jeudi 26 avril 2012

Avengers


Il y a deux manières d'aborder Avengers : soit en fan absolu de l'univers Marvel ou soit en parfait novice des super héros issus (en partie) de l'imaginaire de Stan Lee. Votre serviteur faisant résolument partie de la seconde catégorie, l'attente autour de la réunion de Hulk, Iron Man et consorts ne générait pas une insupportable attente, loin s'en faut. Le résultat se révèle donc une bonne surprise, alternant plutôt habilement l'humour et les grands moments d'action avec la volonté manifeste de ne pas trop se prendre au sérieux. 

Nick Fury, le directeur de S.H.I.E.L.D, l'organisation secrète qui a pour mission de préserver la paix mondiale, cherche à former une équipe de choc pour empêcher la destruction du monde. Il fait appel à Iron Man, Thor, Hulk, Captain America, Hawkeye et Black Widow pour affronter le redoutable Loki qui a réussi a accéder au Cube Cosmique et à son pouvoir illimité...

Jeremy Renner, Chris Evans et Scarlett Johansson 

Le pitch, un peu léger, peut prêter à sourire et les scénaristes auraient pu largement alléger le script de longs tunnels de dialogues inutiles et d'explications hasardeuses. La tâche était difficile, réunir à l'écran plusieurs super héros dont les aventures ont déjà donné lieu à de nombreuses adaptations ciné sans prendre le risque de se répéter ou de perdre le spectateur non averti. Malgré quelques couacs dans l'intrigue et un sérieux ventre mou au milieu de gué, Joss Whedon, connu surtout comme le créateur de la série Buffy contre les vampires, a réussi son pari en équilibrant les stars à l'écran sans que l'une ou l'autre ne prenne la couverture à lui bien que Robert Downey Jr. en Iron Man à l'ironie délectable et Mark Ruffalo en Hulk débonnaire damnent le pion à leurs partenaires. 

Les fans retrouveront l'atmosphère propre aux BD Marvel et les autres s'amuseront devant ce spectacle pétaradant et efficace, à voir le long assaut final qui ne révolutionne pas le genre mais qui en met plein les mirettes. Pour autant, toutes ces péripéties, aussi sympathiques soit-elles, restent standardisées et les souvenirs passés devant l'écran devraient vite s'estomper. Il n'en demeure pas moins un divertissement honorable qui montre une fois encore à quel point la bande dessinée est un inépuisable terreau d'inspiration. 

Antoine Jullien





mercredi 25 avril 2012

Les vieux chats


Après s'être fait remarqués grâce à La Nana, les chiliens Sebastian Silva et Pedro Peirano réalisent un nouveau huis-clos qui a cette fois comme cadre l'appartement d'une vieille dame au coeur de Santiago. Reprenant une partie du casting de leur film précédent, ils retrouvent ce mélange de comédie et de drame en l'affinant davantage afin d'obtenir un tableau juste et cruel de nos contemporains. 

Isadora et Enrique vivent paisiblement dans leur appartement en compagnie de leurs deux vieux chats. Mais l'irruption de la fille d'Isadora va troubler cette apparente tranquillité. 

On perçoit dès les premières minutes qu'Isadora, malgré son confort, la présence d'Enrique et ses deux matous, n'a plus toute sa tête. Cette détresse intérieure s'exprime superbement grâce au regard perdu de Bélgica Castro dont la présence semble envahir chaque plan. Les cinéastes ont su retranstrire visuellement sa perte de mémoire en l'isolant dans le cadre et ainsi rendre poreuse la frontière entre son monde à elle et le monde réel. Une image incongrue, l'apparition d'hommes déguisés en abeilles, semble au départ tout droit sortie de son imagination avant que l'on s'aperçoive qu'il s'agit du tournage d'une publicité. Cette confusion, savamment entretenue par les cinéastes, est l'un des intérêts majeurs du film. 

Bélgica Castro et Claudia Celedon

Mais il explore surtout les rapports difficiles entre une mère et sa fille qu'elle méprise, présentée comme une femme cupide, irresponsable et droguée. Une description parcellaire qui révélera des failles chez ce personnage souvent détestable mais dont l'humanité rejaillira par moments grâce à la présence de sa petite amie qui échappera elle-aussi à la caricature. Les "vieux" du film ne sont pas en reste et ne s'avèreront pas aussi irréprochables qu'on ne pouvait le supposer.  

