jeudi 30 octobre 2014

Vie Sauvage

 
Vie Sauvage débute par une scène de fuite. Une mère emmène ses enfants chez ses parents, loin de son compagnon dont elle ne supporte plus le mode de vie. Une séquence violente et haletante qui donne à ce nouveau long métrage de Cédric Kahn des allures de thriller social. Mais le père finit par récupérer ses deux plus jeunes fils et décide ne pas les ramener à leur mère. Le film devient alors un drame de l'éducation et de l'arrachement. 

Cédric Kahn s'est inspiré de la véritable histoire de Xavier Fortin, un père de famille parti en cavale avec ses enfants. Une existence passée dans la clandestinité qui a duré onze années avant qu'il ne soit finalement arrêté. Pour reprendre le titre de son film précédent, le cinéaste nous raconte la nécessité d'"une vie meilleure." Ce père joué par Mathieu Kassovitz fuit le monde matérialiste qu'il abhorre, convaincu de la légitimité de ses actes. La petite famille passe son temps dans la nature, au rythme des saisons, échappant à la police grâce à des réseaux d'entraide. Le cinéaste filme cette initiation sans la juger, avec même une certaine bienveillance, alternant les instants bucoliques et les moments complices entre les trois personnages. 

Mathieu Kassovitz, Sofiane Neveu et David Gestou

A la différence de La belle vie de Jean Denizot, sorti cette année et qui relatait une histoire similaire, Cédric Kahn épouse dans un premier temps le point de vue du père. Matthieu Kassovitz semblait un choix idéal pour un tel rôle, lui donnant une force de conviction évidente. Mais à mesure que le récit progresse et que les ellipses surviennent, il disparaît peu à peu pour laisser place aux enfants devenus entretemps adolescents. C'est à cet instant que le film prend une autre tournure, décrivant avec acuité les limites de cette manière de vivre et la rebellion naissance des jeunes garçons. Prisonniers d'une vie clandestine qu'ils n'acceptent plus, ils veulent à présent en sortir, au grand dam du père qui reste figé dans ses certitudes, fuyant la réalité. 

Le film questionne la liberté du choix de vie que l'on impose à ses proches. De quel droit un père peut-il priver ses enfants de leur mère ? Mais le cinéaste montre aussi une famille disloquée par la décision d'une mère qui ne supporte plus cette marginalité pourtant revendiquée et construite avec son compagnon, comme on le comprend lors de brefs flash-back. Cédric Kahn ne sombre donc dans aucun manichéisme mais on aurait aimé que son film ait davantage d'ampleur, pris dans les pièges d'un naturalisme qui l'étouffe un peu. Il faudra attendre la dernière scène dans laquelle Céline Sallette, en seulement quelques plans, dit tout de la détresse d'une mère, pour être à la fois bouleversé et révolté. Ce que cette femme devra sacrifier pour l'amour de ces enfants, cela n'a pas de prix.

Antoine Jullien

France - 1h46
Réalisation : Cédric Kahn - Scénario : Nathalie Najem et Cédric Kahn d'après le livre d'Okwari, Shahi'Yena et Xavier Fortin
Avec : Mathieu Kassovitz (Paco), Céline Sallette (Nora), David Gestou (Tsali 9 ans), Sofiane Neveu (Okyesa 8 ans).


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