mardi 8 mars 2011

Never let me go


Depuis l'enfance, Kathy, Ruth et Tommy sont pensionnaires dans un établissement idyllique de l'Angleterre. En apparence. Car les trois enfants vont rapidement découvrir qu'ils sont en réalité destinés à devenir des donneurs d'organes. A travers trois époques (les années 60, 80 et 90), les amours qui relient ces trois personnages vont se confronter au sacrifice et à la mort. 

Never let Me Go est l'adaptation du roman de Kuzuo Ishiguro, Auprès de moi toujours. Ce romancier britannique d'origine japonaise avait écrit Les Vestiges de Jour porté à l'écran par James Ivory en 1993. On retrouve les mêmes thèmes : le renoncement de soi, les amours empêchés, une vision intemporelle de l'Angleterre. Mark Romanek, auteur d'un premier long métrage angoissant (Photo Obsession), avait la lourde tâche de transposer cette histoire déroutante qui se déroule dans un monde parallèle. Une science-fiction décalée, souterraine, que le cinéaste traite avec l'épure nécessaire. 

Carey Mulligan, Keira Knightley et Andrew Garfield

Le destin des trois personnages semble, dès les premiers instants, inéluctable. Le chemin qui les conduit vers la mort est marqué du sceau du fatalisme. Dans la première partie, à l'internat, Mark Romanek filme les non-dits, les silences qui intriguent le spectateur. Ce pensionnat gardera une bonne part de ses mystères mais lorsque le sacrifice de ces enfants se révèlera à nous, le film, au lieu de heurter ce dessein funeste, accompagnera Kathy, Ruth et Tommy vers leur marche mortifère.

Le film est déconcertant car il échappe aux conventions imposées par une telle histoire. En effet, à aucun moment le récit ne vient davantage éclairer les conditions du programme de donneurs ni les raisons de ce sacrifice. Sans rien expliciter, Mark Romanek réalise un film dérangeant d'une tristesse abyssale qui voit trois destinées ne pas concrétiser leurs rêves d'amour. C'est finalement le grand sujet du film, une histoire de sentiments contrariée demeurant le seul moyen de lutte de personnages incapables de se révolter.  Une musique douloureuse que le cinéaste arrive par moments à rendre plus lumineuse en filmant l'Angleterre des Cottages, paisible en apparence, feignant de protéger les jeunes adultes de la tragédie à venir. Mais ce beau film a aussi les défauts de ses qualités. Car le réalisateur s'est réfugié dans un drame intimiste en n'osant pas s'emparer des grandes thématiques que le sujet exigeait, la morale et l'éthique étant gommées par la profonde humanité des personnages. Un choix courageux mais timoré.

Antoine Jullien

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