Grâce à leur utilisation minutieuse du décor qui emprisonne peu à peu les protagonistes en faisant ressortir toute leur colère et leur frustration, les cinéastes créent une tension palpable à mesure que les véritables enjeux se dessinent : le pardon et la réconciliation. Mais s'il l'on croit un instant que le film va se terminer de manière positive, la dernière phrase prononcée par Isadora est, à l'image de cette scène illusoire de course-poursuite dans l'escalier, d'une terrible amertume autant que d'une redoutable lucidité. 

Antoine Jullien 

Tyrannosaur


Le cinéma britannique aime se confronter à la réalité sociale et scruter les maux d'une société à la dérive. Avec Tyrannosaur, le comédien Paddy Considine, dont c'est le premier long métrage, s'inscrit dans cette tradition en offrant à deux magnifiques acteurs des partitions complexes et délicates. 

L'histoire se déroule à Glasgow où Joseph est en proie à de subits accès de violence suite à la disparition de sa femme. Un jour, il fait la rencontre d'Hannah, une femme très croyante qui tente de le réconforter. Mais devant l'apparente sérénité d'Hannah se cache une souffrance aussi grande que celle de Joseph... 

Paddy Considine et Olivia Colman 

L'environnement dépeint par Paddy Considine fait immédiatement froid dans le dos et ferait presque passer certains films de Ken Loach pour d'agréables bluettes. Le réalisateur situe son récit dans un cadre très réaliste sans tomber dans les pièges de l'utilisation abusive de la caméra à l'épaule, préférant savamment composer ses plans qui gagnent en intensité dramatique. Gangréné par l'alcool et par une violence qu'il ne peut réfréner, Joseph est prisonnier de terribles tourments, faisant à plusieurs reprises exploser sa rage avec une effrayante brutalité. Le regard de Peter Mullan où pointe une once de sensibilité réussit à humaniser son personnage dont on peut comprendre la souffrance et la profonde solitude. Mais son parcours est relativement classique et surprend moins que celui de Hannah, magistralement interprétée par la méconnue Olivia Colman. 

Le spectateur prend peu à peu conscience de la détresse affective dans laquelle elle se trouve et son absence totale d'échappatoire. Elle va pourtant le trouver grâce à Joseph. Leur rencontre improbable amène des instants d'une belle humanité où la pudeur et les non-dits apportent une part de mystère aux personnages. La relation de Joseph avec sa femme est simplement évoquée (et fait référence au titre du film) mais on devine dans quel degré d'humiliation et de soumission elle se nourrissait, à l'instar de celle vécue par Anna avec son mari (inquiétant Eddie Marsan). Paddy Considine a réussi à restituer l'enfer conjugal dans une relative sobriété, malgré la dureté de certaines scènes, et ménager un suspense qui prendra fin dans les dernières minutes du récit. Un film éprouvant, parsemé de quelques éclaircies, dont on ressort sonné. 

Antoine Jullien 



vendredi 20 avril 2012

Selection officielle Cannes 2012


Comme à l'accoutumée, le petit milieu du cinéma retient son souffle à l'annonce de la sélection du festival de Cannes, dont le président du jury est cette année le cinéaste italien Nanni Moretti. Thierry Frémeaux, le délégué général, nous propose une compétition plutôt alléchante, composée de 22 films, allant de grands noms à de nouveaux venus dans le saint des saints du septième art.

La première constatation est le retour en force du cinéma américain, après des années de disette, et la confiance établie en une jeune génération de cinéastes. En effet, trois réalisateurs yankee viennent pour la première fois défendre leur film en compétition : Wes Anderson avec Moonrise Kingdom (voir article) dont on savait déjà qu'il faisait l'ouverture, Jeff Nichols (Mud), un an tout juste après le succès  de Take Shelter qui lui avait valu le Grand Prix de la Semaine de la Critique, et Lee Daniels, remarqué à Un Certain Regard grâce à Precious en 2009, qui réalise son troisième long métrage, The Paperboy, qui marquera également le retour de Nicole Kidman sur le tapis rouge. A cela s'ajoute la présence de deux autres films américains réalisés par des cinéastes austaliens talentueux : Lawless de John Hillcoat, d'après un scénario de Nick Cave, et Killing them Softly dans lequel Andrew Dominik dirige à nouveau Brad Pitt, cinq ans après L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford. 

