vendredi 25 juin 2010

Ressortie : Les Moissons du Ciel


Alors que The tree of life, son dernier opus, se fait désirer au point de devenir un vrai serpent de mer, le deuxième long métrage de Terrence Malick ressort dans les salles. Les Moissons du Ciel, réalisé en 1978, avait obtenu le prix de la mise en scène à Cannes et révélé le jeune Richard Gere, à l'époque dévolu aux séries télévisées. Cette réédition supervisée par Malick lui-même devrait ravir les admirateurs du cinéaste (et ils sont nombreux !). Votre serviteur ne faisant pas partie de la secte malickienne, le recul est plus évident. Inutile cependant de jouer les détracteurs de pacotille, il s'agit bien du grand film de Malick.

Nous sommes en 1916. Bill, ouvrier dans une fonderie, sa petite amie Amy et sa soeur Linda quittent Chicago pour faire les moissons au Texas. Voyant là l'opportunité de sortir de la misère, Bill pousse Aby à céder aux avances d'un riche fermier qu'ils savent atteint d'une maladie incurable. Mais Aby finit par tomber amoureuse du fermier, ce qui déjoue les plans de Bill...

Richard Gere et Brooke Adams

Terrence Malick a la réputation d'être le grand cinéaste de la nature. En effet, dans chacun de ses films, elle tient une place prépondérante, enveloppant ou menaçant les personnages au moment où l'on s'attend le moins. Mais le cinéaste a aussi une fâcheuse tendance à les regarder de très haut, dans une position "céleste" qui peut agacer. Dans Les Moissons du ciel, Malick est à hauteur d'homme. Il filme un trio amoureux dans toute sa complexité et la nature réflète alors magnifiquement les saisons du coeur et de l'âme. Le film aurait d'ailleurs pu s'appeler "Les Climats" tant ils épousent les variations incessantes de personnages tour à tour émouvants, manipulateurs et lâches.

Chaque plan, d'une beauté picturale éblouissante, forme une architecture où la ligne entre le paradis et l'enfer devient impalpable. Le vent continuel qui balaie les champs de blé à l'infini, le bruit strident des sauterelles annonçant le drame à venir sont les éléments successifs du dérèglement humain. La photographie de Nestor Almendros, oscarisé pour l'occasion, n'y est pas étrangère et il capte, avec une douceur mélancolique, la juvénilité touchante de Richard Gere et Sam Shepard, amis-ennemis jusqu'à la mort.

Le film n'appartient à aucun genre et symbolise la farouche volonté d'indépendance de Malick qu'il n'a jamais cessé de préserver. Et comme preuve de cette liberté, après avoir filmé l'incendie qui ravage les champs comme un cauchemar éveillé marquant la fin de l'innocence, il clôt son film sur une surprenante note d'espoir. Une nouvelle route à emprunter. Un prélude à un avenir apaisé...

Antoine Jullien

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