lundi 22 février 2016

Ave, César !

 
Une plongée dans le Hollywood des années 50 signée Joel et Ethan Coen ? On en salivait à l'avance. Les frangins allaient-ils régler le compte à l'usine à rêves ou lui rendre le plus beau des hommages ? Comme à leur habitude, les cinéastes n'en font qu'à leur tête et aucune case préétablie ne correspond à ce nouvel opus. S'inspirant plus ou moins de personnalités ayant réellement existé, ils nous proposent une comédie moins acide qu'attendue, par moments jubilatoire, parfois déroutante mais mise en scène avec une telle maestria qu'il serait vraiment regrettable de bouder son plaisir. 

Le film suit la journée folle d'Eddie Manix (Josh Brolin) qui nous entraîne dans les coulisses d'un grand studio hollywoodien, Capitol Pictures. Chargé de régler les problèmes liés aux tournages et à la fabrication des films, il doit également travestir la vérité afin de protéger la réputation de ses vedettes, à commencer par l'acteur Baird Whitloc (George Clooney), enlevé par un groupuscule d'activistes politiques qui réclame à Manix une importante rançon. 

Josh Brolin

La récréation de cet âge d'or est un pur régal et les séquences de plateau sont une véritable splendeur, qu'il s'agisse d'un numéro de claquettes impeccablement exécuté par Channing Tatum ou d'une scène de danse aquatique mettant en valeur Scarlett Johansson, ici dans les pas d'Esther Williams reprenant la chorégraphie de La Première Sirène. Un brio visuel qui n'empêche pas les Coen d'imposer leur patte inimitable lorsqu'ils se plaisent à filmer des figurants romains s'ennuyant ferme sur le tournage d'un péplum et complotant contre le pauvre Whitloc. Les réalisateurs font mouche à plus d'une reprise, particulièrement lors d'une séquence hilarante où le grand réalisateur Laurence Laurentz (Ralph Fiennes) doit diriger un jeune acteur venu tout droit du rodéo (formidable Alden Ehrenreich). S’escrimant à lui faire dire correctement une réplique, il va voir sa patience progressivement l'abandonner. 

Alden Ehrenreich et Ralph Fiennes

Les Coen convoquent tour à tour la presse à scandale (Tilda Swinton interprétant des sœurs jumelles), les communistes et les affaires de mœurs dans une intrigue qui n'a qu'un seul fil rouge, Eddie Mannix dont la vie est perpétuellement rythmée par la cadrant de sa montre. Un "fixeur" à qui l'on propose un pont d'or dans l'aviation mais qui préfèrera continuer à faire tourner l'usine à rêves. A l'instar des films qu'il produit, l'homme aime fabriquer des histoires et cette célébration de l'artisanat hollywoodien est au cœur de l’œuvre des Coen. Alors que Barton Fink était broyé par le cynisme et la cupidité de l'industrie du cinéma, les personnages d'Ave, César ! acceptent tant bien que mal ses règles impitoyables, au risque parfois d'en mourir (l’irrésistible scène avec la monteuse Frances McDormand). 

Certes, le film comprend trop de personnages, certains étant sacrifiés à l'image de Ralph Fiennes ou Jonah Hill, et se termine un peu en queue de poisson. Mais on pardonnera aux frères Coen ces faiblesses (relatives) car ils ont réussi une fois encore à nous embarquer dans leur univers où la politique et la religion n'ont jamais paru aussi indissociables. La Mecque du cinéma peut décidément accomplir des miracles.

Antoine Jullien 

États-Unis / Grande-Bretagne - 1h40 
Réalisation et Scénario : Joel et Ethan Coen 
Avec : Josh Brolin (Eddie Manix), George Clooney (Baird Whitlock), Alden Ehrenreich (Hobie Doyle), Tilda Swinton (Thora et Thessaly Thacker). 

Disponible en DVD et Blu-Ray chez Universal Pictures

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