Killing them softly d'Andrew Dominik 

Deux autres longs métrages à forte tonalité anglo-saxonne défendront leur chances : Cosmopolis de David Cronenberg, soit la quatrième participation en compétition du réalisateur canadien qui filme un inédit Robert Pattinson dans un New York endiablé (voir article). Et sa partenaire de Twilight, Kirsten Stewart, sera elle aussi à l'affiche d'un film en compétition, Sur la route, adaptation du livre culte de Jack Kerouac, réalisée par le brésilien Walter Salles. Les deux films sortiront dans les salles au moment du festival, le 23 mai.

Sur la route de Walter Salles 

Si les organisateurs mettent l'accent sur un renouveau du cinéma américain, ils misent en revanche sur les valeurs sûres du cinéma français. Trois ans après leurs opus respectifs, Jacques Audiard et Alain Resnais sont à à nouveau en compétition. Le premier avec De rouille et d'os (en salles le 17 mai) avec Marion Cotillard et Matthias Schoenaerts, la révélation de Bullhead. Le second, dans Vous n'avez encore rien vu, nous propose une variation sur Eurydice d'Anouilh avec son casting d'habitués (Arditi, Azema, Wilson) auquel vient s'ajouter Denys Podalydès et Michel Piccoli. Le même Piccoli sera aussi dans Holy Motors de Leos Carax, soit le retour de l'enfant terrible du cinéma français, treize ans après Pola X. Enfin, si Michael Haneke est autrichien, son onzième long métrage, Amour, qui a réussi le miracle de faire sortir de sa retraite l'immense Jean-Louis Trintignant, n'en n'est pas moins une production française interprétée par Emmanuelle Riva et... Isabelle Huppert, fidèle parmi les fidèles du cinéaste.

Amour de Michael Haneke

Cannes ne serait pas Cannes sans son lot d'habitués : Abbas Kiarostami (Like Someone in Love, tourné au Japon), Ken Loach (La part des Anges, sa onzième participation en compétition, record absolu !), et le mexicain Carlos Reygadas (Post Tenebras Lux) sont de la partie.

Deux réalisateurs seront particulièrement guettés : le roumain Cristian Mungiu, cinq ans après sa Palme d'Or glanée pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours, qui nous revient avec Beyond the hills, un film sur la religion. Et le réalisateur italien Matteo Garrone, auréolé d'un Grand prix en 2008 pour Gomorra, nous propose cette fois un long métrage sur la télé-réalité intitulé Reality.

Beyond the hills de Cristian Mungiu 

L'Amérique du Sud quasi absente, c'est vers l'Asie qu'il faudra se tourner avec la présence de deux réalisateurs coréens : Hong Sang Soo qui a tourné In Another Country avec Isabelle Huppert et Im Sang Soo, qui, deux ans après The Housemaid, nous revient avec un nouveau long métrage sulfureux, The Taste of Money. 

Pour rendre hommage au regretté Claude Miller, disparu le 4 avril dernier, le festival a décidé de présenter en clôture son ultime film, Thérèse Desqueyroux, adaptation du roman de François Mauriac, interprété par Audrey Tautou et Gilles Lellouche

Quant à Un Certain Regard, partie intégrante de la sélection officielle, on y retrouve plusieurs longs métrages qui ont été longtemps envisagés pour la compétition : Laurence Anyways du très talentueux Xavier Dolan, Le grand soir du tandem Kervern/Delépine, Aimer à en perdre la raison de Joachim Lafosse et Elefante Blanco de Pablo Trapero, le réalisateur de Carancho. A noter dans cette section la présence de Brandon Cronenberg, fils du célèbre cinéaste cité plus haut, qui présentera son premier film, Antiviral. 

