mardi 16 février 2016

Les Innocentes

 
Anne Fontaine aurait-elle retrouvé la foi ? Après s'être égarée depuis plusieurs années dans des films boiteux, du biopic académique (Coco avant Chanel) à la comédie poussive (Gemma Bovery), la réalisatrice a manifestement été inspirée en racontant l'histoire vraie et méconnue d'un couvent polonais à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale dans lequel 25 religieuses furent violées par des soldats soviétiques. Sur les traces du miraculeux Ida, Anne Fontaine délivre une œuvre austère d'une très grande force émotionnelle. 

Pologne, décembre 1945. Mathilde Beaulieu, une jeune infirmière de la Croix-Rouge chargée de soigner les soldats français avant leur rapatriement, est appelée au secours par une religieuse polonaise. Elle accepte de la suivre et découvre un couvent où trente Bénédictines vivent coupées du monde, certaines d'entre elles étant tombées enceintes après avoir été violées par des soldats russes. Mathilde, en secret, va les aider à accoucher, sous le regard méfiant de la Mère supérieure, peu encline à voir une étrangère investir les lieux. 

Lou de Laâge et Agata Buzek

En confiant la photographie de son film à Caroline Champetier, césarisée pour Des Hommes et des Dieux, Anne Fontaine prolonge la même forme d'épure. Le beau clair-obscur du couvent traduit la solennité du lieu mais la cinéaste ne l'étouffe pas dans une pesante enluminure. Elle décrit une micro société réveillée par une conscience endormie que la stricte doctrine religieuse avait condamnée au silence soudain ébranlé par les hurlements de ces femmes sur le point d'accoucher et qui, sans assistance médicale, risquent de mourir. 

Les Innocentes est une œuvre où la vie naît et renaît. Au contact de Mathilde, la sœur Maria va voir son rapport à Dieu changer. La terrible épreuve que traversent les religieuses ne conduit pas Anne Fontaine à parler de crise de foi mais plutôt d'une forme de renaissance dans celle-ci. L'arrivée des nouveaux-nés marque également la révélation de leur maternité. Pour d'autres, comme la Mère Supérieure, il sera en revanche question d'obscurantisme, elle qui avouera devant l'assemblée s'être perdue en voulant sauver ces femmes du déshonneur et de la honte. Anne Fontaine filme un vase clos qui veut se protéger du monde extérieur. L'irruption d'une étrangère bouleverse les codes établis que Mathilde a bien des difficultés à contourner. Les sœurs ne demandent que l'aide de Dieu que la jeune femme voudrait mettre quelques instants "entre parenthèses"


En donnant le rôle de Mathilde à la gracile Lou de Laâge, Anne Fontaine nous dévoile une révélation. La comédienne, cantonnée jusqu'à présent à jouer des partitions trop anecdotiques, trouve une maturité et une justesse impressionnantes. Sa relation avec le médecin juif campé par Vincent Macaigne (bien éloigné de ses rôles de bobos attardés), accompagne superbement ce personnage pris dans les déchirures d'un conflit qui ne veut pas s'achever. Athée, elle va finir par être touchée par la croyance inébranlable de ses femmes qui ont pourtant subi la pire des violences. La conclusion, lumineuse, nous met les larmes aux yeux. On sort de la salle bouleversé mais étonnement apaisé.

Antoine Jullien

France / Pologne - 1h55
Réalisation : Anne Fontaine - Scénario : Anne Fontaine, Pascal Bonitzer, Alice Vial, Philippe Maynial
Avec : Lou de Laâge (Mathilde Beaulieu), Agata Buzek (Soeur Maria), Agata Kulesza (Mère Supérieure), Vincent Macaigne (Samuel). 

Disponible en DVD et Blu-Ray chez TF1 Vidéo

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