mardi 23 février 2010

I love you Phillip Morris


Les stars américaines sont à plaindre. Et oui, rendez-vous compte qu'elles reçoivent toute la journée, par dizaine, des scénarii ineptes, comédies romantiques réchauffées, films d'actions boursouflés, drames larmoyants pour machines à Oscars. Quand un script inattendu tombe dans leurs mains, de plus écrit par deux illustres inconnus, l'envie de jouer reprend. Jim Carrey a du avoir cette impression au moment de lire I love you Phillip Morris. L'acteur a eu trop peu d'occasions d'exposer son talent, Eternal Sunshine étant déjà loin. Tout puissant qu'il est, il tente de convaincre les studios de produire cette histoire vraie d'un escroc prêt à tout pour l'homme de sa vie. Mais imaginer Carrey en folle perdue, il n'y a qu'un pas... que les studios refusent de franchir. Alors l'acteur appelle au secours son ami Luc Besson pour que le projet voit enfin le jour. Le producteur, plus prompt à compter ses sous qu'à soutenir des jeunes talents, accepte. Quand le cinéma français vient au secours du cinéma us...

Et ils ont eu bien raison de s'acharner. Car ce premier long métrage réalisé par John Requa et Glenn Ficarra est un objet hybride qui ne ressemble qu'à lui-même. On croit d'abord à une histoire d'amour homosexuelle. Puis on passe à une histoire d'arnaque. Et on assiste finalement à une comédie existentielle gonflée sur le besoin d'amour absolu que l'on veut à tout prix donner.

Steven Russell est au départ un bon mari, bon père de famille, bon flic. Puis il décide de tout faire valdinguer et révéler ainsi sa vraie nature. Il emménage avec un homme, monte des arnaques à l'assurance mais finit par se faire prendre. En prison, il tombe fou amoureux de Phillip Morris (Ewan McGregor), jeune homme fragile et influençable. Par un romantisme échevelé, Steven va se compromettre dans les plus grandes extravagances pour maintenir la flamme de cet amour passionné.

Jim Carrey et Ewan McGregor

John Requa et Glenn Ficarra balayent d'un revers de main le politiquement correct. Qu'un homme décide d'être enfin lui-même et de vivre selon ses désirs est montré comme une évidence, sans la moindre afféterie ni pathos. Les cinéastes arrivent à rendre cette histoire d'amour crédible et émouvante grâce à l'alchimie entre les deux comédiens qui sont parfaitement dans la tonalité d'un film souvent cru mais jamais vulgaire.

Puis le récit s'éloigne de la comédie grand public pour sonder des zones plus troubles, la quête identitaire de Steven et son besoin obsessionnel d'arnaquer son entourage par amour pour Phillip. A moins que ce ne soit pour lui-même. Les réalisateurs laissent le doute s'installer et la psyché du héros devient presque impalpable. L'imposture, un thème mille fois traité mais source d'enrichissement infini, trouve ici un nouvel éclairage. Et l'on comprend alors ce qui a tend rebuté les studios : un homme qui a traversé des chemins de traverse doit bien parvenir à la rédemption. Steven ne suivra pas cette voie, allant même jusqu'à manigancer un plan d'un cruel cynisme, preuve que l'on peut toujours être insolent avec des sujets tabous.


Enfin, il y a Jim Carrey. Ceux qui douteraient encore du talent du bonhomme n'auront plus aucun argument. Le comédien n'a probablement jamais été aussi complet, poussant sa démesure comique au service d'un personnage parfois bouleversant. Mais il y amène aussi une inquiétude sourde, une impression constante de malaise, de doute. L'acteur surfe magistralement sur tous les registres et remporte le pari haut la main. Espérons dorénavant que les dizaines de scénarii reçus se transformeront à nouveau en divine surprise.

Antoine Jullien




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