Le grand soir de Gustave Kervern et Benoît Delépine 

Enfin, à l'occasion du 65ème anniversaire du festival, son président, Gilles Jacob, présentera Une Journée particulière, une compilation d'images d'archives montrant les coulisses de l'évènement depuis sa création.

Un belle programmation en perspective à découvrir sur la Croisette du 16 au 27 mai.



Film d'ouverture (en compétition)

Moonrise Kingdom de Wes Anderson

En compétition

De rouille et d'os de Jacques Audiard
Holy motors de Leos Carax
Cosmopolis de David Cronenberg
The Paperboy de Lee Daniels
Killing them softly d'Andrew Dominik
Reality de Matteo Garrone
Amour de Michael Haneke
Lawless de John Hillcoat
In another country d'Hong Sang Soo
The taste of money d'Im Sang Soo
Like someone in love d'Abbas Kiarostami
La part des anges de Ken Loach
Dans la brume de Sergei Loznista
Beyond the hills de Cristian Mungiu
Après la bataille de Yousry Nassralah
Mud de Jeff Nichols
Vous n'avez encore rien vu d'Alain Resnais
Post Tenebras Lux de Carlos Reygadas
Sur la route de Walter Salles
Paradis : amour d'Ulrich Seidl
Jagten de Thomas Vintenberg

Film de clôture

Thérèse Desqueyroux de Claude Miller (Hors compétition)

mercredi 18 avril 2012

Quand la musique est bonne

RADIOSTARS / ROCK' N' LOVE 

La musique est parfois le coeur et le poumon d'un film, une entité impossible à dissocier du film lui-même. Deux longs métrages à l'affiche cette semaine sont portés par cette foi musicale. 


Radiostars est le premier long métrage de Romain Levy qui raconte la tournée en province d'une bande d'animateurs radio chargés de remonter l'audience de leur émission phare et reprendre leur place de n°1 des ondes. Une reconquête du public pas toujours évidente à assumer pour ces parisiens un peu trop arrogants qui vont voir leur certitudes vaciller. 

C'est le feel good movie par excellence, un genre un peu moribond qui retrouve quelques lettres de noblesse. Emmené par une troupe d'acteurs au diapason, à commencer par Clovis Cornillac en leader bourru qui retrouve enfin un rôle d'importance après une série de choix malheureux, le film est dopé par son électrisante bande-son pop rock qui provoque une bonne humeur rapidement contagieuse. Après un démarrage un peu mou, le film réussit à trouver un ton impertinent à coups de vannes culottées et de décalages inattendus comme cette étonnante séquence où l'on voit une caricature de rappeur se faire violemment insulter par sa propre femme. Un retournement des clichés plutôt réjouissant qui place le film à bonne distance du formatage consensuel. 

La parfaite alchimie entre les comédiens se fait peu à peu sentir et l'on se prend progressivement d'affection pour ces personnalités haut en couleur, parfois déconnectées du réel mais animées par le même besoin de faire rire. Le pari est dans l'ensemble gagné malgré certaines baisses de rythme et un final, lui, un peu trop convenu. Au-delà du simple film de potes, Romain Levy, qui s'est largement inspiré de son travail passé au sein d'une radio, a su injecter à son histoire une véritable sincérité qui n'est pas si fréquente dans le landerneau de la comédie française. 



A peine sorti l'inégal Perfect Sense que nous arrive le nouveau long métrage de David MacKenzie, Rock' n' love. Soit Adam, pop star américaine, et Morello, une jeune rockeuse britannique indé, qui se retrouvent menottés lors du festival T In the Park en Ecosse. Alors qu'ils ne s'apprécient guère, ils vont devoir vivre enchaînés l'un et l'autre durant toute une journée... 

Le scénario n'est qu'un pretexte pour nous faire vivre l'ambiance de ce festival atypique et d'en filmer les coulisses. Il s'agit d'une sorte de faux documentaire agrémenté de maigres péripéties afin de nous présenter deux personnages antagonistes qui vont se rapprocher puis tomber amoureux l'un de l'autre. Une romance gentiment rock dans laquelle la musique a une place de choix. C'est d'ailleurs l'enthousiasmante atmosphère pleine de bruit et de fureur qui retient surtout l'attention plutôt que l'intrigue hautement prévisible. Et Luke Treadaway et Natalia Tena en couple sexy et attachant réussissent, un temps, à nous faire oublier la vacuité de l'ensemble. 

