jeudi 28 avril 2016

Le prochain Champs-Elysées Film Festival


Sophie Dulac, la créatrice du Champs-Elysées Film Festival, manifestation dédiée au cinéma français et américain, a dévoilé ce matin lors d'une conférence de presse les grandes lignes de cette cinquième édition qui aura lieu du 7 au 14 juin. 

Cette année, un jury coprésidé par Nicole Garcia et Alexandre Aja (voir son interview) remettra le Prix du meilleur film américain indépendant parmi une sélection de huit longs métrages inédits.

De nombreux invités viendront à la rencontre du public dont Andrew Davis, le réalisateur du Fugitif, le cinéaste Abel Ferrara (voir son interview) ou encore l'acteur et réalisateur Brady Cobert. 

La ville de Chicago sera mise à l'honneur à l'occasion du vingtième anniversaire du pacte d'amitié entre Paris et Chicago à travers plusieurs thématiques.  

Des avants-premières, des master class et de nombreuses reprises de classiques en version restaurée jalonneront la manifestation qui se déroulera dans tous les cinémas de la plus belle avenue du monde. 

Vous pouvez retrouver notre interview de Jeremy Irons, le président de l'édition 2015, ICI.
5ème édition du Champs-Elysées Film Festival du 7 au 14 juin.
Renseignements : http://www.champselyseesfilmfestival.com/2016/ 

mercredi 20 avril 2016

La sélection du 69ème festival de Cannes


Comme chaque année aux belles heures du printemps, Thierry Frémeaux, le délégué général du Festival de Cannes, prononce la sentence. Quels seront les heureux élus qui s'affronteront pour la Palme d'or ? 20 longs métrages, sur 1869 visionnés, ont été sélectionnés en compétition, bientôt soumis au jury présidé par le papa de Mad Max, George Miller, auréolé l'an passé grâce à son tonitruant Fury Road. 

George Miller, le président du jury du 69ème festival de Cannes

Il faut dire que le cru 2015 a laissé un goût un peu amer. Avec le recul, certains films retenus (ceux de Valérie Donzelli et Gus Van Sant, entre autres) n'avaient pas leur place en sélection officielle qui s'est faite supplanter par la Quinzaine des Réalisateurs et ses choix audacieux : la révélation Mustang, le vibrant Much Loved et deux films césarisés couverts de lauriers (pas les nôtres) : Trois souvenirs de ma jeunesse et Fatima

Pressentant le danger, Thierry Frémeaux a concocté une sélection qui s'annonce alléchante sur le papier, composée des éternels abonnés du raout cannois et de quelques nouveaux venus. 

Julieta de Pedro Almodovar

Parmi les habitués, citons les frères Dardenne, deux fois lauréats de la Palme d'Or, en compétition pour la septième fois avec La fille inconnue, de même que Jim Jarmusch qui présentera Paterson incarné par l'acteur du moment, Adam Driver. Malgré les turpitudes liées à son évasion fiscale, Pedro Almodovar défendra bien Julieta et Ken Loach viendra pour la treizième fois concourir (un record !) avec Moi, Daniel Blake malgré sa promesse avortée de retraite cinématographique. 

Juste la fin du monde de Xavier Dolan

Concernant les auteurs attendus, citons en premier lieu le prodige Xavier Dolan qui revient en compétition, deux ans après le triomphe de Mommy. Il adapte cette fois une pièce de Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, réunissant le plus beau casting français de l'année : Marion Cotillard, Vincent Cassel, Léa Seydoux, Gaspard Ulliel et Nathalie Baye. Même si son Only God Forgives nous avait passablement irrité, on est tout de même curieux de découvrir le nouveau film du danois Nicolas Winding Refn, The Neon Demon, sur l'univers impitoyable de la mode teinté de cannibalisme. Quant au plus gros come-back, il revient à Paul Verhoeven qui présentera Elle avec Isabelle Huppert en tête d'affiche (voir l'article), 24 ans après que Basic Instinct ait mis le feu à la Croisette. 

