mercredi 17 novembre 2010

Potiche

"La femme est l'avenir de l'homme". Jean Ferrat était en avance sur son temps, à l'exact opposé de Robert Pujol, l'incarnation du mâle dominant des années soixante-dix. Menant d'une main de fer son entreprise de parapluies, il considère son entourage, et en premier lieu sa femme, comme quantité négligeable. Jusqu'au jour où, séquestré par ses employés en grève, il doit céder la direction de la société à sa tendre épouse qui va se révéler, contre toute attente, une remarquable patronne. 

Après Gouttes d'eau sur pierres brûlantes et 8 femmes, François Ozon adapte une nouvelle fois une pièce de théâtre. Ecrite par le tandem Barillet et Gredy, Potiche fut à sa création un triomphe grâce à la prestation tonitruante de Jacqueline Maillant. Prenant quelques libertés avec le texte original, Ozon a souhaité conserver l'époque du récit, 1977, pour mieux parler des problèmes d'aujourd'hui : la place de la femme dans la société, les relations tendues dans l'entreprise, l'émancipation au sein de la cellule familiale. En jouant à fond la carte du kitsch assumé, le réalisateur parvient à évoquer tous ces thèmes avec une légèreté bienvenue, en saupoudrant ça et là son film de quelques références malicieuses à la politique actuelle. 

Enchaînant les films avec de moins en moins de conviction et d'allant, Ozon avait besoin de se frotter à un matériau dont il n'était pas l'auteur pour laisser libre cours à ses envies stylistiques. Couleurs criardes, téléphone recouvert en cuir, cuisine flambant neuve, le réalisateur recréé le fantasme des années 70 avec bonheur. Prenant plaisir à vêtir ses acteurs de costumes "d'époque", il leur donne une délectable  partition, de Judith Godrèche en fausse féministe à Karin Viard en secrétaire engagée et pleine d'aplomb. Il en profite également pour reformer le couple mythique Catherine Deneuve-Gérard Depardieu. Retrouvant une belle complicité, les deux comédiens se révèlent touchants dans une séquence dansante où les amours et les regrets passés ressurgissent avec une douce mélancolie. 

Catherine Deneuve et François Ozon

Aux antipodes de l'interprète originale, Catherine Deneuve fait de sa potiche une étonnante incarnation moderniste. Alliant sa prestance à son élégance naturelle, l'actrice joue les situations en ne forçant jamais le trait. Triturant l'image de sa comédienne affublée d'un jogging rouge impayable puis chantant avec une décontraction infinie, le cinéaste pose sur elle un regard ambigu sans que l'on sache véritablement s'il s'en moque ou s'il lui rend hommage. 

Mais le théâtre à l'écran peut aussi avoir ses travers qu'Ozon n'évite pas toujours. Alors qu'il a eu l'intelligence de confier son casting à des acteurs de cinéma, il a eu la mauvaise idée de donner à un habitué des planches, Fabrice Luchini, le rôle de l'odieux patron réac. Incapable d'aller au-delà de la simple caricature, il fait de Robert Pujol un personnage un temps cocasse mais rapidement lassant. Le réalisateur tombe également dans les pièges du théâtre filmé en gardant les ressorts comiques les plus éculés et en se reposant trop souvent sur un découpage plan-plan. Lors de la dernière séquence, le film se termine pour ce qu'il est : une plaisante comédie, plus amusante que drôle. Et même s'il finit par brocarder la politique spectacle, tout cela reste très inoffensif. Ozon ose encore, mais en mode mineur.

Antoine Jullien




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