Antoine Jullien 

vendredi 13 avril 2012

En attendant Prometheus


Prometheus est sans conteste l'un des films les plus attendus de ces prochains mois puisqu'il marque le retour à la science-fiction de Ridley Scott, trente ans après Blade Runner, et surtout parce qu'il est présenté comme le prequel d'Alien. 

© Twentieth Century Fox 2012

Si le mystère est savamment entretenu par l'équipe du film, le cinéaste, accompagné de Charlize Theron, Michael Fassbender et Noomi Rapace, ont répondu aux questions de la presse qui a pu découvrir quinze minutes d'images inédites.


Les trois extraits qui nous ont été présentés lèvent un coin du voile en explicitant davantage le scénario qui raconte l'expédition menée par un groupe d'archéologues vers une lointaine planète afin de retrouver la source de nos origines terrestres.

© Twentieth Century Fox 2012

L'usage de la 3D, une première pour le réalisateur de Gladiator, est discrète, et la direction artistique semble époustouflante, une impression renforcée par la bande-annonce qui promet un grand spectacle terrifiant. Comme il l'a confié lors de la conférence de presse, Ridley Scott dit avoir fait "son job" de réalisateur et l'on espère, cette fois, une plus grande implication de sa part que lors de ses derniers films.

Fin du suspense le 30 mai dans les salles. 

mercredi 11 avril 2012

Twixt


Qu'arrive-t-il exactement à Francis Ford Coppola ? Depuis quelques films, le légendaire cinéaste a entrepris un retour à ses balbutiements de réalisateur, une époque où il se considérait comme libre et affranchi de la pesanteur des studios. Cette période avait donné Les Gens de la pluie, une oeuvre pleine de vie et de maladresses sur la fuite d'une jeune mère de famille. Après les triomphes des années 70, le cinéaste n'a eu de cesse d'expérimenter mais les déconvenues successives l'ont obligé à renflouer sa société, American Zoetrope, en acceptant des projets plus "commerciaux". Puis vient le temps du silence qui dura dix ans avant cette série de films produits en totale indépendance. Après L'Homme sans âge et Tetro, voila donc Twixt, très inspiré par l'univers d'Edgar Allan Poe. Mais la démarche de Coppola, aussi sincère soit-elle, ne peut pas excuser un tel désastre. 

Un écrivain sur le déclin (Val Kilmer) arrive dans une petite bourgade des Etats-Unis pour y promouvoir son dernier roman de sorcellerie. Il se fait entraîner par le shérif dans une mystérieuse histoire de meurtre dont la victime est une jeune fille du coin. Un rêve va alors l'amener à trouver un sujet pour son nouveau roman, lié à cette ténébreuse histoire... 

Val Kilmer et Dakota Fanning 

L'écrivain has been est bien évidemment une métaphore du cinéaste qui pousse l'autocritique jusqu'à situer la dédicace du romancier au beau milieu d'une quincaillerie. Coppola filme une autre séquence savoureuse où l'on voit le pauvre Val Kilmer essayant désespérément de trouver un début à son livre à l'instar de Coppola tâtonnant devant les premières lignes de son script. Mais cette mise en abîme, au demeurant sympathique, est aussi un cruel constat de l'impasse dans laquelle se trouve Coppola. Le cinéaste n'a manifestement pas voulu réaliser un film d'horreur classique mais plutôt mixer plusieurs influences avec Poe comme source principale. Le réalisateur s'est même permis une ultime coquetterie en utilisant à deux reprises la 3D. Tout ça pour rien. 

Francis Ford Coppola sur le tournage entouré de Bruce Dern et Val Kilmer

Nous ne nous attarderons pas sur cette utilisation hasardeuse du relief pour se concentrer sur la sidérante laideur visuelle dont le cinéaste s'est rendue coupable. S'il avait voulu rendre un hommage au cinéma bricolé de son enfance, pourquoi n'a t-il pas eu recours à des techniques à l'ancienne plutôt qu'à cette ignoble bouillie numérique qui ne dégage aucune poésie mais encombre tous les ports de l'image. On sait bien que le film est tourné à l'économie mais de tels effets visuels, d'une ringardise absolue, sont tout simplement innaceptables. Et l'indulgence que l'on pourrait exprimer est encore moins de mise lorsqu'il s'agit d'un cinéaste aussi important que Francis Ford Coppola. 

