mardi 31 août 2010

Oncle Boonmee

Débusquer l'imposture. Cette mission tombe à pic au sujet d'un film qui se passe pour l'essentiel dans une forêt thaïlandaise. Adopter un grand courage critique. Il en faut tant l'enthousiasme délirant, aveugle, manipulateur de la presse sur ce film ne permet aucune réserve possible. Heureusement, Mon Cinématographe a sa liberté de pensée et le fait savoir, surtout lorsqu'il juge la Palme d'Or 2010. 

On ne va pas déblatérer inutilement sur l'intrigue inexistante du quatrième film d'Apichatpong Weerasethakul (un conseil, entrainez-vous avant de vous la raconter dans les dîners mondains !) car aujourd'hui, c'est bien connu, le scénario est une absurdité d'un autre temps, le symbole d'un cinéma scolaire et lourdingue et prétendre le contraire vous conduirait à la vindicte populaire (enfin plutôt celle des quelques journaux qui font la pluie et le beau temps cinéphiliques !). Mais encore faut-il avoir du talent... et le doute est sérieusement permis à la vision de cet Oncle Boonmee

Qu'est-ce qui a tant plu au président du jury Tim Burton ? Aurait-il bu un élixir avant la projection qui l'aurait mis dans une transe du diable ? Sentant l'épreuve qui l'attendait, il a eu probablement raison. Encore que le mot épreuve paraisse bien faible devant ce monument d'ennui. Pourtant, dans les premières séquences, un vague espoir naît. Le film est entouré d'un mystère assez séduisant et les apparitions fantastiques successives agrémentent notre curiosité. Mais bien vite, le cauchemar commence et ne se terminera qu'une fois les lumières de la salle rallumées.


Il est toujours compliqué d'évoquer le rien car il peut contenir toutes les interprétations. Les adjectifs les plus abscons peuvent très bien convenir tant le néant a besoin de plein et de délié. C'est pourquoi vous entendrez ou lirez les mots les plus fantaisistes pour qualifier cette oeuvre que beaucoup aiment appeler ovni. Mais là où le fond est toujours discutable, la forme, elle, ne peut souffrir de mensonges éhontés. Prétendre que ce film est une splendeur esthétique alors qu'il est objectivement d'une laideur sans nom révèle de la pure escroquerie intellectuelle. Non seulement le film est laid mais il ne contient aucune idée de mise en scène. A moins que le cinéma du 21ème siècle ne soit qu'une accumulation de plans d'une durée de dix minutes minimum et qu'une femme poisson ou un singe avec des yeux rouges représentent le sommet de l'invention cinématographique, alors ce film est bel et bien une imposture. 

Lorsque l'on regarde d'un peu plus près les cinéastes qui n'ont pas eu les honneurs d'une palme d'or, on retient Kubrick, Hitchcock, Eastwood, Almodovar, Tarkovski, Bergman et... Tim Burton. Que ces immenses artistes aient été oubliés est en soit une absurdité. Mais que ce monsieur Weerasethakul ait obtenu la récompense suprême dévalue tout d'un coup la portée d'un tel évènement. L'histoire saura qui retenir...

Antoine Jullien




6 commentaires:

  1. Un tel défoulement peut-il réellement être pris au sérieux? Parler "objectivement d'une laideur sans nom" c'est mettre en danger voir jeter par la fenêtre sa crédibilité... De même que prétendre qu'un film ne contient aucune "idée de mise en scène" n'a pas tellement de sens, à part celui de démontrer qu'on a à faire à une vision très réductrice du cinéma. Critiquer c'est un art qui demande une certaine réflexion, et que le film ait plu ou non, cette façon d'en parler n'est pas à mon avis une manière de se mettre en valeur. Autant réduire en deux phrases un article qui fait cinq paragraphes. Et s'il s'agit de discréditer la palme d'or, évidemment c'est au moins aussi facile que pour moi de discréditer cet article. Penser au fond et à ce que ça peut apporter avant de se lâcher en prétendant faire de l'esprit...
    Sans pour autant être en désaccord avec certains aspects que tu soulèves dans l'article, je remarque juste avec un peu d'agacement que ça relève plus du défoulement que de la critique.
    Bien à toi.

    0981

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  2. Cet article n'est en aucun cas un défoulement, il s'agit d'un ressenti subjectif sur un film.

    Dire que j'ai une vision réductrice du cinéma témoigne bien de ta méconnaissance complète de ce blog. Je te renvoie à mes critiques précédentes qui montrent au contraire une vraie ouverture d'esprit et un grand éclectisme.

    Intrigue inexistance, ennui profond, vide intersidéral et laideur esthétique résument en effet ce que je pense du film et je persiste en soutenant qu'il ne contient aucune idée de mise en scène.

    Alors si tu souhaites le défendre, donne des arguments sérieux au lieu de dénigrer ceux qui osent émettre un avis négatif.