Ma Loute de Bruno Dumont

Côté français, le cinéaste Bruno Dumont défendra une fois n'est pas coutume une comédie, Ma Loute, interprétée par des stars (Fabrice Luchini et Juliette Binoche), dans la même veine que son excellente série P'tit Quinquin. Olivier Assayas, autre abonné du festival, présentera un film de fantômes, Personal Shopper avec Kirsten Stewart. Alain Guiraudie, le réalisateur de L'inconnu du lac, viendra pour la première fois en compétition avec Rester vertical, et Nicole Garcia revient dix ans après l'accueil glacial réservé à Selon Charlie, en présentant Mal de pierres et son actrice vedette, l'incontournable Marion Cotillard. 

Loving de Jeff Nichols

Les américains seront eux représentés par l'acteur-réalisateur Sean Penn pour The Last Face qui plonge Charlize Theron et Javier Bardem en Afrique au coeur d'une mission humanitaire. Jeff Nichols, l'auteur vénéré du récent Midnight Special, déjà en compétition avec le superbe Mud, présentera Loving, une tragique histoire d'amour interraciale dans l'Amérique ségrégationniste des années 50.

Enfin, les cinéastes roumains feront un retour en force grâce au palmé Cristian Mungiu (Bacalauréat) et l'acclamé Cristi Piui (Sieranevada). Et le coréen Park Chan-Wook devrait, on l'espère, nous électriser une fois encore grâce à Mademoiselle.

Le Bon Gros Géant de Steven Spielberg
 
Hors compétition, Woody Allen ouvrira pour la troisième fois de sa carrière les festivités cannoises avec Cafe Society, Jodie Foster présentera, en tant que réalisatrice, son quatrième long métrage, Money Monster interprété par George Clooney et Julia Roberts qui foulera pour la première fois le tapis rouge. Sans oublier monsieur Steven Spielberg et la présentation en première mondiale de son Bon Gros Géant adapté de l’œuvre de Roald Dahl. 

Cannes, c'est aussi les sections parallèles. A Un certain regard, beaucoup de découvertes en perspective, notamment le long métrage d'animation La tortue rouge de Michael Dudok de Wit, le film singapourien Apprentice et le premier long métrage tricolore La Danseuse de Stéphanie Di Giusto, au milieu de quelques cinéastes confirmés (Hirokazu Kore-Eda). 

Neruda de Pablo Larrain

La Quinzaine des Réalisateurs propose une fois encore une alléchante sélection qui s'ouvrira avec le nouveau film de Marco Bellochio, Fais de beaux rêves, qui, aux cotés de deux autres cinéastes transalpins (Paolo Virzi et Claudio Giovannesi), représentera bien l'Italie, quasi absente de la sélection officielle. De nombreux habitués de la Quinzaine présenteront leurs nouveaux films (Alejandro Jodorowsky, Pablo Larrain, Rachid Djaïdani, Arunag Kashiap) qui se clôturera avec le dernier opus de Paul Schrader, Dog Eat Dog, et son excitant casting (Nicolas Cage et Willem Dafoe). 

On guettera également la sélection Cannes Classics, notamment le foisonnant documentaire de Bertrand Tavernier consacré au cinéma français et la Master Class donnée par William Friedkin (voir la vidéo), le réalisateur culte de French Connection et L'Exorciste

Pour conclure ce panorama, signalons que le festival a décidé pour la première fois de ne pas proposer de film de clôture. Une judicieuse initiative, à l'image d'un 69ème festival qui s'amorce sur de bons rails.

Comme chaque année, Mon Cinématographe couvre l'évènement. On en reparle très prochainement. 

