lundi 10 mars 2014

Retour sur le Festival du cinéma asiatique de Deauville

 
Le jury du 16ème festival du cinéma asiatique de Deauville a rendu son verdict et c'est le film kazakh Nagima qui a raflé le Lotus du meilleur film. Soit la caricature d'un certain cinéma de festival qui porte en lui tous les ingrédients du genre : comédiens mono expressifs, plans interminables, misérabilisme ambiant. La réalisatrice Zhanna Issabayeva veut dénoncer le sort des orphelins dans son pays mais elle le fait avec une telle pesanteur et une telle volonté culpabilisante que le film devient presque détestable. 

Nagima de Zhanna Issabayeva, Lotus du meilleur film

Dans le registre soporifique pour amateurs éclairés, on a également eu droit à un nouveau pensum métaphysico-spirituel, Toilet Blues de l'indonésien Dirmawan Hatta. Les fans du cinéma d'Apichatpong Weerasethakul apprécieront sûrement, les autres resteront au bord de la route.

Le film le plus emballant de cette compétition était sans nulle doute Ugly de l'indien Anurag Kashyap qui a été distingué par le prix du jury. Remarqué en 2012 à Cannes avec sa saga mafieuse Les Gangs de Wasseypur, le cinéaste confirme son talent avec cette radiographie sans concession de la nature humaine. A travers une histoire de kidnapping aux rebondissements multiples, le cinéaste réalise un polar atypique qui évoque la cupidité comme seul moyen d'existence. Tous les coups sont permis, et le réalisateur va loin dans ce sens, en filmant les parents de l'enfant kidnappé se servir aussi, à leur manière, du rapt supposé de leur fille. Si le film pêche souvent par un trop grand nombre d'incohérences, il surprend par ses ruptures de ton étonnantes et sa bande originale décoiffante. Le cinéaste en profite également pour dénoncer la violence policière et des méthodes d'investigation très discutables. Face à cette extrême brutalité, Kashyap glisse quelques moments saugrenus, comme cette jubilatoire conversation au sujet d'un téléphone. Un film dense et marquant qui sortira sur nos écrans le 28 mai prochain.

Ugly d'Anurag Kashyap, Prix du Jury

Autre film de la sélection que nous n'avons pas pu voir, A cappella du coréen Lee Su-jin a remporté trois prix (Prix du jury, prix de la critique et prix du public). Une histoire de viol collectif qui donne bien la couleur de cette sélection où la sinistrose avait toute sa place aux dépens d'un peu d'humour et de légèreté.

Le réalisateur Hideo Nakata

Le réalisateur japonais Hideo Nakata était l'invité d'honneur de ce festival. Le cinéaste en a profité pour nous présenter, en avant-première mondiale, son nouveau film intitulé Monsterz. Sur une intrigue un peu bidon qui oppose un homme ayant la capacité de contrôler les gens par la force de son regard face au seul qui a le pouvoir de lui résister, le cinéaste semble lui-même pas très convaincu par cette commande, remake d'un film coréen de 2010. Monsterz aurait presque des allures de nanar de luxe si Nakata ne l'ennoblissait pas grâce au brio de mise en scène. Pour le reste, on est bien loin de la puissance suggestive et du trouble de Dark Water, son œuvre majeure.

Un festival en demi-teinte dont nous retiendrons pour finir un curieux long métrage d'animation, The Fake, présenté hors compétition et qui pointe du doigt les liens entre la mafia coréenne et l'Eglise. Un film au propos ambigu mais qui demeure sans cesse captivant. Une curiosité qui n'a malheureusement pas de date de sortie française. 

Antoine Jullien


PALMARES

LOTUS DU MEILLEUR FILM
Nagima de Zhanna Issabayeva (Kazakhstan)

LOTUS DU JURY (ex-equo)
Ugly Anurag Kashyap (Inde) et A cappella de Lee Su-jin (Corée du Sud)

LOTUS AIR FRANCE (Prix de la critique) et LOTUS DU PUBLIC
A cappella de Lee Su-jin`

Retrouvez le programme du festival ICI

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