    Bonne journée.

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  3. Pardon, j'ai lu davantage du blog. Je pense que tu dis des choses intéressantes, c'est même indéniable, et sur des films assez variés je dois dire, même si on reste dans des productions majeures... Évidemment c'est réducteur de ma part d'envoyer un commentaire comme celui que j'ai envoyé, mais je trouve ça à peu près aussi réducteur que l'article en lui même. À part "Il est toujours compliqué d'évoquer le rien car il peut contenir toutes les interprétations" qui résume bien une façon qu'on peut avoir de voir ce film, et qui peut justifier le fait qu'il soit ressenti comme "une blague" je ne trouve aucune remarque intéressante dans cet article.

    à mon avis, c'est une initiative intéressante de la part du jury de cannes de choisir ce film. Ça permet de répandre un peu plus un cinéma qui a un public très réduit, je suis sûr que certains auront trouvé des choses dans ce film qui les pousseront à s'intéresser davantage à ce type de cinéma. Un jury a une personnalité autant qu'un public, il n'est pas forcément là pour faire plaisir à tout le monde, il fait ses choix selon ses goûts, non selon ceux du grand public (ou selon ceux d'un public d'amateurs).

    >

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  4. Mon but n'est pas de défendre ce film, c'est juste de me battre un peu contre une espèce de rejet de dégout qui dépasse pour moi l'émission du simple jugement négatif. Je pense notamment dans ton article à "Prétendre que ce film est une splendeur esthétique alors qu'il est objectivement d'une laideur sans nom" qui relève évidemment de la contradiction, comment peux tu être "objectif" alors qu'évidemment tu portes un jugement de valeur, esthétique qui plus est sur ce film... Comme toi tu as pu le trouver laid, d'autres ont pu le trouver beau, personnellement l'image m'a plu, c'est dû à mes goûts et je veux bien comprendre qu'elle ne plaise pas, mais peut on affirmer que un tel ou un tel s'est trompé en disant que ça lui plaisait ou non? Pour moi on est pas dans une critique constructive mais évidemment dans un défoulement, comme je disais.
    Qui plus est, s'il peut paraître hermétique, ce film me semble bel et bien consistant. Et en effet les plans peuvent être très longs, et justement, ça peut être critiqué ou quoi, mais c'est bel et bien une "idée de mise en scène" s'il en faut. Tout comme le fait que l'on accompagne tout le temps les personnages, les plans en vue subjective etc. (ce ne sont peut être pas des idées que tu trouves intéressantes, mais on peut bel et bien parler d'idées de mise en scène.)

    Tout ça pour dire qu'en fait, au vu du reste de ce blog dont les critiques sont souvent intéressantes et n'omettent pas de préciser des éléments importants tant du point de vue de l'historique que de la production... cet article est bien décevant car contrairement au reste où on trouve toujours des remarques constructives et qui laissent une certaine liberté pour se faire son avis, celui ci passe juste pour un coup de gueule déraisonné et c'est dommage.

    Bien à toi,

    0981

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  5. Je suis content que tu sois un lecteur fidèle de ce blog. Content aussi de voir plus de mesure dans tes propos.

    Je crois que nous n'arriverons pas à nous mettre d'accord sur ce film et c'est tant mieux. Plus les avis sont divers, mieux le débat se porte.

    Au fond, ma critique aurait sans doute été moins virulente si le film n'avait pas remporté la Palme, soit la plus haute distinction cinématographie qu'un réalisateur puisse rêver d'obtenir. Il est donc normal d'être plus exigeant et sans doute moins indulgent.

    Que le succès du film ne soit pas au rendez-vous ne me surprend pas (et c'est un euphémisme). Maintenant, je crois à une idée plus universelle du cinéma et cet élitisme à tout crin risque de faire du tort à un festival comme Cannes. Que l'écart soit si grand entre le public et le festival pose question.

    Même si les spectateurs sont beaucoup moins que curieux qu'auparavant (et on peut le déplorer !), il ne faut pas pousser non plus! Et je rappelle, pour exemple, que Blow Up, Sous le soleil de Satan ou Rosetta, soit des oeuvres qu'on ne peut guère qualifier de "grand public" (un gros mot pour certains semble-t-il) avaient en leur temps remporté un certain succès.

    Des hommes et des dieux dont je parlerais bientôt dans ces colonnes est lui un grand succès alors que c'est une oeuvre austère et contemplative et je trouve cela réjouissant.

    Mais c'est sans doute trop accessible pour toi. A ce propos, c'est curieux que tu n'ai pas réagi à ma critique incendiaire de Copie Conforme de Kiarostami.

    Pour en revenir à notre sujet initial, j'espère que mon papier a contrebalancé les louanges que tu as pu lire un peu partout. Mais je te comprends bien, je peux aussi être très en colère lorsque je lis des attaques en règle contre des films que j'aime.

    C'est ainsi...

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