mercredi 5 octobre 2011

De bon matin


Lundi matin, Paul Wertret se rend à la Banque Internationale de Commerce et de Financement, où il est chargé d'affaires. Il arrive, comme à son habitude, à huit heures. Il s'introduit dans une salle de réunion, sort un révolver et abat deux de ses supérieurs. Puis il s'enferme dans son bureau et revoit des pans de sa vie et les évènements qui l'on conduit à commettre son acte.

Jean-Marc Moutout est l'auteur de Violence des échanges en milieu tempéré, une radiographie implacable du monde de l'entreprise et de son absence criante d'humanité. Avec De bon matin, le réalisateur reprend une histoire similaire en prenant la trajectoire inverse. Autant dans le premier, Jérémie Rénier allait progressivement vers le sommet de la hiérarchie en piétinant tous ses idéaux, autant ici, Jean-Pierre Darroussin se remet tardivement en question en assassinant ses patrons. La jeunesse arrogante et sur d'elle d'un côté face à la désillusion d'un individu pris dans une situation intenable de l'autre. Pour autant, Jean-Marc Moutout scrute les mêmes mécanismes avec une égale acuité. S'inspirant d'un fait divers survenu en Suisse, le réalisateur évoque la lente dévalorisation d'un individu qui est autant victime que coupable d'avoir largement profité du système.

Jean-Pierre Darroussin et Xavier Beauvois

Jean-Pierre Darroussin, qui trouve un de ses meilleurs rôles, nous intrigue tout au long du récit. Dégageant autant de sincérité dans ses coups de sang face à sa direction que d'opacité envers ses proches, le comédien est sans cesse sur le fil. Filmé crûment par la caméra de Jean-Marc Moutout, le comédien nous bouleverse lors de la plus belle scène du film, un échange téléphonique sur un bateau entre Paul et un ami qu'il n'a pas vu depuis vingt ans. Les longs silences, les hésitations parsèment cette douloureuse conversation qui témoignent de la volonté de Paul d'un retour en arrière impossible.

Malheureusement, cette empathie fait cruellement défaut. Ne voulant pas tomber dans les pièges qu'un tel sujet pouvait mener, le réalisateur s'est montré excessivement prudent. Ne se risquant jamais à aller au-delà de son propos, il se cantonne à une description clinique qui manque d'émotion. Les intrigues secondaires superflues sur la probable infidélité de la femme de Paul où sur sa relation avec son fils ne sont qu'à peine esquissées et la direction d'acteurs, inégale, ne convainc pas toujours. Enfin, Jean-Marc Moutout échoue à apporter un début de réponse au geste de Paul dont on ne saura pas s'il s'agissait d'un acte de vengeance ou de survie. Une indécision plus timorée qu'audacieuse. 

Antoine Jullien



DVD disponible chez France Télévisions Distribution

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