Antoine Jullien 


Film d'ouverture 

Cafe Society de Woody Allen - sortie le 11 mai

En compétition

Toni Erdmann de Maren Ade - sortie le 17 août
Julieta de Pedro Almodovar - 18 mai
American Honey d'Andrea Arnold
Personal Shopper d'Olivier Assayas - 14 décembre
La fille inconnue de Luc et Jean-Pierre Dardenne - 12 octobre
Juste la fin du monde de Xavier Dolan - 21 septembre
Ma Loute de Bruno Dumont - 13 mai
Mal de pierres de Nicole Garcia - 19 octobre
Rester vertical d'Alain Guiraudie - 24 août
Paterson de Jim Jarmusch - 21 décembre
Aquarius de Kleber Mendonça Filho - 28 septembre
Moi, Daniel Blake de Ken Loach - 26 octobre
Ma' Rosa de Brillante Mendoza - 30 novembre
Baccalauréat de Cristian Mungiu - 7 décembre
Loving de Jeff Nichols - 15 février 2017
Mademoiselle de Park Chan-Wook - 2 novembre
The Last Face de Sean Penn - 4 janvier 2017
Sieranevada de Cristi Puiu - 3 août
Elle de Paul Verhoeven - 25 mai
The Neon Demon de Nicolas Winding Refn - 8 juin
Le Client d'Asghar Farhadi - 9 novembre

Hors-Compétition

Money Monster de Jodie Foster - 12 mai
The Nice Guys de Shane Black - 15 mai
Le Bon Gros Géant de Steven Spielberg - 20 juillet
The Strangers de Na Hong-Jin - 6 juillet
Hands of Stone de Jonathan Jacubowicz

69ème Festival de Cannes du 11 au 22 mai


mercredi 13 avril 2016

2 fois Gael García Bernal

DESIERTO / EVA NE DORT PAS

Gael García Bernal est doublement à l'affiche de Desierto et Eva ne dort pas. Une riche actualité pour un comédien qu'on affectionne. 


Desierto est le premier long métrage de Jonas Cuarón, le fils d'Alfonso, qui s'était fait remarquer grâce au court métrage Aningaap, sorte de prolongement de Gravity. Il n'a pas choisi ici la facilité en embarquant son équipe dans le désert brûlant et aride du Mexique pour une chasse à l'homme qui en rappelle d'autres, menée avec une indéniable efficacité. 

Au sud de la Californie, dans le désert de Sonora et ses étendues hostiles, un groupe de mexicains tente de passer la frontière des États-Unis. La chaleur, les serpents et l'immensité les épuisent... Soudain des balles se mettent à siffler. On cherche à les abattre, un à un. 

Gael García Bernal

Bien qu'il proclame le contraire, on ne sent pas le cinéaste véritablement impliqué par la thématique de l'immigration qu'induit le sujet de son film. Jonas Cuarón préfère le mettre au second plan, privilégiant l'action et le suspense. Si Duel est une référence explicite, le réalisateur n'en retrouve ni l’âpreté ni l'effroi. Car la force du film de Spielberg résidait dans son méchant invisible alors que Cuarón dépeint une caricature de bad guy qui s'amuse à tuer des mexicains comme dans un pur divertissement. Et les quelques répliques que le réalisateur lui met en bouche ne renforcent par le côté bas-de-plafond du personnage, bien au contraire. 

En revanche, le cinéaste filme très bien son décor et ses étendues désertiques. Grâce à la musique inspirée du talentueux Woodkid, il ne relâche jamais notre attention, signant un bon film de genre porté par un excellent Gael García Bernal en père déterminé à s'en sortir. En souhaitant juste à l'avenir que Jonas Cuarón fasse preuve de plus de personnalité et d'originalité.

Mexique / France - 1h34
Réalisation : Jonas Cuarón - Scénario : Jonas Cuarón et Mateo Garcia
Avec : Gael García Bernal (Moises), Jeffrey Dean Morgan (Sam), Alondra Hidalgo (Adela).  

