lundi 24 novembre 2014

Astérix - Le domaine des Dieux

 
Depuis quinze ans, les aventures du petit gaulois le plus célèbre de France déboulent régulièrement dans nos salles obscures avec, il faut bien le dire, assez peu de réussite. Si l’on excepte une Mission Cléopâtre délirante sous la direction d’Alain Chabat en 2002, les quatre autres épisodes (Astérix et Obélix contre César (1999), Astérix et les Vikings (2006), le nullissime Astérix aux Jeux Olympiques (2008) et Au service de sa Majesté (2012)) n’auront pas laissé un souvenir indélébile, loin s’en faut. En cette fin d’année, un nouvel opus nous est proposé avec l’espoir insensé que cette fois-ci, ce ne sera pas la même limonade…

Le Domaine des Dieux garde la même trame que celle du 17ème album de Goscinny et Uderzo : Jules César décide de faire construire aux abords du village d'Astérix un domaine destiné aux civils romains dans l’espoir de coloniser ces irréductibles gaulois. Malmené dans un premier temps, le projet prend forme et menace insidieusement nos héros.


Derrière ce nouveau volet se cache Alexandre Astier, maître à tout faire de la série Kaamelott et acteur, réalisateur, producteur et compositeur de son premier long métrage David et Madame Hansen, passé injustement inaperçu en 2012. Mais pour Astérix, l’homme a décidé de lâcher du lest en se concentrant essentiellement sur le travail d’écriture. Tout en prêtant sa voix au centurion Oursenplus et en s’occupant de la direction d’acteurs, ce disciple de Christopher Vogler (script doctor américain, auteur de l’incontournable « Guide du scénariste ») s’approprie le matériau de base et réussit à le transcender.

Car il s’agit bien d’une véritable adaptation de l’album et non d’une simple transposition, Astier parvenant à distiller les références essentielles de la bande dessinée avec élégance. Derrière ce divertissement bon enfant, certains sujets d’actualité (la mondialisation, l’appât du gain, l’écologie…) viennent enrichir une trame mature et universelle. Les enjeux dramatiques sont plus forts que dans la BD et augmentent considérablement l’impact émotionnel du film, notamment avec l’ajout du personnage d’Apeuljus. Ce jeune romain pose un regard fasciné et un peu terrifié sur l’ogre Obélix qui dévoile une dimension touchante inhabituelle. A contrario de Mission Cléopâtre, Astier reste totalement en adéquation avec l’esprit de la BD, à savoir tout public et parfois très subtil, où l'humour, légèrement modernisé, est constant, multipliant, dans la plus pure tradition des albums, les clins d’œil à des œuvres intemporelles telles que Le Seigneur des Anneaux ou King Kong.


Pour sa première tentative du côté de l’animation 3D, on avait un peu peur que le ciel ne nous tombe sur la tête. Mais là encore, le succès est total. Dès les premières images, on retrouve l’univers d’Albert Uderzo dans lequel on a tellement voyagé. Sans être au même niveau technique que les productions américaines, la direction artistique porte très haut ce Domaine des Dieux. Les personnages et les décors sont identifiables instantanément. Le film se permet même d’être par moment tout simplement sublime avec des effets de lumières, de fumée et de caméra particulièrement pertinents. Cette réussite visuelle, on la doit à Louis Clichy, qui, après avoir œuvré sur Là-Haut et Wall-e pour les studios Pixar, signe ici sa première réalisation.

Si plaisir pour les yeux il y a, la partie sonore du film n’est pas en reste. La musique composée par Philippe Rombi enchante, les quelques passages clipés aèrent un récit trépidant et le mixage participe à la mise en scène, notamment lorsque le barde Assurancetourix entre en piste. Évoquons d’ailleurs ce casting qui nous permet de retrouver avec joie Roger Carel, un des plus grands spécialistes de l’exercice qui prête sa voix à Astérix depuis 1967, parfaitement épaulé par Guillaume Briat, successeur du regretté Pierre Tornade pour celle d’Obélix. Se succèdent des guests plus ou moins discrètes : si on reconnaît immédiatement les voix d’Elie Semoun en Cubitus ou de Lorànt Deutsch en Anglaigus, il est plus difficile de percevoir celle d'Alain Chabat en Prospectus ou François Morel en Ordralfabétix. Et l’utilisation particulièrement osée de Laurent Lafitte en Duplicatha, l’esclave Nubien, et de Florence Foresti en Bonemine, prouvent qu’Alexandre Astier a su sortir des sentiers battus avec brio. A croire qu’après avoir cherché cette camelote de Saint Graal pendant des années, il a fini par découvrir la formule de la potion magique. Trop fort ! 

Alexandre Robinne  

France / Belgique - 1h25
Réalisation : Louis Clichy et Alexandre Astier - Scénario : Alexandre Astier, Jean-Rémi François et Philip LaZbenik d'après la bande dessinée de René Goscinny et Albert Uderzo. 
Avec les voix de : Roger Carel (Astérix), Guillaume Briat (Obélix), Lorant Deutsch (Anglaigus), Laurent Lafitte (Duplicatha). 
 

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