mardi 27 avril 2010

New York I Love You


Après Paris je t'aime, le producteur Emmanuel Benbihy a transposé le même concept à New York : une succession de courts métrages devant comporter une rencontre amoureuse sous toutes ses formes et réalisés par des metteurs en scène venus des quatre coins de la planète.

A contrario de l'épisode parisien dont les films, signés par quelques pointures (les frères Coen, Alfonso Cuaron, Wes Craven, Walter Salles...), étaient indépendants les uns des autres, New York I Love you regroupe moins de cinéastes prestigieux et forme un long métrage entrecoupé de différentes saynètes dans lesquelles les personnages se croisent.

Robin Wright et Chris Cooper

Ce nouveau procédé aère l'ensemble et lui donne une homogénéité que n'avait pas son prédécesseur. Mais si l'on ne subit pas de catastrophes (à l'exception du film de Natalie Portman), on ne trouve pas non plus des pépites qui resteraient en mémoire. Notons toutefois les belles réussites d'Yvan Attal à travers deux rencontres, l'une avec un dragueur (Ethan Hawke) pris à son propre un piège et l'autre avec un couple (magnifique Robin Wright) qui tente de redonner du piment en faisant un jeu de rôle. Même le lourdeau Brett Ratner surprend dans une jolie virée nocturne de deux adolescents à Central Park...

Le propos est drôle et tendre le plus souvent, parfois plus ironique et cru mais l'image de New York ne s'en trouve pas bouleversée. La ville dégage ce charme inimitable qu'on lui connaît mais le film ne tombe pas pour autant dans la carte postale. Les différents quartiers de Big Apple nous donnent à voir une société cosmopolite qui se cherche, en quête de l'amour comme en voit qu'au cinéma. Et c'est justement par cette manière habile de jouer avec les codes du septième art où les rencontres paraissent si simples et évidentes que le film trouve son charme. Un moment de légèreté bienvenu.

Antoine Jullien

Green Zone


Le style ne doit pas faire oublier le fond. Le réalisateur Paul Greengrass connaît bien ce principe et l'a prouvé en nourrissant La Vengeance dans la Peau et Vol 93 d'une substance politique teintée de paranoïa. Avec Green Zone, il nous parle à nouveau de l'actualité brûlante en racontant la recherche de la vérité d'un commandant de l'armée américaine (Matt Damon) parti en Irak retrouver les fameuses armes de destruction massive qui vont vite se révéler un écran de fumée dissimulant une réalité bien sale...

Depuis quelques années, le cinéaste britannique a su imposer une forme moderne du cinéma d'action, à base de caméra portée et d'un art savant du montage elliptique qui provoquent chez le spectateur une perte totale de repère. Ce système, Greengrass le décline de film en film mais comme tout dispositif, il finit par trouver ses limites. Le film est une fois encore d'une grande efficacité et le cinéaste n'a pas son pareil pour placer son héros au coeur d'un chaudron prêt à exploser à chaque instant mais il confond instabilité et mouvement. Sa mise en scène finit par lasser et parasite les enjeux véritables.


On loue, et à raison, l'étonnante capacité des anglo-saxons à se pencher sur leur passé le plus récent et nous autres, français, serions bien inspirés de les imiter. La guerre en Irak a déjà fait l'objet d'une dizaine de longs métrages dont le plus récent, Démineurs, vient d'être primé aux Oscars. Mais contrairement au long métrage de Kathryn Bigelow qui était un film de tension permanente où l'arrière plan politique était mis de côté, Greengrass évoque ouvertement un mensonge d'état connu maintenant d'une grande partie de la population et même si un blockbuster doit s'adresser au monde entier et donc aux personnes, nombreuses, qui ne connaitraient pas la vérité, ce n'est pas une raison pour la travestir.

Les américains ont parfois tendance à transformer des défaites en victoires et c'est ce sentiment au goût amer que laisse Green Zone. Pourquoi nous faire croire que la vérité a éclaté à l'issue du conflit alors qu'il faudra attendre des années avant que la presse américaine ne sorte de son aveuglement ? On ne soupçonnera pas Greengrass et le studio de complaisance intellectuelle mais cet arrangement avec la réalité créé le malaise de même que les personnages, tous unidimensionnels, à commencer par l'informateur irakien de Matt Damon à qui l'on fait jouer un rôle caricatural et facile. Greengrass martèle son message sans nuance pour que tout le monde comprenne mais un peu plus de complexité n'aurait certainement pas desservi un film d'action mené tambour battant au service d'un propos très (trop ?) simplificateur.

Antoine Jullien

mardi 20 avril 2010

Mammuth


Serge vient d'avoir 60 ans. L'heure de la retraite a sonné et c'est la désillusion : il lui manque des points, certains employeurs ayant oublié de le déclarer. Poussé par sa femme, il décide d'enfourcher sa vieille moto, la « Mammut » et part à la recherche de ses bulletins de salaires...

Il y a des routes incertaines, chaotiques, insolites que des cinéastes aiment emprunter de film en film. Celles tracées par le duo Benoit Delépine-Gustave Kervern prennent régulièrement des chemins de traverse. Mammuth poursuit dans cette voie originale qui fait tout le prix d'un cinéma libre et vivifiant. L'intrigue, incongrue et presque dérisoire, est un prétexte pour réaliser une sorte d'anti road-movie . Serge est un homme un peu désemparé car il se retrouve désoeuvré pour la première fois de sa vie. Il ne se doute pas à cet instant qu'il va redécouvrir l'amour et la sérénité.


Dès Aaltra, leur premier long métrage, Gustave Kervern et Benoît Delépine, anciens membres du cultissime Groland, affirmaient, outre un humour très particulier, un vrai sens de l'image et de la mise en scène. Avec Mammuth, ils poussent davantage l'expérimentation en utilisant une pellicule rare utilisée dans les actualités des années 70 ainsi que le super 8mm lors de passages oniriques. Cet étonnant alliage renforce l'aspect intemporel du film.

L'arrivée de Gérard Depardieu dans cet univers singulier est sans doute la plus belle chose que les deux réalisateurs pouvaient espérer. Coiffé d'une longue chevelure blonde qui rappelle Mickey Rourke dans The Wrestler, l'acteur, en ne faisant rien ou presque, se réinvente. Kervern et Delépine osent le filmer comme peu de cinéastes ont su le faire, en l'utilisant à plusieurs reprises comme le spectateur de la scène : filmé de dos lors de son mémorable pot de départ à la retraite comme au milieu d'un restaurant dans lequel tous les clients se mettent à sangloter sans raison, Depardieu est le corps et l'âme du film. Il est tour à tour hilarant lorsque il tente un passage en force avec son cadis de supermarché ou bouleversant quand il se met à écrire une vraie déclaration d'amour.


Comme dans leurs précédents longs métrages, Kervern et Delépine entourent leur personnage principal d'une galerie de caractères haut en couleurs, de Yolande Moreau, irrésistible dès qu'elle épelle son nom, à Anna Mouglalis en arnaqueuse de charme sans oublier les habitués Bouli Lanners et Benoît Poelvoorde. Seule l'apparition elliptique d'Isabelle Adjani ne convainc pas, ses interventions trop courtes ne donnant pas assez de relief à son personnage fantomatique.

Benoit Delépine et Gustave Kervern n'en n'ont peut-être pas conscience mais ils sont devenus des cinéastes uniques dans notre paysage national. Leur inventivité, leur manière de déjouer constamment l'attente du spectateur, leur sens de l'absurde poétique leur confèrent une singularité qui fait du bien. Gustave Kervern le résume parfaitement : "C'est pas qu'il est con, Mammuth. Il est ailleurs."


Antoine Jullien


La Comtesse


Julie Delpy a voulu s'attaquer à un "grand" sujet : la vie de la comtesse Bathory qui regna en Hongrie au XIVème siècle. Soupçonnée d'avoir assassiné plus de six cent jeunes filles et de s'être baignée dans leur sang afin d'accéder à la jeunesse éternelle, elle fut condamnée à l'emprisonnement dans son propre château où on l'emmura jusqu'à sa mort.

L'ambition de la comédienne, passée à la réalisation avec Two days in Paris, est clairement affichée dès les premières minutes : décors et photographie particulièrement soignés, narration en voix-off, comédiens de première classe (Daniel Brühl et William Hurt). Julie Delpy passe à la catégorie supérieure mais se casse les dents car la jeune réalisatrice ne sait pas sur quel pied danser. Le film ressasse des thèmes déjà vus qui pouvaient, grâce à cette tortueuse histoire, trouver un nouvel éclairage : la peur de vieillir, la place des femmes dans la société de l'époque, les jeux de pouvoir... mais la réalisatrice semble constamment hésiter entre la réalité et la légende. D'un côté, une comtesse cruelle qui tue des jeunes femmes et de l'autre une victime d'un complot fomenté par plusieurs familles nobles pour se débarrasser de cette rivale gênante. Sauf que, durant une grande partie du film, Julie Delpy privilégie la première hypothèse et ce n'est qu'à la toute fin qu'elle bascule vers la seconde. Ce changement de point de vue ne fonctionne pas de même que la disparition progressive de Daniel Brühl, le narrateur de l'histoire.

De plus, Julie Delpy manque d'audace et tombe rapidement dans un académisme vieillot, semblant terrorisée à l'idée d'explorer les abîmes de folie de ce personnage qu'elle interprète avec trop de retenue pour la rendre vraiment intéressante. Autour d'elle, à l'exception d'Anamaria Marinca, les acteurs sont réduits à des silhouettes sans vie et c'est avec un ennui poli que l'on suit cette histoire curieusement dépassionnée. Les louables intentions ne faisant pas forcément les bons films, Julie Delpy échoue dans sa tentative de film en costume moderne. Espérons que son troisième essai soit plus mémorable.

Antoine Jullien

Breathless


Pour son premier long métrage, le coréen Yang Ik-june a décidé d'occuper tous les postes : acteur principal, réalisateur, scénariste, monteur.... La rage et l'énergie qui découlent de Breathless sont le fruit de cette implication jusqu'auboutiste. Sans détour, il nous parle de la famille coréenne et de ses pères indignes en passant par le triste métier de recouvreur de dettes, avec une radicalité et une brutalité qui peuvent rebuter. En effet, la violence montrée à l'écran, sèche et répétitive, est souvent à la limite de l'insoutenable mais elle sert d'exutoire à ce voyou, traumatisé à vie par le meurtre de sa soeur et de sa mère perpertré par son père qui vient de sortir de prison. Ce syndrome familial parcourt tout le film et se greffe en parallèle à un autre récit tout aussi tragique qui amènera, contre toute attente, à une harmonie relative.

Yang Ik-June prouve, comme il a souvent été dit dans ces colonnes, la vitalité du cinéma coréen. Le réalisateur n'a certes pas la même maîtrise que ces prestigieux compatriotes et pêche parfois par un manque de rythme et une insistance un peu appuyée dans la violence et l'apitoiement. Il témoigne pourtant d'une vraie puissance de mise en scène et de réelles audaces de montage. La manière dont il utilise les flashs-back, abruptement et souvent à contre-courant, est exemplaire. Les ruptures de ton sont fréquentes et l'on peut assister, éberlué, à un passage à tabac d'un mauvais payeur qui se voit ensuite proposer de déjeuner avec son agresseur !

Mais c'est le tableau de la société coréenne qui retiendra le plus l'attention. Yang Ik-June y va franchement et en rajoute dans le glauque et le sordide mais sa description des comportements humains qui se constituent physiquement et verbalement dans la violence, interpelle. Un frère qui ne peut s'empêcher d'insulter sa soeur, un homme qui n'a comme seule réponse que les coups : le constat fait froid dans le dos. Et même si le réalisateur termine son film avec une vague lueur d'espoir, il n'est pas à mettre entre toutes les mains. Âmes sensibles s'abstenir.

Antoine Jullien

lundi 12 avril 2010

Ajami


Un metteur en scène israélien et un cinéaste palestinien à la réalisation d'un même film ? Yaron Shani et Scandar Copti ont tenté ce pari qui résume bien l'ambition de ce premier long métrage : filmer dans Ajami, l'un des quartiers de la ville de Jaffa, l'affrontement des communautés juives, palestiniennes et chrétiennes à travers plusieurs histoires qui nous racontent la difficulté de vivre et de survivre alors que la violence fait rage.

Un petit manuel de géopolitique ne serait pas de trop pour bien comprendre la complexité des relations intra communautaires au coeur d'Ajami : les premières minutes sont difficiles à saisir et le principe utilisé par les deux réalisateurs ne facilitent pas la compréhension : des intrigues sans fil rouge véritable et une accumulation de personnages désarçonnent pendant un moment. Mais lorsque le film se met vraiment en place, Ajami devient alors une captivante guerre des gangs.