 

 
Voilà un bien étrange objet que cet Eva ne dort pas réalisé par Pablo Agüero. Le film évoque un fait historique insolite, la manière dont le corps d'Eva Perón, figure majeure de l'histoire argentine des années 40-50, a été au cœur d'importants enjeux politiques, bien après sa mort en 1952. Sa dépouille fut d'abord embaumée puis, après le renversement de son mari, le président Juan Perón, les militaires, ne pouvant l'enterrer de crainte d'une insurrection, décidèrent de l'envoyer en secret au Vatican. Des années plus tard, elle fut rapatriée en Argentine après le retour de la démocratie en 1973. Mais un nouveau coup d'état éclata en 1976 et l'armée enterra Evita sous six mètres de béton. Dans les années 80, les différentes juntes militaires qui se succédèrent la feront finalement disparaître.


"C'est l'une des histoires les plus incroyables et cinématographiques qui soient" dit Pablo Agüero. Le réalisateur a confectionné un long métrage déroutant, raconté par Gael García Bernal qui joue un général cruel et dandy dont on comprendra l'identité qu'à la fin du récit.  Conceptuel et très esthétique, le film a été tourné en 20 jours dans le même lieu, avec des décors artificiels, en plan séquence. La scène d'ouverture, celle de l'embaumeur, est superbe visuellement, empreinte d'une très belle poésie morbide. La séquence suivante, avec Denis Lavant en militaire chargé de transporter le corps d'Evita, est un modèle de tension larvée. Le dernier chapitre ne suivra pas ces belles promesses et le processus finira par s’essouffler malgré la très juste utilisation d'images d'archives. Un réalisateur à suivre en tous cas qui est parvenu à sublimer une icône qui ne sera jamais tout à fait morte dans l'inconscient collectif argentin, aujourd'hui encore l'objet de nombreuses controverses. 

Antoine Jullien

Argentine - 1h25
Réalisation et Scénario : Pablo Agüero
Avec : Gael Garcia Bernal (Amiral), Denis Lavant (Colonel), Daniel Fanego (Général Aramburu), Imanol Arias (Dr Pedro Ara). 

mardi 12 avril 2016

2ème édition du festival Play it again !


Le festival Play it again ! fête sa deuxième édition, parrainé cette année par le réalisateur Benoît Jacquot. Un belle occasion de voir ou revoir des classiques du cinéma en version restaurée à travers une sélection éclectique, de Au Hasard Balthazar de Robert Bresson à Elle et Lui de Leo McCarrey en passant par La Taverne de la Jamaïque d'Alfred Hitchcock (voir article) et Le Conformiste de Bernardo Bertolucci. 

La manifestation s'ouvre ce soir avec Mauvais Sang de Leos Carax, film emblématique des années 80, et se clôturera le mardi 19 avril avec la présentation du premier long métrage de Robert Enrico, La Belle Vie, réalisé en 1962 et inédit en salles depuis 50 ans. 

Mauvais Sang (1986) ouvre la 2ème édition de Play it again !

Deux classiques ont également droit à leur ciné-concert. L'Aurore de Murnau et Bucky Broadway de John Ford seront projetés lors de soirées-évènements avec un accompagnement musical sur scène.

150 salles dans toute la France participent à l'opération.

2ème festival Play it Again ! du 13 au 19 avril
Renseignements : http://www.festival-playitagain.com/

lundi 11 avril 2016

La Grande Séance d'avril


Mon Cinématographe a de nouveau participé à La Grande Séance sur Séance Radio, animée par Bruno Cras, aux côtés de Claire Fayau (Le Genou de Claire) et Alexis Hyaumet (Filmosphère). L'invité de l'émission était Ariane Toscan du Plantier, la directrice de la communication de Gaumont, venue évoquer Les Visiteurs - La Révolution de Jean-Marie Poiré et la polémique sur le fait que les journalistes ait été interdits de projection avant sa sortie. Précisons que nous ne l'avons pas vu mais que les premiers retours spectateurs sont loin d'être encourageants. 

Le débat de l'émission portait sur les nouveaux usages du cinéma et sa consommation sur les supports numériques via les écrans d'ordinateurs, smartphones, tablettes. Une discussion riche qui n'a pas fait consensus. 

