jeudi 22 décembre 2016

Les films de fin d'année

Afin de passer les fêtes sous le meilleur des manteaux cinéphiles, voici une petite sélection des films à découvrir en cette fin d'année.

FAIS DE BEAUX RÊVES de Marco Bellocchio


2016 s'achève avec l'un des plus beaux films de l'année, Fais de beaux rêves de Marco Bellocchio. Lui qui nous avait habitué à un cinéma froid et cérébral livre une œuvre extrêmement poignante sur le deuil et les réminiscences de l'enfance. En adaptant le livre autobiographique de Massimo Gramellini qui raconte l'histoire d'un petit garçon ayant sa perdu sa mère qui durant toute sa vie va tenter d'en fouiller les raisons cachées, le cinéaste nous touche droit au cœur. 

Bellocchio n'a pas vécu personnellement ce rapport intense entre une mère et son fils mais il a pourtant su magnifiquement en retranscrire l'essence. A l'instar de son protagoniste qui reste hanté par une mort qu'on a toujours refusé de lui expliquer, le cinéaste questionne la persistance d'un deuil, alternant avec une grande limpidité les années 60 aux années 90, et filmant cette mère comme une figure insaisissable. Les jardins secrets de l'enfance prennent tout à coup une réelle épaisseur, confrontés à une tragédie intime dont on comprend inconsciemment la nature mais que l'on ne peut se résoudre à accepter. Malgré la gravité de son sujet, le cinéaste filme aussi superbement des instants de vie et de liesse, que ce soit dans un stade de football ou lors d'une fête d'anniversaire qui, s'ils ne sont pas indispensables à l'intrigue, façonnent pleinement la destinée d'un être qui finira par trouver une forme d'apaisement. Avant la scène finale, déchirante par la tristesse sourde qu'elle distille. Un grand film, sobre et indispensable. (En salles le 28 décembre).  

Italie / France - 2h10
Réalisation : Marco Bellocchio - Scénario : Valia Santella, Edoardo Albinati et Marco Bellocchio d'après le livre de Massimo Gramellini
Avec : Valerio Mastandrea (Massimo), Bérénice Béjo (Elisa), Guido Caprino (Le père de Massimo), Barbara Ronchi (La mère de Massimo).  



PATERSON de Jim Jarmusch


Sa volonté farouche d'indépendance, loin des modes, commençait à ressembler à du snobisme. On a toujours apprécié la liberté de ton de Jim Jarmusch mais la sophistication et la préciosité de ses deux derniers opus (The Limits of Control et Only Lovers Left Alive) nous avaient passablement irrité. Heureusement, le cinéaste a recouvré une forme de grâce avec Paterson, présenté en compétition au dernier festival de Cannes. Paterson est le nom d'une ville du New-Jersey et aussi celui du personnage principal interprété par Adam Driver. Un homme ordinaire, chauffeur de bus d'une trentaine d'années qui mène une vie rangée aux côtés de Laura (Golshifteh Farahani) et de Marvin, son bouledogue anglais.

La modestie apparente du film cache une vibrante déclaration d'amour à la poésie. En effet, chaque jour, Paterson écrit dans son carnet des poèmes connus de lui seul. Une poésie du quotidien en somme que le cinéaste parvient à sublimer en jouant sur une succession de micro-évènements : l'attaque un peu pathétique d'un homme dans un bar, le bus qui se retrouve en panne, le comportement excentrique et parfois déroutant de Laura... tout cela au sein d'une ville pauvre et délabrée. Paterson pourrait revêtir un caractère dépressif si Jarmush ne lui apportait pas un supplément d'âme, une poésie du désespoir qui se transforme en douce sérénité. Voir un cinéaste et son protagoniste fusionner ainsi nous donnent une irrépressible envie d'applaudir.

États-Unis - 1h58
Réalisation et Scénario : Jim Jarmusch
Avec : Adam Driver (Paterson), Golshifteh Farahani (Laura), Trevor Parham (Sam). 



MANCHESTER BY THE SEA de Kenneth Lonergan


Trois films en quinze ans, on ne peut pas dire que Kenneth Lonergan soit un stakhanoviste. Mais son troisième long métrage, Manchester by the sea, frappe fort et risque de se retrouver très bien placé dans la la course aux prochains Oscars. Casey Affleck y campe un homme qui, après la mort de son frère, est désigné comme tuteur de son neveu. Il se retrouve alors confronté à un lourd passé qui l'a séparé de sa femme et de ses proches. 

Dès les premières minutes, le regard perdu de Casey Affleck laisse supposer une existence nourrie de mal être et de culpabilité. Lors d'un flashback foudroyant, on comprend les raisons qui ont poussé cet homme à s'enfermer ainsi. Kenneth Lonergan maîtrise subtilement sa narration, se permettant ce procédé casse-gueule qui, entre de mauvaises mains, serait tombé dans les abimes de la lourdeur. Le cinéaste rend ses lettres de noblesse au drame américain, avec une densité telle que l'on est immédiatement captivé par cette histoire. Le film ne manque pas non plus d'humour, notamment lors d'une savoureuse séquence d'introduction où le personnage doit supporter la vie intime de ses clients. Cependant, la ligne tenue si bien jusqu'alors se brise un peu lors d'une scène de retrouvailles entre Casey Affleck et Michelle Williams dans laquelle l'acteur semble vouloir fuir son aspect mélodramatique, largement appuyé par le jeu de l'actrice. Malgré ses réserves, Kenneth Lonergan signe un film d'une envergure assez rare dans le paysage du cinéma indépendant dont l'incarnation de vérité ne tient qu'en deux mots : Casey Affleck. 

