jeudi 7 juillet 2016

The Strangers

 
A quelque exceptions près, les réalisateurs américains se contentent aujourd’hui de répéter les motifs récurrents de l'horreur et du fantastique. Seul le cinéma coréen semble encore capable de transcender ces genres cinématographiques à bout de souffle. Na Hong-Jin, qui avait secoué le polar avec The Chaser, allait-il, dans son nouvel opus, The Strangers, rabattre toutes les cartes ? La réponse est délicate tant le cinéaste nous malmène pour nous plus grand plaisir sans parvenir toutefois à atteindre le pic d'amplitude espéré.

La vie d'un village coréen est bouleversée par une série de meurtres, aussi sauvages qu'inexpliquées, frappant au hasard une petite communauté rurale. La présence d'un vieil étranger qui vit en ermite attise la rumeur et les superstitions. Pour Jon-Gu, un policier dont la famille est directement menacée, il est de plus en plus évident que ces crimes ont un fondement surnaturel... 


Na Hong-Jin ne veut à aucun moment installer le spectateur dans un genre dont il connaîtrait les moindres subterfuges. A ce titre, le pari du cinéaste est tenu haut la main. Désarçonnés par une intrigue en forme de jeu de pistes, sinueuse et parfois illisible, nous sommes brillamment baladés par un cinéaste qui maîtrise parfaitement les rouages de son art. Par sa seule mise en scène, il parvient à nous plonger dans une atmosphère inconfortable, entre cauchemar et réalité, qui exerce un incontestable pouvoir de fascination. Baigné par le chamanisme et les forces occultes, le récit nous entraîne dans une spirale infernale où le Démon semble s'ingénier à nous mener en bateau. Mais qui est-il vraiment ? Na Hong-Jin refuse toute rationalité et le doute ne se dissipera pas à l'issue de la projection.

Comme souvent dans le cinéma coréen, le comique le plus saugrenu vient soudain rompre la tension. Il est cette fois personnifié par ce flic empoté qui semble toujours avoir un train de retard sur une situation de plus en plus insaisissable, au milieu d'un village, Goksung (le titre original), soufflé par les intempéries, que Na Hong Jin filme magistralement. Mais cette virtuosité dessert aussi le métrage qui souffre d'une durée excessive (2h36), de coups de théâtre narratifs superflus et d'un mélange des genres qui convoque tour à tour la figure du zombie et la petite fille possédée de L'Exorciste dans une accumulation un peu fatigante. Malgré ces réserves qui contrarient notre impression d'ensemble, le film, par sa profusion et sa démesure, prouve une nouvelle fois qu'il faudra compter encore longtemps sur ces diables de coréens. 

Antoine Jullien

Corée du Sud - 2h36
Réalisation et Scénario : Na Hong-Jin
Avec : Kwak Do Won (Jon-Gu), Hwang Jung Min (Il-Gwang), Kunimura Jun (L'Etranger), Chun Woo hee (La femme anonyme).  


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