Vous pouvez retrouver l'émission ICI.

vendredi 8 avril 2016

Le cinéma à l'heure de la consommation numérique

THE END / 99 HOMES / LA TAVERNE DE LA JAMAÏQUE


Mon Cinématographe vous parle des films en salles mais le cinéma se vit aussi grâce à de nouveaux modèles de consommation numérique via les ordinateurs, tablettes et autres smartphones. Certains le déplorent, d'autres estiment que le processus est inévitable. Rien ne remplacera le plaisir unique de la salle mais l'économie du secteur est dans une telle difficulté, avec une concurrence devenue féroce, que ces nouveaux modes de diffusion sont peut-être une aubaine pour des films fragiles qui n'ont pas le temps d'exister face à la vingtaine de sorties hebdomadaire. 

Pour la première fois en France, un long métrage a été pensé de cette façon. The End de Guillaume Nicloux est accessible depuis aujourd’hui en e-Cinéma, sur toutes les plateformes de vidéo à la demande, pendant 45 jours. Après Valley of Love, le réalisateur embarque à nouveau Gérard Depardieu dans un cauchemar éveillé où l'ogre du cinéma français se retrouve perdu en pleine forêt. L'acteur, de tous les plans, insuffle sa présence animale contrastée par l'ambiance mystérieuse et fantastique du film, mis en scène de manière très minimaliste. C'est un rêve perturbant vécu par le réalisateur lui-même qui a été le moteur de cette œuvre incertaine mais fascinante, l'une des plus abouties d'un cinéaste à la filmographie très (trop) inégale. 

France - 1h17
Réalisation et Scénario : Guillaume Nicloux
Avec : Gérard Depardieu (L'homme), Audrey Bonnet (La jeune femme), Swann Arnaud (Le jeune homme)



 
99 Homes, Grand Prix du dernier festival de Deauville, aurait mérité une sortie en salles. Wild Bunch, son distributeur, à l'avant garde en matière de e-Cinema (Welcome to New York, la série Les Enquêtes du Département V), prolonge donc cette nouvelle méthode de distribution en proposant le film de Ramin Bahrani exclusivement sur les plateformes numériques. Le réalisateur scrute le dérèglement du système en filmant les ravages engendrés par la crise des subprimes sur une famille américaine qui perd sa maison en 60 secondes ! Le fils, sans emploi, va devoir pactiser avec celui qui les a expulsé afin de pouvoir la racheter. 

Le propos du réalisateur n'est jamais manichéen, s'appuyant sur une étude très minutieuse de la crise immobilière qui secoue les États-Unis où les promoteurs, impitoyables et cyniques, usent des pires méthodes pour arriver à leurs fins. Une société au bord de la crise de nerfs, sans garde-fou, sombrant dans la violence et le chaos. Ramin Bahrani prouve une fois encore la capacité du cinéma américain à transformer un sujet de société en vrai film de cinéma, campé par des acteurs au sommet, Andrew Garfield et Michael Shannon en méchant presque malgré lui. Un sombre tableau, d'une grande force, qui interpelle durablement. 

Etats-Unis - 1h52
Réalisation : Ramin Bahrani - Scénario : Ramin Bahrani, Amir Naderi et Bahared Azimi
Avec : Andrew Garfield (Dennis Nash), Michael Shannon (Rick Carver), Laura Dern (Lynn Nash).




L'éditeur Carlotta Films, réputé pour la qualité des ses éditions DVD et Blu-Ray, nous propose une restauration 4K de La Taverne de la Jamaïque*, le dernier film britannique d'Alfred Hitchcock réalisé en 1939, avant son départ pour Hollywood. L'histoire d'une jeune femme (Maureen O'Hara) qui part s'installer chez sa tante en Cournouailles sans se douter que le mari de celle-ci est le tenancier d'une taverne qui est un repaire de brigands ayant pour habitude de piller des navires après leur naufrage. Elle trouve finalement refuge chez l'excentrique juge Pengallan (Charles Laughton) qui n'est autre que le chef du clan. 

