mercredi 7 septembre 2011

Habemus Papam


La foule amassée devant le Vatican attend avec fébrilité l'annonce du nouveau pape. Alors que le cardinal vient de prononcer le fameux Habemus Papam, un cri effrayant l'interrompt brutalement. Melville, l'homme qui vient de se voir confier la tête de l'Eglise, ne supporte pas cette charge immense. Tenant le public dans l'ignorance, les conseillers du Saint Siège vont tout tenter pour ramener le souverain pontife à la raison même s'il faut en passer par la psychanalyse. 

C'est Nanni Moretti qui interprète avec une indéniable délectation le rôle du thérapeute. Son arrivée dans le Vatican donne au long métrages ses instants les plus comiques. Au milieu des cardinaux médusés, Moretti tente de percer la personnalité de cet homme étrange prostré devant lui. La séquence est d'une réjouissante drôlerie, le réalisateur montrant ironiquement l'impossible association entre la religion et la psychanalyse. Malgré le sérieux de son sujet, le cinéaste ne perd jamais son humour pince-sans-rire, à voir la manière magistrale avec laquelle il filme le conclave où l'on entend, éberlué, les pensées des cardinaux qui redoutent de devenir papes et espèrent de tout coeur ne pas l'être.

Nanni Moretti et Michel Piccoli

Moretti égratigne gentiment l'Eglise qui l'intéresse avant tout comme institution avec ses codes et ses rites qui semblent soudain bien dérisoires face à la situation qui la dépasse. Car le pape en a profité pour échapper à la surveillance de ses conseillers et se met à déambuler dans les rues de Rome comme un parfait inconnu. L'homme est incarné par un Michel Piccoli dont la démarche lasse et le timbre de voix déclinant accompagnent ce personnage bouleversé par le retour à son passé. 


Lorsqu'une psychologue lui demande ce qu'il fait dans la vie, Melville, qui ne peut dévoiler sa réelle identité, se déclare "acteur". Il revient alors à son amour originel, le théâtre, et il est beau de voir le parallèle émis par Moretti entre le géant de cinéma qu'est Piccoli et ce pape qui retrouve sa jeunesse en étant, le temps d'une scène, un acteur tchekovien. Piccoli devient alors un enfant au milieu d'un désordre qui lui échappe. 

Le film est continuellement en ruptures de tons, la recherche personnelle de Melville entrecoupée par la cocasserie du Vatican où Moretti, emprisonné malgré lui, devient une sorte de chef de colo, organisateur d'une partie de volleyball saugrenue dans laquelle les hommes d'église retrouvent leur insouciance. Il y a bien sur de la dérision chez le cinéaste mais aussi une gravité non dissimulée qui lui permet de s'interroger sur la place de nos institutions dans nos sociétés occidentales et notre humilité face à une responsabilité trop lourde à porter. Le cinéaste filme une crise de foi qui s'achève vers une sorte d'apaisement. Le renoncement peut avoir de la grandeur.

Antoine Jullien 


DVD et Blu-Ray disponibles chez France Télévisions distribution.

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