L'incroyable vacuité du scénario, qui mélange maladroitement les moments réels et rêvés, mêlés à des dialogues affligeants et à une imagerie d'un autre âge, nous interrogent durement. Est-ce parce que le film est incontestablement personnel qu'il est bon ? Est-ce parce que le cinéaste est en totale liberté qu'il est au sommet de son art ? Lui-même reconnaît que ses chefs d'oeuvre font partie du passé mais un retour sur sa filmographie s'impose. Si Twixt ne peut pas rivaliser avec l'ambition démesurée d'Apocalypse Now, on peut tenter une comparaison avec Conversation Secrète. Les deux films n'ont pas grand chose en commun si ce n'est leur état d'esprit. Ils ont été tous les deux réalisés avec une grande liberté artistique et leurs sujets sont traités de manière intimiste. Mais la comparaison s'arrête-là, tant Conversation Secrète impressionne encore par la puissance de sa mise en scène tandis que Twixt consterne à tous niveaux. Quant à la réminiscence des épisodes douloureux de sa vie, n'est-ce pas à la fin du Parrain III que Coppola évoque de la plus déchirante des manières la mort de son fils, lorsque, au moment de perdre sa fille, le cri de douleur de Michael Corleone est étouffé par la musique ? Et non lors de ce ridicule flash-back qui voit Val Kilmer revivre la mort de son enfant dans les eaux d'une rivière. La réalité est parfois cruelle et l'épilogue, en forme de funeste blague, vient nous rappeler que le grand Coppola n'est plus. En espérant que ses aficionados y trouvent quand même une part de bonheur cinéphile...  

Antoine Jullien

Séances de rattrapage

LE POLICIER / 2 DAYS IN NEW YORK / YOUNG ADULT / LA TERRE OUTRAGEE



Le Policier de Nadav Lapid a créé de sérieux remous en Israël à cause de sa vision très critique de la société. Le long métrage est en effet une topographie sans concessions des inégalités qui affectent la population israélienne et du recours irraisonné à la violence pour les endiguer. Le réalisateur a eu le mérite de ne pas relier directement ces problématiques à la cause palestinienne qui est laissée en arrière plan afin de scruter frontalement les maux d'une société que le cinéaste tente de complexifier. A ce titre, le film est une grande réussite, ne tombant jamais dans le manichéisme facile en montrant à la fois les vies de policiers qui ne remettent pas en question l'ordre établi et celles d'apprentis terroristes qui ne voient que la violence comme exutoire. 

Un tableau impressionnant où les fractures sociales sont béantes et l'indifférence et la lâcheté les maîtres mots. Pour autant, Nadav Lapid ne juge pas ses personnages, à voir la manière dont il filme ce policier avec sa femme enceinte et la portée érotique qui découle de leurs rapports est particulièrement troublante. Le cinéaste accompli donc un acte courageux en mettant dos à dos les parties en présence qui semblent définitivement irréconciliables. Loin d'être une prière pour la paix, Le Policier est un constat terrible et amer d'un monde dominé par toutes les formes de violence. 





Julie Delpy a la côte comme on dit. Après le réjouissant Two days in Paris qui montrait les turpitudes d'un Américain débarquant dans notre capitale et bouleversé par le choc des cultures, voilà que sa femme, vivant maintenant à New York et séparé de lui, accueille sa famille française en visite dans la grosse Pomme. Elle a maintenant un enfant et l'élève avec son nouveau fiancé, Mingus, qui travaille pour une radio branchée. Mais ce nouveau choc culturel n'est pas sans conséquences... 