Adapté d'un roman de Daphné du Maurier, La Taverne de la Jamaïque est un film mineur dans la carrière d'Hitchcock, que le cinéaste n’aimait d'ailleurs pas beaucoup. Il fut aussi victime de l'égo de son acteur vedette, Charles Laughton, également producteur du film, qui exigea que son personnage soit plus étoffé que dans le roman, n'hésitant pas à multiplier les prises car il n'était jamais complètement satisfait de sa performance, très extravagante. Hitchcock dira de lui plus tard : "Les choses les plus difficiles à filmer sont les chiens, les bébés, les canots à moteur et Charles Laughton." Le réalisateur ne lui en fera pas trop grief, retrouvant le comédien quelques années plus tard sur Le Procès Paradine. A noter que Daphné du Maurier, mécontente de cette adaptation, ne voulait pas que le cinéaste porte à l'écran son roman le plus célèbre, Rebecca. Le producteur David O. Selznick se montra si généreux que la romancière finit par accepter. Le film marqua le début de la carrière hollywoodienne d'Alfred Hitchcock, annonçant son génie visuel et ses futurs chefs d’œuvre.

Antoine Jullien 

* Disponible en DVD et Blu-Ray
Grande-Bretagne, 1939 - 1h40
Réalisation : Alfred Hitchcock - Scénario : J.B. Priestley, Sidney Gilliat, Joan Harrison d'après le roman de Daphné Du Maurier
Avec : Charles Laughton (Le juge Pengallan), Maureen O'Hara (Marie Yellan), Leslie Banks (Joss Merlyn), Robert Newton (Jem Trehearne).

jeudi 7 avril 2016

L'art du mauvais remake

 
Réussir un remake n'est pas chose aisée. Certains ont reproduit leur propre film (Hitchcock avec L'Homme qui en savait trop, Haneke avec Funny Games), d'autres ont osé le remake plan par plan (Gus Van Sant et son indéfendable Psycho) mais la plupart s'y sont cassé les dents, commettant des plagiats inutiles ou ratés, du catastrophique Diabolique au médiocre Vanilla Sky. Cela devient plus piquant lorsque le réalisateur déclare lui-même ne pas aimer l’œuvre originale qu'il est en train de saborder. C'est le cas du cinéaste italien Luca Guadagnino, l'auteur de Amore, un mélo baroque et flamboyant incarné par la diaphane Tilda Swinton qui interprète cette fois une rock star aphone ! Une incongruité qui aurait du faire le sel de cette adaptation "libre" et "contemporaine" de La Piscine de Jacques Deray, renommé pour l'occasion A Bigger Splash. Un grand plouf en effet, grotesque et indigeste.

Une légende du rock et son compagnon se reposent en Italie sur l'île de Pantelleria, au bord d'une belle villa avec piscine. Quand son ancien amant, un producteur de musique, débarque avec sa fille, la situation se complique. Le passé qui ressurgit vont leur faire vivre des vacances très rock’n’roll. 

Matthias Schoenaerts, Tilda Swinton, Dakota Johnson et Ralph Fiennes

La Piscine est un film tendu et étouffant. Cette pâle copie est clinquante et superficielle. Le premier est un huis clos mis en scène au cordeau alors que Luca Guadagnino tente vainement d'aérer son récit par des flashbacks superflus. Le film de Deray bénéficiait d'un casting où explosait le magnétisme d'Alain Delon, la beauté incandescente de Romy Schneider, la virilité vénéneuse de Maurice Ronet et la fausse candeur de Jane Birkin. Là, on doit subir le cabotinage de Ralph Fiennes, la fadeur de Dakota Johnson et l'absence de charisme de Matthias Schoenerts. Seule Tilda Swinton surnage en essayant péniblement d'empêcher que l'entreprise ne prenne l'eau de toute part.

