mercredi 4 mai 2011

Tomboy

Une histoire de genres. La réalisatrice Céline Sciamma nous propose un film étrangement solaire où la question de l'identité sexuelle trouve un nouveau point de vue. Le regard que l'on porte sur l'autre et la manière dont il ou elle le reçoit est le sujet central de Tomboy. Avec des conséquences graves et légères. 

Un enfant arrive avec sa famille dans une résidence, en plein été. Il fait rapidement la connaissance d'une petite fille et se présente à elle en se nommant Michael. Mais quelques séquences plus tard, sa mère l'appelle Laure et l'on découvre que c'est une fille. Sauf qu'elle va continuer à se prendre pour un garçon aux yeux de ses petits camarades.

Jusqu'où ira l'imposture ? Le spectateur est tenu en haleine par un suspense qui ne dit pas son nom mais qui surgit lors de deux séquences où l'identité de "Michael" risque d'être dévoilée. Les jeux d'enfants cachent parfois des réalités plus troubles que Céline Sciamma rend subtilement naturelles. Une baignade ensoleillée dans laquelle Laure a trouvé le plus inattendu des subterfuges est un grand moment de tension dramatique. Mais la réalisatrice n'a pas eu besoin d'artifices pour que l'on accepte ce postulat. Elle a eu le talent de choisir une jeune comédienne dont on est pas prêt d'oublier le visage désenchanté. Zoé Héran, retenez-bien ce nom car elle vous hantera longtemps après la projection. Cet enfant impassible et secret dont on ne connaît pas les raisons de ce "changement" est immédiatement crédible dans la peau d'un  garçon. On se retrouve même dérouté lorsqu'elle joue avec son amie à se maquiller en petite fille. Elle se présente enfin à nous sous son identité réelle et la confusion devient grande. 

Jeanne Disson et Zoé Héran

Céline Sciamma filme la famille dans une entité tour à tour protectrice et étouffante. Les parents aimants de Laure voient chacun leur enfant différemment et le père semble entretenir malgré lui cette impression de garçon manqué. Mais le tableau ne serait pas complet sans le rôle primordial joué par la petite soeur de Laure. Cette relation tendre et complice (dans tous les sens du terme) est la pierre angulaire du film et son incarnation véritable. Jeux, confidences, rigolades parsèment ce film faussement joyeux ou faussement triste. Car la réalisatrice raconte cette histoire avec une limpidité absolue en dégraissant son intrigue de procédés psychologisants. C'est au spectateur de se faire sa propre idée à la vision de ce film très complexe. La réalisatrice donne cependant des pistes et certaines images peuvent prétendre à interprétation : une robe que l'on ne veut pas porter et que l'on abandonne sur une branche d'un arbre, conserver le moulage de sa tromperie dans une petite boîte à côté de ses dents de laie. Existe-t-il un problème ? On ne le saura pas. A t-on assisté à un innocent jeu de scènes qui prendra fin avec la rentrée des classes ? Ou à la découverte d'un corps que l'on se refuse à accepter ? La cinéaste se garde bien de trancher mais a réussi à nous remettre profondément en question.

Antoine Jullien



DVD disponible chez Pyramide Vidéo.

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