mercredi 12 mai 2010

Enter the void


"L'enfant terrible du cinéma français" lit-on régulièrement à propos de Gaspar Noé. Un enfant déjà roi à qui l'on a accordé un budget imposant (plus de 10 millions d'euros) pour assouvir un trip expérimental, sans vedette ni concessions. Les producteurs, et c'est heureux, aiment encore se lancer dans des paris fous. Sûr qu'avec Gaspar Noé, ils ont été servis. Et le spectateur aussi.

Pitcher Enter the Void ? La chose est délicate tant le long métrage n'a que faire de son histoire. Disons qu'il s'agit d'un jeune homme qui, mort au début du film, voit son âme contempler le monde et lui fait revivre les moments clefs de son existence. Tout cela pendant 2h35...

Le spectateur doit être prévenu : même s'il n'assistera pas à des scènes insoutenables comme dans Irréversible, il devra se laisser entraîner dans ce tourbillon psychédélique.  Et le ton est donné dès le générique, une succession frénétique de titres aux couleurs criardes. Par la suite, le film adoptera un tempo plus calme, hypnotisant.


Durant une bonne heure, la caméra de Gaspar Noé surplombe le décor puis se positionne dos au personnage, alternant différents modes de subjectivité. Techniquement exceptionnel, le résultat, baigné d'effets spéciaux 3D dernier cri, vaut à lui seul le déplacement et ne ressemble à rien de connu. De plus, l'utilisation des lumières de Tokyo, le lien principal de l'action, renforce cette envie d'un grand voyage hallucinogène. Mais la blague ne dure pas éternellement et l'extrême artificialité du projet éclate alors au grand jour.

Gaspar Noé n'a jamais eu grand chose à nous dire et le montre une fois encore. Sa vision du monde, bêtement adolescente, assénée à coups de phrases choc, trouve ses cruelles limites. Pour masquer l'indigence du propos, le réalisateur répète à foison ses longs mouvements d'appareils et plonge jusqu'à plus soif dans diverses substances pour nous amener au Love Hotel, étape finale et bienvenue d'un périple mental plus roublard que vraiment marquant. A moins que nous ayons raté l'expérience philosophique de notre vie ? Au cinéaste de conclure : "Le sujet principal de mon film serait plutôt la sentimentalité des mammifères et la chatoyante vacuité de l'expérience humaine". CQFD.

Antoine Jullien

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