samedi 19 mai 2012

Moonrise Kingdom



Certains cinéastes ont un amour fétichiste de leur art. Wes Anderson en fait assurément partie, à voir la manière avec laquelle le réalisateur dissémine ça et là, au détour d'un plan, des objets vintage de toute sorte. Et lorsqu'il convoque l'enfance à travers la fugue de très jeunes gens qui veulent vivre une histoire d'amour, le cinéaste ouvre son magasin des souvenirs et perpétue son univers coloré. On peut ne pas accrocher à la patte Anderson mais le cinéaste en a une, incontestablement, unique et originale, qui trouve dans Moonrise Kingdom un délicieux parfum de nostalgie.

Sur une île au large de la Nouvelle-Angleterre, au coeur de l'été 65, Suzy et Sam, 12 ans, tombent amoureux, concluent un pacte secret et s'enfuient ensemble. Alors que chacun se mobilise pour les retrouver, une violente tempête s'approche des côtes et va bouleverser la vie de la communauté. 

Bill Murray, Frances McDormand, Edward Norton et Bruce Willis

Comme au théâtre, Wes Anderson aime l'esprit de troupe et il convie à nouveau une ribambelle de noms célèbres, alléchés à l'idée de se glisser dans le monde du cinéaste. Ainsi, Bruce Willis, Edward Norton, Frances McDormand et Tilda Swinton ont rejoint les habitués Bill Murray et Jason Schwartzman. Ils forment une mosaïque d'adultes dépassés par la fuite de leurs rejetons, les vraies vedettes de l'histoire. Wes Anderson fait parler ces jeunes têtes blondes comme des adultes et les voir déclamer des répliques sangrenues est réjouissant. Mais le cinéaste a de la tendresse pour ses personnages et ne les expose pas en chiens de faïence comme dans certains de ses films précédents. Ils sont tous deux les révélateurs d'une enfance malheureuse, l'une qui envie à l'autre son statut d'orphelin et l'autre qui se rêve en grand aventurier en culotte courte.

Le décor a une place prépondérante, imaginé de toute pièce par Wes Anderson qui le déploie comme un vaste terrain de jeu, un ensemble d'îlots transformé en un paradis caché pour des enfants en quête d'évasion. Le style visuel caractéristique du cinéaste, dont le travelling latéral en est la figure de proue, se déploie astucieusement, révélant une intrigue qui malmène la narration avec brio. Et lorsque le film s'essouffle, le cinéaste convoque une tempête, profitant de réunir tous ses comédiens dans un final intimement spectaculaire. Des variations climatiques qui vont de paire avec des variations musicales. On connaissait déjà l'importance de la musique dans les films d'Anderson, elle n'a jamais été aussi prépondérante, allant des opéras de Benjamin Britten aux standards de Françoise Hardy en passant par les compositions d'Alexandre Desplat, faisant ainsi résonner le monde de l'enfance aux oreilles d'adultes désamparés. Même si l'on a toujours le sentiment que tout cela est un peu vain, Wes Anderson séduit encore une fois.  

Antoine Jullien 

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