mercredi 30 avril 2014

Florilège d'avril

A l'occasion du week-end prolongé du 1er mai, voici une sélection de films à voir ou ne pas voir dans les salles. 

STATES OF GRACE


Le premier long métrage de Destin Cretton, States of Grace, inspiré de sa vie d'éducateur dans un centre de jeunes à problèmes, a fait le bonheur de tous les festivals où il est passé, remportant plusieurs prix du public. Un succès mérité pour ce touchant portait d'une jeune femme sensible et déterminée à la tête d'un foyer d'adolescents en difficulté qui va rencontrer une fille très tourmentée, la renvoyant à ses propres blessures. Partant d'une base documentaire, Destin Cretton en a tiré une fiction aux personnages bien dessinés et à la dramaturgie très affirmée (presque trop). Malgré la dureté de certaines situations et la détresse affective et émotionnelle vécue par les protagonistes, un doux parfum de sérénité finit par envahir l'écran. Presque un feel good movie en somme, révélant une actrice à suivre : Brie Larson. 



LE DERNIER DIAMANT 


Eric Barbier ne veut pas trop se prendre au sérieux et c'est tant mieux ! Avec Le Dernier Diamant, le réalisateur du Serpent convie Yvan Attal et Bénérice Béjo dans un film d'arnaque aux airs de déjà-vu mais fabriqué avec suffisamment de savoir-faire pour qu'on s'y intéresse un tant soit peu. Située à Anvers, l'intrigue a pour objet la vente d'un diamant, le Florentin, convoité par Simon qui va devoir approcher Julia pour qui la vente constitue un enjeu personnel et familial considérable. On éprouve un certain plaisir à suivre une histoire aux rebondissements attendus mais qui possède un petit charme pas désagréable. Si Bérénice Béjo ne semble pas très à l'aise, Yvan Attal confirme, par sa présence et son charisme, sa prédisposition aux thrillers, bien entouré par une solide galerie de seconds rôles. Un divertissement honorable à défaut d'être renversant. 



96 HEURES 

 
Frédéric Schoendoerffer, en revanche, se prend très au sérieux. Après un premier long métrage prometteur, Scènes de crimes, qui tentait de renouveler le film policier français, le cinéaste n'a fait que décevoir depuis, atteignant le précipice avec 96 heures. Le réalisateur proposait pourtant un face à face alléchant : Niels Arestrup affrontant Gérard Lanvin. Les comédiens font ce qu'il peuvent mais sont impuissants à sauver des personnages archétypaux et un scénario catastrophique qui voit un truand sorti de prison séquestrer le flic qu'il a arrêté afin de connaître l'identité de l'indic qu'il la dénoncé. Le film démarre par une scène d'évasion totalement invraisemblable et ne va aller que de rebondissements peu crédibles en situations risibles. Alors qu'il aurait pu tenter un huis-clos étouffant, Schoendoerffer décide malencontreusement d'aérer son récit avec des personnages secondaires insignifiants. Le film révèle surtout l'absence criante d'originalité et de prise de risque qui caractérisent trop souvent le polar à la française, avec comme effet pervers de ringardiser le genre. 96 heures ne mérite pas les salles obscures, à l'inverse de plusieurs séries policières, y compris tricolores, qui contiennent bien plus de cinéma que ce polar bas de gamme. 



PAS SON GENRE 


Lucas Belvaux est un réalisateur curieux, jamais là où on l'attend. Après un huis-clos saisissant sur la lâcheté humaine (38 témoins), il filme cette fois une romance entre un professeur de philosophie et une coiffeuse au beau milieu de la cité d'Arras. Hitchtock avait pour habitude de dire qu'"il vaut mieux partir d'un cliché que d'y arriver". Non seulement Belvaux convoque tous les clichés redoutés mais il n'en transcende aucun. Clément, le bel enseignant, est un séducteur patenté dont les parents bourgeois aiment la musique classique alors que Jennifer (??), elle, adore Jennifer Aniston dont Clémaent n'a évidemment jamais entendu parler. Sans oublier l'opposition bien caricaturale entre la soirée branchée parisienne où personne ne se parle et le karaoké de province tellement plus vivant. Un tel ramassis de lieux communs laisse pantois et il n'y a bien que la présence lumineuse d'Emilie Dequenne pour nous consoler. Car tout sonne faux dans cette carte postale verbeuse où la province est réduite au folklore le plus éculé. Et la mise en scène, d'une consternante banalité, finit par nous achever. 




LES FEMMES DE VISEGRAD 


Ce film est inspiré de l'expérience de l'australienne Kym Vercoe, qui, après un séjour en Bosnie, décide de retourner à Visegrad, lieu où, en 1992, 1752 personnes furent tuées et deux cent femmes violées et assassinées dans l'hôtel Vilina Vlas. La réalisatrice Jasmila Zbanic filme Kym Vercoe à la façon d'un carnet de voyage dans les endroits mêmes où se sont déroulés les massacres. Le film devient un douloureux devoir de mémoire autant qu'une route sinueuse au cœur des plaies encore à vif d'une nation meurtrie. Le silence menaçant des habitants de Visegrad mêlé aux menaces à peine voilés des autorités locales rendent ce voyage angoissant. Mais au regard de l'importance du sujet, on regrette que la réalisatrice ait choisi un traitement aussi intimiste qui amoindrit la portée de son propos.

Antoine Jullien

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