États-Unis - 2h15
Réalisation et Scénario : Kenneth Lonergan
Avec : Casey Affleck (Lee Chandler), Lucas Hedges (Patrick), Michelle Williams (Randi Chandler), Kyle Chandler (Joe Chandler). 



SOUVENIR de Bavo Defurne 

2016 restera comme l'année Isabelle Huppert. L'actrice, au firmament de son jeu, nous a ébloui dans Elle de Paul Verhoeven pour lequel elle pourrait décrocher l'Oscar. Elle se retrouve ici dans un film aux ambitions plus modestes où elle est une ancienne chanteuse de l'Eurovision, à la gloire révolue, travaillant dans une usine de pâté ! Imaginer l'interprète de La Pianiste affublée d'une calotte et d'une blouse fait partie des quelques incongruités d'un film agréable mais mineur.

Le réalisateur flamand Bavo Defurne nous raconte une histoire d'amour improbable entre cette femme désormais anonyme et un jeune homme féru de boxe qui va devenir son manager et la convaincre de faire son come-back. Même si le scénario est totalement cousu de fil blanc, on adhère plutôt à la sincérité de la démarche. Le réalisateur croit fermement en ses personnages et Isabelle Huppert comme Kevin Azaïs (la révélation des Combattants) arrivent à créer une réelle alchimie, amplifiée par la musique acidulée de Pink Martini, en parfaite adéquation avec la stylisation très soignée de l'ensemble. Mais l'absence criante d'enjeux risque bien vite d'effacer le film de notre mémoire. 

Belgique / France - 1h30
Réalisation : Bavo Defurne - Scénario : Bavo Defurne, Jacques Boon et Yves Verbraeken 
Avec : Isabelle Huppert (Liliane), Kevin Azaïs (Jean), Johan Leysen (Tony Jones).  




LE FONDATEUR de John Lee Hancock


Le réalisateur John Lee Hancock est en passe de devenir le spécialiste des biopics sur les figures populaires de la culture yankee. Après Walt Disney (Dans l'ombre de Mary), c'est au tour du fondateur de McDonald's de voir sa vie portée à l'écran. Mais le titre du film, ironique, est parfaitement trompeur car il ne s'agit pas du créateur de la fameuse chaîne de fast-food mais de celui qui se l'ait accaparée pour en devenir l'unique propriétaire. Une success-story pas très reluisante que le film nous raconte avec appétit. 

En effet, Ray Kroc (excellent Michael Keaton) n'est autre que l'homme d'affaires qui a racheté la chaîne de restaurants McDonald's aux frères Richard et Maurice McDonald. Le film ne met donc pas en lumière un génial inventeur mais un homme roublard et prêt à tout pour développer l'enseigne afin d'en tirer le profit que l'on sait. Au départ, Kroc est un minable représentant de commerce à la cinquantaine bien passée qui va trouver dans l'entreprise des deux frères le moyen inespéré de devenir un entrepreneur riche et puissant. Dans la première partie, on éprouve une vraie empathie pour le personnage, séduit par son énergie et sa volonté sincère de développer la marque. Mais sa personnalité se noircit peu à peu et on devient soudain rebuté devant ses manœuvres, symbolisant les dérives d'un capitalisme sans foi ni loi. Grâce au très bon scénario de Robert D. Siegel (classé un temps dans la liste noire des meilleurs scripts), John Lee Hancock révèle, sous les dorures d'une réussite commerciale incontestable, la face cachée du rêve américain. (En salles le 28 décembre). 

Etats-Unis - 1h56
Réalisation : John Lee Hancock - Scénario : Robert D. Siegel
Avec : Michael Keaton (Ray Kroc), Nick Offerman (Dick McDonald), John Carroll Lynch (Mac McDonald), Laura Dern (Ethel Kroc). 



LOUISE EN HIVER de Jean-François Laguionie

  
La Tortue Rouge, Ma Vie de Courgette et maintenant Louise en hiver. Le cinéma d'animation tricolore connaît une année faste. Le dernier bijou à découvrir est donc le nouveau long métrage du vétéran Jean-François Laguionie qui a fait ses classes chez Paul Grimault avant de voler de ses propres ailes. Il nous projette merveilleusement dans l'existence de Louise, une octogénaire qui, à la fin de l'été, et après avoir raté son train, voit sa station balnéaire vidée de ses habitants. Abandonnée, elle se fabrique une cabane en bord de mer, avec pour seul compagnon un chien doué de parole.

On est plongé dans le monde de Louise avec une certaine délectation. Comme elle, on hume l'air de la mer, doucement envoûté par le bruit du ressac. La solitude du personnage nous touche par la résurgence de ses souvenirs qui nous ramènent à l'époque où elle était jeune fille pendant la guerre. Jean-François Laguionie scrute la mémoire de cette femme, ses joies et ses regrets, dans une atmosphère presque fantastique, magnifiée par la voix rocailleuse de Dominique Frot et le superbe travail d'animation au pastel dont se dégage une profonde mélancolie, au point que l'émotion nous gagne de manière imperceptible mais vivace. Une œuvre admirable à contempler absolument. 

Antoine Jullien

France - 1h15
Réalisation et Scénario : Jean-François Laguionie 
Avec la voix de Dominique Frot. 

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