Alors adolescents, J.J. Abrams et son compère Matt Reeves (le futur réalisateur de Cloverfield) ont un jour reçu un coup de téléphone de Kathleen Kennedy, alors assistante d'un cinéaste qui avait vu leurs films dans un festival. Celui-ci leur proposait de restaurer et monter les films super 8 qu'il avait lui-même réalisé quelques années auparavant. Le cinéaste s'appelait Steven Spielberg.
La réalisation de Super 8 vient en partie de cette filiation entre le papa d'E.T. et le créateur de la série Lost. Les deux hommes ont étroitement collaboré à cette histoire originale écrite par Abrams qui revient aux sources de sa passion pour le cinéma. Nous sommes à l'été 1979. Dans une petite ville de l'Ohio, un jeune garçon qui vient de perdre sa mère participe au tournage d'un film de zombies mené par l'un de ses camarades dont la vedette est une jeune fille étrange et introvertie (Elle Fanning, la découverte de Somewhere). Mais un gigantesque accident ferroviaire l'interrompt brutalement. Le groupe ignore que la caméra super 8 a enregistré la collision tandis que de mystérieuses disparitions inquiètent les habitants de la petite ville...
La formule "c'est dans les vieux pots que l'on fait les meilleures confitures" ne pourrait pas mieux résumer le sentiment que l'on éprouve à la sortie de la projection de Super 8. J.J. Abrams a souhaité retrouver le cinéma de son enfance qui l'avait fait rêver. Le réalisateur, plus habitué jusqu'à présent à recycler des franchises en déclin (Mission : Impossible 3 et Star Trek) n'a pas vainement pastiché un genre mais se l'est réapproprié de manière très personnelle. Si le décorum des années 70 est bien présent avec ses accessoires indispensables, il n'étouffe pas le film mais lui donne une authenticité qui ravit dès les premières minutes. L'adulte qui a tant frémit devant les films de sa jeunesse retrouve immédiatement le même plaisir de spectateur. Les jeunes générations ne devraient pas être en reste et seront tout autant captivées par cette histoire haletante menée de main de maître. A l'heure où le numérique envahit tous les espaces au point d'annihiler l'émotion, J.J. Abrams l'utilise à bon escient, faisant confiance à sa mise en scène audacieuse (l'usage du lens flare décrié par certains) et suggestive (l'habileté du hors-champ) afin de nous offrir un long métrage à la fois très spectaculaire (l'impressionnante séquence de l'accident) et intimiste.
Le réalisateur J.J. Abrams avec Joel Courtney et Riley Griffiths
Là où Abrams se pose en digne héritier spielbergien est dans la quête de l'être disparu et l'impossibilité de faire son deuil. Le jeune garçon délaissé de E.T. se retrouvait au contact de l'extraterrestre. Abrams établit un lien plus indirect mais néanmoins touchant. L'arrivée de la pellicule super 8 amène alors une dimension intemporelle et poétique. Lorsque les deux ados regardent le film de la mère disparue, J.J. Abrams intervertit subtilement la réaction de celui qui regarde. Ce n'est pas le garçon qui pleure mais la jeune fille qui a elle aussi perdu sa mère. Une douleur que partage les deux êtres et qui va les unir tout au long du film.
Les dernières images rompent subitement notre enthousiasme. Cette fin très mélodramatique pourrait sembler appuyée et inutile si elle n'était pas l'hommage ultime que rendait Abrams à son père de cinéma. Une émouvante déclaration d'amour autant qu'un vivifiant encouragement à tous les créateurs en herbe. Attention, re ratez pas le générique et son désopilant film de monstres. Du grand art avec des bouts de ficelle ! (Le film sort en salles le 3 août)
Antoine Jullien
DVD et Blu-Ray disponibles chez Paramount Video.