mardi 13 décembre 2016

Premier Contact

 
Denis Villeneuve est en passe de devenir l'un des plus passionnants cinéastes contemporains. Après plusieurs œuvres intimistes, il démontrait dans Incendies un sens de la tragédie remarquable. Et depuis son arrivée à Hollywood, il fait preuve d'une maitrise confondante, que ce soit avec le suffocant Prisoners ou l'haletant Sicario. Cette fois, dans Premier Contact, il s'intéresse à la science-fiction, genre qu'il retrouvera dès l'année prochaine pour la suite de Blade Runner dont il vient d'achever le tournage. Une frénésie filmique contrebalancée par la magnificence de son style qui n'a jamais paru aussi accompli. 

La terre est envahie par les extraterrestres mais leur motivation demeure inconnue. Une linguiste est chargée par le gouvernement de rentrer en communication avec eux afin de connaître leurs réelles intentions. Face à une menace de guerre totale, la jeune femme va devoir prendre tous les risques. 


On ne se rend pas compte, nous spectateurs, quelle somme de recherches Denis Villeneuve et son équipe ont du entreprendre pour proposer au public une approche différente d'un matériau que l'on a déjà vu mille fois à l'écran. Depuis ses origines, le cinéma a dépeint les extraterrestres en créatures purement bellicistes (La Guerre des Mondes, Independance Day, Mars Attacks...) ou pacifistes (E.T., Rencontres du troisième type). Même si Premier Contact se range dans la deuxième catégorie, il parvient prodigieusement à nous emmener ailleurs, très loin des sentiers battus. Le plan quasi olympien de la découverte du mystérieux vaisseau oblong prouve de quelle manière Denis Villeneuve sait installer une situation, déployant un art visuel et sonore stupéfiant. Le travail sur l'image et le son atteint une plénitude esthétique, particulièrement dans la représentation graphique des aliens dont le langage, constitué de symboles, fascine instantanément et bouscule tous nos repères. 

Amy Adams

Denis Villeneuve signe aussi un film étonnamment actuel dans sa description d'un monde qui ne cesse de se replier sur lui-même. Les tentations guerrières de plusieurs pays menacent en effet de rompre la fragile communication entretenue par cette femme qui va comprendre, au contact des extraterrestres, le pouvoir absolu du langage. Il serait bien coupable de dévoiler davantage le scénario, construit comme un palindrome qui va chambouler profondément notre perception du temps. Les aliens deviennent soudain un prétexte pour raconter un vertigineux questionnement existentiel d'une ambition assez inouïe, bien que le cinéaste utilise pour y parvenir quelques subterfuges scénaristiques moins convaincants.

Et la présence magnétique d'Amy Adams apporte une poignante humanité au film. "Il y a des acteurs qui ont un monde intérieur plus grand que d'autres. Elle, c'est le cas" dit le cinéaste de son interprète. Sa détermination à déceler l'inconnu et à s'en approcher au point que sa vie en sera à jamais bouleversée est le meilleur argument pour revoir un film qui, à l'image de la sublime musique de Max Richter, possède une âme que l'on a envie à nouveau d'explorer.

Antoine Jullien

États-Unis - 1h56
Réalisation : Denis Villeneuve - Scénario : Eric Heisserer d'après la nouvelle "Story of your life" de Ted Chiang
Avec : Amy Adams (Louise Banks), Jeremy Rener (Ian Donnelly), Forest Whitaker (Colonel Weber), Michael Stuhlbarg (Agent Alpern).   


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