Et pourtant, Luca Guadagnino signe un film totalement décoratif, dépourvu de la moindre tension, qui surligne chaque effet. De plus, il s'est cru obligé de contextualiser son intrigue en évoquant la crise des migrants. Mais attention, les protagonistes ne s'en préoccupent que vaguement, occupés à déguster de la ricotta entre deux baignades ensoleillées. Une telle vacuité alliée à un final invraisemblable et pathétique finit de nous achever. A l'avenir, chers réalisateurs, ne touchez plus à des classiques si c'est pour les massacrer de la sorte ! L'histoire du cinéma ne vous le pardonnera pas. 

Antoine Jullien

Italie / France - 2h04
Réalisation : Luca Guadagnino - Scénario : David Kajganich et Alan Page
Avec : Tilda Swinton (Marianne Lane), Ralph Fiennes (Harry Hawkes), Matthias Schoenaerts (Paul de Smedt), Dakota Johnson (Penelope Lanier). 

Disponible en DVD chez Studio Canal.

mercredi 6 avril 2016

Demolition

 
Depuis le succès de C.R.A.Z.Y, le réalisateur québécois Jean-Marc Vallée ne cesse de prendre des chemins détournés. A la différence de son compatriote Denis Villeneuve (Prisoners, Sicario), il ne possède pas de style identifiable, préférant se mouler dans des histoires souvent édifiantes inspirées de faits réels, comme le parcours de Ron Woodfrof dans le réussi Dallas Buyers Club qui valut un Oscar à Matthew McConaughey, ou le voyage intérieur très pesant de Reese Witherspoon dans Wild. Cette fois, il porte à l'écran un scénario original, écrit par Bryan Sipe et inscrit pendant un temps dans la fameuse Black List des meilleurs scripts n'ayant pas encore trouvé de producteur. Soit une attaque en règle contre les stéréotypes de la vie conjugale avant que la bienpensance ne prenne malheureusement le dessus. 

Banquier d'affaires ayant brillamment réussi, Davis (Jake Gyllenhaal) a perdu le goût de vivre depuis que sa femme est décédée dans un accident de voiture. Malgré son beau-père (Chris Cooper) qui le pousse à se ressaisir, il sombre de plus en plus. Un jour, il envoie une lettre de réclamation à une société de distributeurs automatiques, puis lui adresse d'autres courriers où il livre des souvenirs personnels. Jusqu'au moment où une de ces lettres attire l'attention de Karen (Naomi Watts), la responsable du service clients. Peu à peu, une relation se noue entre eux. 

Jake Gyllenhaal 

La tonalité acide de la première partie, à rebours des clichés, est séduisante. Jean-Marc Vallée dépeint un homme dont le manque d'affect envers sa femme disparue fascine. Au lieu de pleurer son épouse, il préfère se focaliser sur un distributeur automatique en panne, devenu l'objet de ses récriminations puis de ses confidences. Le réalisateur explore le vide qui entoure son protagoniste et l'idée d'une vie teintée d'illusion dans laquelle il faut à tout prix remplir les bonnes cases et où la réussite prédomine. Un juste état des lieux de l'homme moderne que Jake Gyllenhaal transfigure une fois encore grâce à sa présence presque fantomatique. Il nous transmet son envie furieuse de faire vaciller un système de valeurs sclérosé avec une rage intérieure très communicative.

En revanche, le bât blesse dans la seconde partie où notre antihéros va rentrer dans sa sempiternelle phase de rédemption. Les bonnes intentions initiales du scénario, plutôt subtil jusqu'ici, finissent par se retourner contre lui. Les révélations inutiles sur l'épouse défunte comme le coming out violent du fils de Naomi Watts, à la résonance douteuse, transforment l'objet poil à gratter du début en une ode rassurante et prévisible à la redécouverte de soi et des autres, réalisée avec de gros sabots qu'enfile aisément Jean-Marc Vallée. Le cas typique d'un cinéma indépendant prétendument audacieux qui ne va pas au bout de ses principes.

Antoine Jullien

États-Unis - 1h41
Réalisation : Jean-Marc Vallée - Scénario : Bryan Sipe
Avec : Jake Gyllenhaal (Davis Mitchell), Naomi Watts (Karen Moreno), Chris Cooper (Phil), Judah Lewis (Chris Moreno).