On aime la façon désordonnée qu'à Julie Delpy de mener son affaire, à coups de digressions drolatiques et d'incidents en chaîne qui provoquent parfois des situations ubuesques. Mais son premier opus aurait du suffire si elle ne proposait pas la même recette. Car le principe reste identique : l'américain est toujours consterné par l'attitude de ces indécrottables français et lui semble la seule personne normale au milieu de cette famille de dingues. Au lieu de pointer les travers des américains, Julie Delpy cible à nouveau les clichés sur les français et ne profite absolument pas de son décor pour raconter autre chose. Au bout d'un moment, le film tourne à vide en recyclant perpétuellement des situations analogues. Et la crise identitaire du personnage de Julie Delpy n'arrange rien et finit par plomber l'ensemble. On sourit cette fois plus qu'on ne rit franchement, et l'on se dit que cette toute petite introspection nombriliste, malgré ses instants charmants, aurait du rester à l'état embryonnaire. 




Charlize Theron fait une drôle de moue sur l'affiche de Young Adult, le quatrième long métrage de Jason Reitman. Ancienne gloire du lycée, elle est le "nègre" d'un écrivain à succès. Elle décide de retourner dans sa ville d'origine et séduire son ancien fiancé. Mais comme le dit l'affiche : "on vieillit tous, on ne grandit pas forcément". 

Jason Reitman est à nouveau épaulé par Diablo Cody, sa scénariste oscarisée pour Juno. Mais la paire gagnante accouche cette fois d'un curieux objet. Ni comédie satirique ni drame social, le film est un entre-deux plutôt embarrassant. Ne sachant pas vraiment quel sujet traiter, le cinéaste fait du surplace, ne parvenant pas à créer de l'empathie pour le personnage de Charlize Theron qui est dépeinte comme un être égoïste, vaguement névrosé et méprisant tout ce qui l'entoure. Sa pseudo complicité avec un ancien camarade de classe ne convainc pas de même que sa laborieuse tentative de reconquête d'un ancien amant. Si le réalisateur et sa scénariste n'ont pas voulu raconter la trajectoire classique d'un individu qui est au départ un salaud avant de s'améliorer au gré des circonstances et des rencontres traversées, ils ne nous disent pour autant rien de très intéressant sur le personnage, à part un inutile trauma personnel et un  constat convenu et un brin déprimant sur la vie et ses choix. Le film donne surtout le sentiment que Jason Reitman n'est plus inspiré dès lors que son scénario n'est pas en béton armé. Sa mise en scène, d'une étonnante platitude, ne parvient jamais à susciter un réel intérêt. Un sérieux avertissement pour la suite. 





26 avril 1986, Pripiat, à quelques kilomètres de Tchernobyl, en Ukraine. En cette belle journée de printemps, Ania et Piotr célèbrent leur mariage, le petit Valery et son père Alexeï, ingénieur à la centrale, plantent un pommier. C'est alors qu'un accident se produit à la centrale. Piotr est réquisitionné, il ne reviendra jamais. Dix ans plus tard, Ania est guide dans la zone de Tchernobyl, devenue un no man's land... 

Peu de films ont abordé la catastrophe de Tchernobyl. La réalisatrice Michale Boganim a choisi de l'évoquer à travers deux périodes. La première, qui est le déroulé de la journée du drame vécue par quelques habitants, est la plus réussie. La cinéaste est arrivée à capter l'insouciance des habitants et la joie des jeunes mariés alors que les premiers signes d'un drame sont déjà perceptibles. La pluie qui devient noire, les poissons morts dans la rivière, un enfant trempé d'eau radioactive, autant d'images d'un désastre écologique et humain qui est en oeuvre. La deuxième partie, qui évoque l'après, est plus inégale. Elle parle de l'impossibilité d'abandonner sa terre, ce besoin quasi irrationnel de rester fidèle à ses origines. Olga Kurylenko incarne superbement cet état intérieur et son visage marqué ainsi que ses cheveux qui s'arrachent si facilement, signe d'une maladie secrète, accentuent encore davantage cette impression. Le scénario aurait mérité d'être plus abouti et se dispenser de quelques clichés mais ce que Michale Boganim montre le mieux, c'est cet étrange lieu qu'est devenu Tchernobyl, improbable destination touristique dans laquelle travaille toujours de nombreuses personnes. Le terre contaminée ne pourra jamais effacer toutes les vies broyées et les destins sacrifiés d'un pays qui pense encore ses plaies, vingt-six ans après. 

Antoine Jullien