On pense à Inarritu, pour le brio des histoires entrecroisées ou à Fernando Meirelles qui nous dépeignait dans "La cité de Dieu" une violence qui gangrène toute la société. C'est le même constat que font Yaron Shani et Scandar Copti : ils filment un conflit où un coup de feu, une empoignade peuvent survenir à tout instant.

Les réalisateurs ont fait tourné des acteurs non professionnels et n'ont filmé qu'une seule prise à chaque fois. Leur mise en scène s'en ressent fortement, le sentiment d'urgence manifesté par la caméra traduit bien le séisme permanent que subissent tous ces personnages. Et même si leur montage aurait du être plus resserré car toutes les intrigues ne se justifient pas, Yaron Shani et Scandar Copti nous offrent un état des lieux qu'aucun autre cinéaste de cette région du monde n'avait traité de cette manière. Eloquent.

Antoine Jullien

Les invités de mon père


Anne Le Ny a décidément bien fait de passer à la mise en scène. La comédienne, vue chez Agnès Jaoui ou Claude Miller, avait déjà réalisé un premier film convaincant "Ceux qui restent". Elle réunit ici une belle brochette de comédiens autour de petits arrangements avec la vie qui, s'ils sont d'une causticité jubilatoire, n'en témoignent pas moins d'une vraie cruauté.

Lucien Pommel, 80 ans, ancien médecin qui a toujours oeuvré dans le militantisme, décide d'épouser "en blanc" une jeune moldave sans papiers qui vit avec sa petite fille. Mais cet apparent acte de générosité cache une réalité moins noble. Quand les convictions et l'engagement sont soudain confrontés au désir...

Le film est raconté du point de vue des deux enfants du patriarche : elle, une médecin qui a toujours suivi  son père, l'élève modèle coupable d'un certain angélisme de gauche et lui, avocat d'affaires aisé, en sourde rébellion avec son paternel mais secrètement admiratif. Ce "couple" frère et soeur et l'une des grandes réussites du film car Karin Viard et Fabrice Luchini lui donne une complicité et une complexité très vite contagieuses. Les deux comédiens qui ont rarement été aussi justes et aussi émouvants sont les premiers violons d'une partition tenue jusqu'au bout, constamment en rupture entre vrai cocasserie et âpreté des sentiments.

Michel Aumont et Karin Viard

Car Les Invités de mon père n'est pas un film aimable et Anne Le Ny a le courage de tenir ce parti pris jusqu'au bout. Qu'est-on prêt à faire pour enlever son père d'un amour qui pourrait le tuer ? Comment accepter un acte contraire à nos principes ? Le film déjoue intelligemment les clichés car il ne représente pas le sempiternel sans-papier comme une victime expiatoire. Cette jeune moldave, limite raciste, ne se laisse jamais marcher sur les pieds et fait preuve d'une détermination finalement très humaine. La réalisatrice n'essaye pas de sauver ses personnages, à commencer par celui du père. Michel Aumont, impérial, perd sa dignité et son prestige en se laissant emporter dans cette relation. Et c'est parce "qu'il y a des actes militants plus agréables à regarder que d'autres" dixit Fabrice Luchini que ce père va oublier ses enfants en les reniant injustement. La séquence où, muré dans ses certitudes, il les déshérite est d'une force peu commune.

Mais comme le dit le vieil adage : "chacun a ses raisons". Tout le monde peut se reconnaître dans ce tableau familial duquel on sort troublé : les certitudes s'effondrent au fur et mesure que le rapport parents-enfants prend un tour inattendu. La réalisatrice ne juge personne et c'est à nous, spectateur, de faire notre propre jugement. Le cinéma français, dans un excès de politiquement correct, a souvent tendance à ne pas parler des questions qui fâchent. Anne Le Ny, avec un remarquable sens du tempo, nous offre sa petite musique qu'il serait regrettable de ne pas savoir écouter.

Antoine Jullien

samedi 10 avril 2010

Ressortie : Les Chaussons rouges


Voilà une ressortie à ne manquer sous aucun prétexte : "le plus beau film en technicolor, une vision jamais égalée" selon Martin Scorsese. Le cinéaste américain, tout comme ses compères Coppola et De Palma, a été très tôt fasciné par Les Chaussons rouges au point d'encourager sa restauration grâce à la fondation qu'il préside et qui a la charge de préserver les grands classiques du cinéma.

