffonniers ami et complice de Bazil (Dany Boon) qui, suite à une balle perdue reçue dans le crâne, est bien décidé à se venger de deux canailles marchands d'armes (André Dussollier et Nicolas Marié).

L'histoire n'est donc pas d'une grande originalité mais on était curieux de voir de quelle manière Jeunet aller aborder ce monde obscur et redoutable des "marchands de la mort". Et bien il le fait très "gentiment". Le réalisateur a sans cesse le cul entre deux chaises et tente de concocter une mixture entre Amélie Poulain pour sa fantaisie débridée et Délicatessen pour ses trognes et son inquiétante étrangeté. Le pari est perdu des deux côtés et pour faire référence au personnage de Yolande Moreau, la "tambouille" ne prend pas et manque cruellement de saveur.

Dany Boon et Jean-Pierre Marielle

Le cinéaste semble cette fois étranger à ce qu'il raconte, recyclant ses idées et s'autocitant plus que de raison (plusieurs affiches de Micmacs à tire-larigot apparaissent tout au long du film). Chacun fait bien son travail dans son coin mais sans jamais dégager l'osmose qui faisait tout le charme de ses précédents films. De la bonne ouvrage dont on voit les mécanismes et les rustines et dont on finit même par se lasser. La faute aussi à un scénario étonnamment faible, sans enjeu véritable, sans personnage réellement consistant.

Jeunet a fait ce film presque par accident, après avoir travaillé pendant des années sur l'adaptation de L'histoire de Pi pour le compte d'un studio hollywoodien. Le projet, trop lourd à financer, a été abandonné. Regrettable décision car le cinéaste se serait emparé d'un matériau tout à fait nouveau et aurait peut-être atteint une autre dimension. Là, il faut se contenter d'un plat réchauffé. Heureusement, ses qualités hors pair de conteur ne se sont pas envolées et au détour d'un plan, on retrouve le style Jeunet.

Il est donc inutile de taper, comme le font certains critiques aigres et vengeurs, sur un homme qui a bouleversé le paysage cinématographique français par ses trouvailles, son sens visuel imparable, ses gueules inoubliables, son imagerie rétro... Un coup de pompe peut arriver aux meilleurs mais si l'on doit attendre cinq ans entre chacun de ses films, la remise en forme s'avèrera indispensable !



Plus inattendu et beaucoup plus audacieux, voici Panique au Village de Vincent Patar et Stéphane Aubier. A l'origine, c'était une série télévisée de vingt épisodes diffusée sur Canal + en 2003. Les auteurs ont décidé d'en faire un long métrage, court (1h15), avec les voix d'origine (dont celle de Benoît Poelvoorde). 

L'histoire importe peu, c'est le procédé qui surprend :  une animation image par image de figurines pour enfants représentant, entre autre, un cheval, un cowboy et un indien...  A l'inverse du formidable Mary et Max dont la forme était accessible mais le fond beaucoup plus adulte, Panique au village reste très enfantin mais peut désarçonner par son animation pas très fluide et des voix parfois à peine audibles.


Mais curieusement, ces défauts se transforment en qualités et une vivifiante énergie créatrice se dégage de cet ovni, et surtout un humour typiquement belge des plus réjouissants. On se laisse vite embarquer par cet improbable trio dont les aventures deviennent de plus en plus délirantes, au risque d'un j'm foutisme sympathique mais un peu "too much".

Même si l'ensemble s'essoufle un peu, force est de constater que nos amis belges ne sont pas seulement les maîtres de la bande dessinée. Ils marquent un grand coup en nous offrant un moment drôle et absurde, pour petits et grands.

Antoine Jullien