mardi 20 juillet 2010

Copacabana et Tamara Drewe


En ces temps ensoleillés, deux films lumineux sortent coup sur coup sur les écrans. Copacabana de Marc Fitoussi est l'une des meilleures surprises de cette période estivale. Le film explore les rapports compliqués et conflictuels entre une mère et sa fille et s'attache surtout à croquer avec beaucoup de sensibilité la personnalité fantasque et immature de Babou, interprétée par Isabelle Huppert.

Parce qu'elle veut à tout prix retrouver l'estime de sa fille qui ne veut pas d'elle à son mariage, Babou part à Ostende travailler dans l'immobilier. Etonnamment, elle se débrouille mieux que les autres et trouve grâce auprès de sa patronne jouée finement par Aure Atika. Cette parenthèse flamande va être l'occasion pour Babou de s'accomplir et de retrouver le chemin de sa fille.

Lolita Chammah et Isabelle Huppert

Même si Isabelle Huppert a déjà oeuvré dans des registres plus légers, l'actrice s'était cantonnée depuis quelques temps dans un style de films identiques où la "performance" était le maître mot. Quel bonheur de la retrouver telle qu'on ne l'avait presque jamais vue. Irrésistible, mal fagotée, touchante, audacieuse, l'actrice est rayonnante et se renouvelle entièrement, elle dont on commençait à percevoir les ficelles d'un jeu un peu trop contrôlé. Marc Fitoussi s'est aussi appuyé sur un des scénarios les mieux écrits de cette année. Jonglant intelligemment entre la comédie de moeurs et la réalité sociale peu enviable d'Ostende, le réalisateur arrive à traiter ces deux univers et tenir son histoire jusqu'au bout. Le scénario, d'une grande justesse, offre aux comédiens quelques répliques bien senties. Seule la fille de Babou, incarnée par Lolita Chammah, la propre fille d'Huppert, manque d'épaisseur et semble un peu stéréotypée.

Pour son deuxième long métrage, Marc Fitoussi a gagné ses galons de cinéaste à suivre. En parvenant à filmer Huppert sous un angle rare et sensible, il nous propose une comédie enthousiasmante dont il serait dommage de se priver. A regarder de préférence entre mère et fille.



Stephen Frears est, lui, dans une veine nettement plus satirique. Avec Tamara Drewe, le réalisateur des Liaisons dangereuses pose sa caméra dans un petit village de l'Angleterre. Une pétulante jeune femme, la Tamara Drewe du titre, quitte Londres pour revenir dans son hameau natal. Avec ses jambes interminables, Tamara a bien changé depuis qu'elle s'est fait refaire le nez et devenue journaliste à "The Independant". Elle va semer le trouble et la confusion au milieu des bobos et ruraux qui vont tous succomber à sa beauté pyromane.

Les saisons passent et les sentiments des protagonistes sont de plus en plus contrariés. En adaptant le roman graphique de Posy Simmonds, Stephen Frears a trouvé un formidable terrain de jeu pour dépeindre, comme il sait si bien le faire, la petite médiocrité ordinaire, le mensonge érigé en valeur refuge, la frustration latente et le désir jamais assouvi d'une petite communauté d'écrivains d'où trône Nicolas Hardiment, la cruelle incarnation de l'auteur suffisant et lâche. Cette galerie de personnages haut en couleurs est manipulée, et là est l'idée ingénieuse du film, par deux gamines qui veulent donner enfin un peu de piquant à ce village endormi. Les deux jeunes interprètes sont stupéfiantes de spontanéité et, bien que le cinéaste s'en serve parfois pour pallier les carences du scénario, dynamitent le récit et sont le révélateur de comportements étranges et insolites.

Gemma Arterton 

Ni farce hilarante ni comédie aigre, Frears opte plutôt, selon ses propres termes, pour une "comédie pastorale", un jeu de massacre qui souffre malheureusement d'une sérieuse baisse de régime au milieu du gué et l'on se demande alors où le cinéaste veut en venir. Mais dans la dernière partie, la plus féroce mais la plus réussie, Frears retrouve le mordant et la saveur de The Queen. Le film devient une succession de petites catastrophes où le cinéaste subvertit les genres, une scène de western comme une attaque de bétail se transformant en un moment cocasse d'humour noir. Il dépouille ses personnages de leur apparat et les met à nu. Tamara Drewe, sur un mode léger, n'est finalement que la pièce supplémentaire de l'édifice bâti depuis toujours par Stephen Frears, soit les petits arrangements avec la vie.

Antoine Jullien



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