Les spectateurs de 1948 n'ont peut-être pas eu la chance de voir une copie d'un tel éclat : la version restaurée en HD fait revivre magnifiquement les couleurs et l'impressionnante ambition artistique du duo Michael Powell - Emeric Pressburger. Ils avaient souhaité adapter un conte d'Andersen dans lequel une ballerine ne peut se débarrasser de ses chaussons rouges au point d'en mourir. Les deux cinéastes sont partis de ce canevas pour raconter l'histoire d'une danseuse engagée par Boris Lermontov, le directeur d'un ballet prestigieux. Mais la jeune femme va devoir choisir entre sa passion pour la danse et son amour pour le brillant compositeur des "Chaussons Rouges".

Le film est avant tout célèbre pour son ballet de dix-sept minutes où cinquante deux danseurs virevoltent autour de la gracieuse Moira Shearer que Michael Powell avait choisi car elle n'était pas comédienne mais danseuse professionnelle. Son étourdissante performance est la clef de voûte d'une séquence traversée de fulgurances visuelles jamais vues jusqu'à alors. Les comédies musicales américaines qui suivront quelques années plus tard s'inspireront fortement de l'énergie créatrice du tandem Powell-Pressburger.


Sous ces atours de film tourbillonnant, Les Chaussons rouges est nourri d'un pessimisme amer sur l'impossible alliage entre la gloire et les sentiments. Ce dilemme inextricable trouve son point d'orgue lors de la bouleversante scène finale. La puissance de jeu d'Anton Walbrook qui campe un Lermontov dont l'autorité et le charme ne dissimulent pas la jalousie maladive et l'obsession du contrôle renforce la noirceur d'un film qui n'est pétri d'aucune illusion.

Chaque plan donne au spectateur le loisir de contempler la beauté cinématographique dans ce qu'elle a de plus essentielle et permet d'admirer le talent du grand chef opérateur britannique Jack Cardiff : deux époux sont chacun dans leur lit, au milieu d'une chambre bleutée, angoissés à l'idée d'un avenir incertain, deux belles âmes qui ont choisi l'indépendance au risque de ruiner leur carrière. La séquence, une des plus belles sur le couple, vaut bien que plus de soixante ans après sa création, on enfile à nouveau ces "Chaussons Rouges".

Antoine Jullien



* Les Chaussons Rouges est maintenant disponible dans une édition collector DVD et Blu-Ray chez Carlotta Video. 

jeudi 1 avril 2010

Soul Kitchen


Fatih Akin s'est offert une récréation. Après deux films graves (Head-On et De l'autre côté), il plante son décor dans un restaurant de la banlieue de Hambourg, transformé le temps d'un film en "Soul Kitchen". Le jeune propriétaire du lieu, peu doué en cuisine et désespéré de voir sa copine partir à Shanghai, décide de recruter une bande de pieds nickelés pour redonner âme et vie au restaurant. Mais entre un mal de dos récurrent et un frère tout juste sorti de prison, les ennuis ne font que commencer...

A savourer sans modération. Tel pourrait être le slogan de Soul Kitchen. Fatih Akin délaisse les questions existentielles pour se concentrer sur le pur divertissement. Un divertissement avant tout musical et le cinéaste allemand s'y connaît en bonne musique, égrenant les standards avec délectation . Les personnages, tendrement croqués, apportent leurs lots de situations rocambolesques et de rires en cascades. Si vous souhaitez connaître les vertus d'un thérapeute turc ou savoir comment remporter une vente aux enchères à l'aide d'un bouton de chemise, ce film est fait pour vous. 

Bien qu'il ne tienne pas toujours la distance car la comédie exige une mécanique imparable, Fatih Akin fait preuve d'une virtuosité qu'on lui connaissait déjà, déambulant avec gourmandise dans le soul kitchen, des cuisines qui vont trouver un nouvel éclat à la piste de danse endiablée, théâtre d'une étreinte croustillante. Un parfum de liberté et de joie de vivre se dégage de cet ensemble sympathique. Sans être moralisateur ni bêtement angélique, le réalisateur brosse un nouveau portrait de société dans laquelle les uns et les autres croient encore au "vivre ensemble". Rafraîchissant.

Antoine Jullien