mercredi 25 janvier 2017

La La Land

 
En 2014, Mon Cinématographe avait rencontré un jeune réalisateur inconnu nommé Damien Chazelle (voir l'interview). Au festival de Cannes, il venait de présenter Whiplash qui avait fait sensation et qui remporta par la suite un énorme succès critique. Aujourd'hui, il est le cinéaste le plus prisé d'Hollywood, en passe de remporter son premier Oscar. L'objet de cet emballement ? La La Land, soit un hommage enchanté aux comédies musicales de l'âge d'or hollywoodien autant qu'une réflexion sur la notion d'artiste aujourd'hui. Une œuvre qui pourrait bien devenir un classique. 

Mia, une actrice en devenir, sert des cafés entre deux auditions. Sebastian, lui, est un passionné de jazz mais joue dans des clubs miteux pour survivre. Sur une autoroute de Los Angeles très embouteillée, le destin va réunir ces deux êtres. 

Emma Stone et Ryan Gosling

Cette séquence inaugurale où les deux aspirants artistes se croisent pour la première fois, voit une foule de danseurs en tenue colorée arpenter le bitume californien. Une référence évidente au cinéma de Jacques Demy qui a marqué le franco-américain Damien Chazelle depuis son enfance. La scène, filmée en plan séquence au milieu des voitures avec une virtuosité confondante, donne le La d'un film qui va sans cesse jouer sur l'idée du spectacle de la vie. 

La Cité des Anges, personnifiée par Hollywood, est le théâtre fantasmé d'une histoire d'amour qui démarre cahin-caha avant de s'envoler littéralement grâce à la musique et à la danse. Dans sa volonté de filmer les numéros musicaux à l'instar des grands maîtres avant lui, Damien Chazelle opte le plus souvent pour le plan séquence, donnant à ses deux acteurs l'occasion de s'exprimer comme ils ne l'avaient jamais fait auparavant. La scène où ils se retrouvent aux premières lueurs du jour sur les hauteurs de Los Angeles, entamant un joli pas de deux, illustre merveilleusement leur alchimie à l'écran. Ryan Gosling comme Emma Stone dégagent un charme fou, insufflant beaucoup de vérité à leurs personnages. 

 
Malgré la réussite plastique de l'ensemble et sa suprême élégance, on se demandait si Damien Chazelle allait dépasser cette réussite formelle, aussi manifeste soit-elle, et nous emmener ailleurs. Les saisons s'enchaînent et les beaux jours laissent place aux temps ombragés. Le film devient alors plus amer, les désillusions se succèdent, le berceau des rêveries se fissure face au réel. Damien Chazelle imprègne à son film une soudaine gravité et le transforme en un objet étonnement moderne, bien éloigné du simple hommage un peu passéiste auquel on aurait pu le réduire. 

François Truffaut proclamait que "le cinéma est plus important que la vie". Damien Chazelle raconte une histoire dans laquelle l'un et l'autre s’entremêlent magnifiquement avant un dernier numéro qui, s'il est aussi éblouissant que celui de Un Américain à Paris, finit par nous bouleverser. A l'image des très belles compositions de Justin Hurwitz (déjà à l’œuvre sur Whiplash), la mélodie qui l'accompagne nous transporte dans un état de douce mélancolie. La mélancolie est l'une des sensations les plus intenses que l'on peut vivre dans une salle de cinéma, et La La Land parvient à accomplir ce miracle. Merci, Mr Chazelle, de (re)donner au cinéma sa raison d'être. 

Antoine Jullien

États-Unis / 2h08
Réalisation et Scénario : Damien Chazelle
Avec : Ryan Gosling (Sebastian), Emma Stone (Mia), John Legend (Keith), J.K. Simmons (Bill). 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire