vendredi 27 mai 2016

Cannes - Reprises de la Quinzaine des Réalisateurs et Un Certain Regard


Comme chaque année, les cinéphiles qui n'ont pas pu découvrir les films à Cannes peuvent se rattraper grâce aux reprises des longs métrages de la Quinzaine des Réalisateurs et Un Certain Regard.

Divines d'Ouda Benyamina, lauréat de la Caméra d'Or

Le Forum des Images propose une nouvelle fois la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs avec au programme le primé Divines d'Ouda Benyamina, lauréat de la Caméra d'Or, le film d'animation Ma Vie de Courgette qui a créé un véritable emballement, le documentaire Risk de Laura Poitras (la réalisatrice oscarisée de Citizenfour) consacré à Julian Assange mais également les nouveaux films de réalisateurs reconnus comme Pablo Larrain (Neruda), Alejandro Jodorowsky (Poésie sans fin) et Paul Schrader (Dog Eat Dog).

La belle programmation concoctée par Edouard Waintrop, à (re)découvrir jusqu'au 5 juin, devrait à nouveau attirer les foules et connaître le même succès que l'an dernier, le Forum des Images enregistrant un record de fréquentation avec près de 9000 spectateurs. 

The Happiest Day in the life of Olli Mäki, Prix Un Certain Regard

La section à Certain Regard est elle à découvrir au cinéma Le Reflet Médicis jusqu'au 31 mai. Au programme, la magnifique Tortue Rouge de Michael Dudok de Wit dont nous avons déjà dit tout le bien dans nos chroniques (voir la vidéo) et qui reçu le prix spécial du jury, un bon thriller, Hell or High Water de David MacKenzie (interview du cinéaste à retrouver prochainement), The Happiest Day in the life of Olli Mäki du réalisateur finlandais Juho Kuosmanen, lauréat du Prix Un Certain Regard, ainsi que plusieurs longs métrages tricolores remarqués comme La Danseuse de Stéphanie Di Giusto et Voir du Pays de Delphine et Muriel Coulin.

Reprise de la Quinzaine des Réalisateurs au Forum des Images jusqu'au 5 juin
Forum des Halles, 2 rue du Cinéma - 75001 Paris
Informations : http://www.forumdesimages.fr/les-programmes/reprise-quinzaine-2016
 
Reprise Un Certain Regard au Reflet Médicis jusqu'au 31 mai
3, rue Champollion - 75005 Paris
Informations : http://reflet.cine.allocine.fr/

mercredi 25 mai 2016

Mon Cinématographe à Cannes - Le palmarès des oubliés



Le 69ème festival de Cannes s'achève sur un palmarès très discutable. En effet, les choix de George Miller et de son jury posent question. Comment le lourdingue et interminable American Honey d'Andrea Arnold a-t-il pu décrocher le prix du jury ? Que la comédienne de Ma'Rosa, Jaclyn Jose, ait été préférée à Isabelle Huppert, Sandra Hüller ou Sonia Braga, laisse pantois. 

Quelques lots de consolation tout de même dont le prix de la mise en scène décerné à Cristian Mungiu pour son brillant Baccalauréat, bien qu'il doive le partager avec Personal Shopper d'Olivier Assayas. 

Xavier Dolan poursuit son ascension irrésistible en glanant cette fois le Grand Prix du Jury pour son adaptation de la pièce de Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, qui nous a laissé un sentiment mitigé mais qu'il faudra sans doute rejuger sur pièce lors de sa sortie le 21 septembre.

Moi, Daniel Blake de Ken Loach, Palme d'Or 2016

Quant à la Palme d'or, on ne pouvait imaginer choix plus consensuel que Moi, Daniel Blake qui permet à Ken Loach de rejoindre le cercle très fermé des cinéastes doublement palmés. Le film, sur la lutte d'un homme contre les aberrations des services sociaux britanniques, est une œuvre qui en a ému beaucoup mais qui nous a gêné par son aspect manichéen et compassionnel. 

Les oubliés sont légion et on a une pensée particulière pour Park Chan Wook, Paul Verhoeven, Jeff Nichols et Jim Jarmusch qui auraient largement mérité une place au sein du palmarès. Sans parler de Toni Erdmann, le coup de cœur de la presse et des festivaliers, qui repart inexplicablement bredouille.

Boudés par le jury, ces films seront, on l'espère, réévalués par le public dans les mois à venir.

Antoine Jullien


Palmarès du 69ème Festival de Cannes

Palme d'Or
MOI, DANIEL BLAKE de Ken Loach (sortie le 26 octobre)

Grand Prix
JUSTE LA FIN DU MONDE de Xavier Dolan (sortie le 21 septembre)

Prix de la mise en scène (ex-equo)
BACCALAUREAT de Cristian Mungiu (sortie le 7 décembre)
PERSONAL SHOPPER d'Olivier Assayas (sortie le 14 décembre)

Prix d'interprétation masculine 
SHAHAB HOSSEINI dans LE CLIENT d'Asghar Farhadi (sortie le 9 novembre)

Prix d'interprétation féminine
JACLYN JOSE dans MA'ROSA de Brillante Mendoza (sortie le 30 novembre)

Prix du scénario
LE CLIENT d'Asghar Farhadi

Prix du Jury
AMERICAN HONEY d'Andrea Arnold

Caméra d'Or
DIVINES d'Ouda Benyamina (sortie le 31 août)

dimanche 22 mai 2016

Mon Cinématographe à Cannes - Les derniers films de la compétition



La compétition se termine un peu péniblement avec la présentation du nouveau film de Sean Penn. Les ricanements entendus dès le générique d'ouverture laissaient craindre le pire mais on imaginait pas que le réalisateur d'Into The Wild soit capable de commettre un tel ratage. The Last Face est un navet très embarrassant dans lequel sont embarqués les pauvres Javier Bardem et Charlize Theron qui interprètent des médecins humanitaires dans une Afrique en proie au chaos. 

The Last Face de Sean Penn

Mal dirigés, ils semblent totalement égarés et sans doute vaguement consternés devant l’accumulation de clichés déversée par le réalisateur, noyée dans une esthétique grossière du plus mauvais effet. Le long métrage regorge également de moments involontairement drôles et de répliques pas possibles déclamées par un Jean Reno des très mauvais jours. Sean Penn aurait du s'abstenir de venir sur la Croisette, récoltant les plus gros quolibets de ce festival. 

The Neon Demon de Nicolas Winding Refn

Le réalisateur Nicolas Winding Refn poursuit dans sa veine expérimentale en proposant un film d'horreur, The Neon Demon, sur l'ascension fulgurante d'une jeune mannequin à Los Angeles. Elle va devoir affronter la concurrence de ses rivales et la férocité d'un milieu impitoyable. 

On ne peut pas nier le talent plastique du réalisateur de Drive, créateur d'images mentales assez stupéfiantes. Mais sa vision cauchemardesque du monde de la mode tourne à vide et son formalisme obsessionnel finit par irriter. George Miller, le président du Jury, pourrait toutefois ne pas être insensible à cette radicalité qui a profondément divisé les festivaliers. 

La Tortue Rouge de Michael Dudok de Wit

La révélation de ce festival est venue de la section Un certain Regard avec le film d'animation La Tortue Rouge de Michael Dudok de Wit, connu jusqu'à présent pour ses courts métrages. L'histoire d'un naufragé sur une île déserte, entouré d'oiseaux, de crabes et de tortues. 

Le film, dépourvu du moindre dialogue, évoque le cycle de la vie de manière poétique, avec une grâce folle, et bénéficie d'un superbe travail d'animation où se mélange la 3D et le dessin au fusain. Une œuvre émouvante et mystérieuse à découvrir d'urgence dans les salles dès le 29 juin.

Elle de Paul Verhoeven

Heureusement, le festival s'achève sur une bonne note grâce à Paul Verhoeven qui réussit un thriller particulièrement tordu et jouissif, Elle, adapté d'un roman de Philippe Djian. On en reparlera plus longuement lors de sa sortie le 25 mai mais on peut d'ores et déjà affirmer qu'Isabelle Huppert trouve ici l'un de ses meilleurs rôles. 

Verhoeven sauve donc une compétition décevante où les grands auteurs n'auront fait que balbutier, répétant les mêmes motifs sans les renouveler, et les petits nouveaux plutôt avares en stimulantes propositions de cinéma. Un choix cornélien s'annonce donc pour le jury tant cette sélection n'a pas délivré de grands films indiscutables et indiscutés. 

Antoine Jullien

samedi 21 mai 2016

Mon Cinématographe à Cannes : Mungiu brille, Dolan décline



La compétition vit sa dernière ligne droite et Cristian Mungiu vient de la faire soudainement monter d'un cran avec la présentation de Baccalauréat. Le réalisateur, lauréat de la Palme d'Or en 2007 pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours, raconte l'histoire d'un médecin qui a mis tout en œuvre pour que sa fille soit acceptée dans une prestigieuse université anglaise. Elle doit pour cela accomplir une dernière formalité : passer son bac. Mais elle est brutalement agressée et le précieux sésame devient soudain inaccessible. 

Baccalauréat de Cristian Mungiu

On est une fois encore frappé par l'acuité du regard de Cristian Mungiu qui à aucun moment ne juge ses protagonistes. Il filme des petites compromissions, en apparence anodines, qui vont avoir des répercussions importantes sur le personnage et ses proches. Le cinéaste évoque finement le libre arbitre et nos intentions parfois louables qui peuvent se retourner contre soi, au milieu d'une intense zone de gris. Mungiu offre également un portrait différent de la Roumanie, moins désespéré, où la jeunesse veut lutter contre les démons de la corruption. On voit mal comment le cinéaste pourrait être absent du palmarès. 

Juste la fin du monde de Xavier Dolan

Deux ans après le triomphe cannois de Mommy qui lui avait valu le prix du jury et un grand succès public, Xavier Dolan redescend d'une marche avec son adaptation de la pièce de Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde, qui réunit un casting tricolore impressionnant : Vincent Cassel, Marion Cotillard, Léa Seydoux, Nathalie Baye et Gaspar Ulliel se débattent dans un règlement de comptes familial qui voit un homme revenir auprès des siens après douze ans d'absence pour leur annoncer sa mort prochaine. 

Le film n'a pas la puissance émotionnelle de Mommy même si Xavier Dolan a l'intelligence de ne pas le surcharger de son style tellement identifiable. Mais on ne s'attache pas véritablement aux personnages et l'on ne comprend pas certains choix du cinéaste, comme le look extravagant de Nathalie Baye. Même s'il recèle de beaux moments, le film ne parvient pas à nous emporter, nous laissant un peu sur notre faim. Il aura sans doute droit à une deuxième chance lors de sa sortie en salles prévue le 21 septembre. 

Antoine Jullien

vendredi 20 mai 2016

Mon Cinématographe à Cannes - Robert De Niro présente Hands Of Stone



Le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémeaux, a souhaité rendre hommage à Robert De Niro avec la présentation, Hors Compétition, de Hands Of Stone de Jonathan Jakubowicz qui revient sur la carrière du boxeur panaméen Roberto Duran. De Niro campe Ray Arcel, l'entraîneur du champion interprété par l'acteur de Carlos, Edgar Ramirez.

Hands Of Stone de Jonathan Jakubowicz

A mille lieux de la puissance d'un Raging Bull, le film, honnête, se laisse voir même si la mise en scène lourdingue le dessert grandement, amplifié par un montage frénétique. Après une série de films indignes, dont le dernier en date, Dirty Papy, semblait définitivement l'entraîner dans l'abime, De Niro fait cette fois bien le job, tout en sobriété. On ne peut s'empêcher d'être (encore) impressionné par ce monstre sacré, président du jury en 2011, et qui trouve dans le Festival de Cannes un reflet glorieux de ses grandes œuvres passées. L'annonce, au Marché du Film, de la production de The Irishman, le futur projet de Martin Scorsese, conjuguera peut-être cela au présent.

Aquarius de Kornel Mendonça Flhlo

Le vent du Brésil a soufflé sur la compétition avec la présentation de Aquarius de Kleber Mendonça Filho. L'histoire d'une femme d'une soixantaine d'années qui vit dans un immeuble plutôt cossu de Rio, menacé d'être racheté par un promoteur insistant. Elle va résister et lutter pour ne pas le vendre.

Le cinéaste, découvert avec Les Bruits de Récife, signe un assez beau film sur l'héritage et les souvenirs qu'on ne veut pas laisser derrière soi, dressant aussi une critique sous-jacente de la bourgeoisie brésilienne, pétrie de contradictions. Il est dommage que le film soit trop long (il aurait pu être amputé d'une demi-heure) et finisse par s’essouffler, répétant les mêmes principes de mise en scène jusqu'à l'excès. Mais Sonia Braga irradie le film de sa présence et les plans sur son visage sont les plus beaux qu'on ait pu voir durant ce festival. Elle est désormais l'une des grandes favorites pour le prix d'interprétation.

Antoine Jullien

mercredi 18 mai 2016

Mon Cinématographe à Cannes : Assayas sifflé, Nichols inspiré, Almodovar fatigué



Cannes ne serait pas Cannes sans ses sifflets qui accompagnent les fins de projections. On se souvient l'an passé de l'accueil catastrophique (et mérité) réservé à Nos Souvenirs de Gus Van Sant. La vindicte a cette fois frappé Olivier Assayas qui présentait son nouveau long métrage en compétition, Personal Shopper. Kristen Stewart interprète une américaine vivant à Paris qui s'occupe de la garde robe d'une célébrité. Elle est surtout de plus en plus troublée par la présence de son frère disparu dont l'esprit l'envahit peu à peu. 

Personal Shopper d'Olivier Assayas

Assayas ne semble lui-même pas très convaincu par son intrigue, terriblement flottante. Le réalisateur tente vainement de s'accaparer le genre fantastique avec un sérieux qui frise le foutage de gueule, tombant dans le grotesque à plus d'une reprise et incapable de provoquer le moindre mystère. Descendu enfin brutalement d'un piédestal bien trop grand pour lui, il conclue tristement une moyenne sélection française.

Julieta de Pedro Almodovar

Empêtré ces dernières semaines dans des affaires extra cinématographiques, Pedro Almodovar est bien venu à Cannes défendre son dernier opus, Julieta, dans lequel son héroïne veut renouer avec sa fille qui refuse de la voir depuis plusieurs années.

On aime tant le cinéma d'Almodovar et les œuvres majeures qui le jalonnent que l'on se sent cette fois  un peu trop en terrain connu. Beaucoup moins ambitieux visuellement et narrativement que Parle avec Elle ou La Mauvaise Education, Julieta est victime d'un scénario assez plat et linéaire. Même s'il filme toujours aussi bien ses actrices, le cinéaste veut traiter de nombreux thèmes (l'abandon, la culpabilité, le deuil), sans en transcender aucun. Malheureusement pour lui, il risque une fois encore de repartir de la Croisette sans la fameuse Palme d'Or. 

Loving de Jeff Nichols

Loving de Jeff Nichols était l'un des films les plus attendus de la compétition. Il relate le combat véridique mené par Mildred et Richard Loving. Nous sommes en 1958. Lui blanc, elle noire, ils décident de se marier. Mais l'état de Virginie où ils s'installent interdit cette union et les poursuit en justice. Le couple est condamné à une peine de prison, avec suspension de la sentence à condition qu'ils quittent l'état. Considérant qu'il s'agit d'une violation de leurs droits civiques, ils iront jusque devant la Cour suprême qui, en 1967, casse la décision de la Virginie. 

En l'espace de quelques films (Take Shelter, Mud, Midnight Special), Jeff Nichols est devenu un auteur majeur. D'où peut-être la déception ressentie par certains qui n'ont pas eu le droit à l'immense film qu'ils convoitaient. Il suffit pourtant d'observer avec attention la mise en scène du cinéaste pour constater à quel point son beau classicisme tranche avec l'académisme. Nichols évite une fois encore les scènes à faire et les passages obligés, transformant un sujet édifiant en un portait intime d'un couple qui va continuer à s'aimer malgré leur chemin semé d'embûches. A la différence d'un Ken Loach, le récit, pudique, refuse l'aspect victimaire et compassionnel qu'un tel scénario pouvait laisser craindre. Mais Jeff Nichols doit prendre garde s'il ne veut pas perdre la singularité qui avait fait le prix de ses précédents films, ici légèrement émoussée. Il reste toutefois un directeur d'acteur hors-pair, formant à l'écran un couple poignant campé par Joel Edgerton et Ruth Negga.

Antoine Jullien

lundi 16 mai 2016

Mon Cinématographe à Cannes : Les premiers éclats de rire du festival


Au festival de Cannes, il est rare de rire aux éclats durant les projections. On doit ce petit miracle à un long métrage que l'on attendait pas vraiment, Toni Erdmann de la réalisatrice allemande Maren Ade, présenté en compétition et qui est sans conteste la première excellente surprise du festival. 

Tonie Erdmann de Maren Ade

Malgré les 2h42 de projection, on ne s'ennuie pas une seconde devant cette relation conflictuelle entre un père un peu brindezingue et sa fille, working girl très stressée. Le film, surprenant et imprévisible, regorge d'instants saugrenus et hilarants, à l'image de cet homme farfelu qui aime endosser différents personnages. Sa fantaisie très contagieuse va finir par atteindre sa fille et leur permettre, à l'un et à l'autre, de se retrouver. Malgré un épilogue un peu démonstratif et inutile, le film a été très applaudi et figure déjà en bonne place au palmarès, notamment pour son formidable duo d'acteurs, Sandra Muller et Peter Simonichek (sortie le 17 août). 

Mal de Pierres de Nicole Garcia

Pour la cinquième année consécutive, Marion Cotillard présente un film en compétition. Mal de Pierres de Nicole Garcia est l'adaptation du roman de Milena Angus, l'histoire d'une femme tourmentée dans la France des années 50 qui va accepter d'épouser un ouvrier agricole puis connaître une passion amoureuse avec un soldat revenu de la guerre d'Indochine. 

L'aspect romanesque du film, très retenu, est assez réussi, et convient bien au cinéma de Nicole Garcia qui aime privilégier la psychologie de ses protagonistes. Marion Cotillard, tout en intériorité, livre une belle prestation, bien entourée par ses partenaires dont Louis Garrel qui s'affine de film en film. Mais victime d'une forme un peu trop classique et de rebondissements pas toujours crédibles, le film n'a pas provoqué notre emballement mais pourrait bien séduire le public lors de sa sortie prévue le 19 octobre. 

Mademoiselle de Park Chan-Wook

Park Chan-Wook était lui très attendu en compétition. Le réalisateur de Old Boy signe son premier film d'époque dont l'action se déroule dans les années 30, à l'époque où la Corée était occupée par le Japon, narrant les manigances d'un escroc qui engage une jeune femme pour être la servante d'une riche héritière qui vit dans un immense manoir reculé. 

Une œuvre passionnante sur la manipulation et les faux-semblants dans laquelle Park Chan-Wook se renouvelle, délaissant un temps sa violence graphique pour une explosion de sensualité qui envahit tous les pores de l'image. Un film de pure mise en scène, au scénario retors et brillant, qui mériterait lui aussi de se retrouver au palmarès (sortie le 5 octobre).

Antoine Jullien

dimanche 15 mai 2016

Mon Cinématographe à Cannes : Luchini irrésistible, Spielberg en petite forme


Le festival de Cannes se poursuit avec deux fortes personnalités du monde du cinéma. 

Le Bon Gros Géant de Steven Spielberg

La légende Steven Spielberg, président du Jury de l’édition 2013, est venu présenter Hors Compétition Le Bon Gros Géant, une nouvelle adaptation du roman de Roald Dahl, soit l'histoire d'amitié entre une petite fille et un géant dans le monde merveilleux et dangereux de ces imposantes créatures. 

A contrario de Charlie et La Chocolaterie, aucune trace ici de bizarrerie dans une lecture d'un conte que Spielberg définit lui-même comme dénué de tout cynisme. Si la réalisation est techniquement irréprochable, utilisant le même procédé de performance capture que Les Aventures de Tintin, l'ensemble, beaucoup trop lisse, ne soulève pas l'enthousiasme. Même si le réalisateur de Jurassic Park n'a plus rien à prouver, il a perdu un peu de sa magie (sortie le 20 juillet).

Ma Loute de Bruno Dumont

La série P'tit Quinquin avait marqué un virage dans la carrière de Bruno Dumont. Connu jusqu'alors pour être un cinéaste excessivement austère et cérébral, il développait une nouvelle facette empreinte de burlesque et de douce folie. Avec Ma Loute, présenté en compétition, il poursuit dans la même veine, mélangeant comédiens non-professionnels et vedettes (Fabrice Luchini, Juliette Binoche, Valéria Bruni-Tedeschi), les réunissant dans le Nord de la France du début du XXème siècle. 

Hélas, Bruno Dumont échoue cette fois dans son entreprise. Les figures comiques se répètent inlassablement, l'intrigue, absconse, s'égare, et les comédiens attendus sont soit sous-exploités, soit dans une outrance bien vite fatigante. Déployant la même vision dégénérée du Nord où le cannibalisme et l'inceste cohabitent tant bien que mal, le cinéaste, malgré quelques éclats, délivre un film tristement interminable, transformant le spectateur en dindon d'une farce poussive et finalement assommante (en salles depuis le 13 mai). 

La vraie curiosité vient de Fabrice Luchini qui pour la première fois endosse un vrai rôle de composition. Nous avons demandé à l'acteur s'il comptait renouveler l'expérience. Il nous a répondu à sa manière, drôle et inspirée, évoquant tour à tour Mon Cinématographe et les apéros, dans un numéro irrésistible.

Antoine Jullien

vendredi 13 mai 2016

Mon Cinématographe à Cannes - Woody, Julia et une certaine verticalité



Mon Cinématographe, en partenariat cette année avec CineCinephile.com, vous fait vivre le festival de Cannes à travers ces chroniques vidéo sur les temps forts et les films de la sélection.

Kristen Stewart et Jesse Eisenberg dans Cafe Society présenté en ouverture

Pour la troisième fois après Hollywood Ending et Minuit à Paris, Woody Allen a ouvert les festivités avec Cafe Society qui se situe dans le Hollywood et le New-York des années 30. Il raconte l'histoire d'un jeune homme (Jesse Eisenberg) qui étouffe dans sa famille et qui veut tenter sa chance dans la grande Mecque du cinéma. Il va être épaulé par son oncle (Steve Carrell), un très influent agent de stars, et tombé amoureux de sa secrétaire (Kristen Stewart). Un triangle amoureux s'amorce avant que les désillusions ne prennent le dessus. 

Esthétiquement, Cafe Society est sans conteste l'un des plus beaux films de Woody Allen, grâce notamment au travail du grand chef opérateur Vittorio Storaro, magnifié par la mise en scène très aérienne de cinéaste qui a confectionné un très bel écrin. Si l'on est en terrain connu, ce film, à la discrète mélancolie, semble plus personnel que les dernières œuvres du réalisateur de Manhattan. Un bon cru à déguster en salles dès maintenant. (sortie depuis le 11 mai).

Rester Vertical d'Alain Guiraudie, présenté en compétition

L'Inconnu du Lac ne nous avait pas subjugué. On était donc assez circonspect devant le nouveau long métrage d'Alain Guiraudie, Rester vertical, présenté en compétition. Pourtant, sa loufoquerie, son audace et sa volonté farouche de faire un autre cinéma nous ont séduit. La manière qu'il a de filmer la nature, parfois à la lisière du fantastique, et sa faculté de valoriser des vraies gueules de cinéma, interpellent. Moins cru et plus touchant que son film précédent, Rester Vertical, même s'il agace par endroits et ne réussit pas tout ce qu'il entreprend, pourrait ne pas laisser le jury de marbre (sortie le 24 août). 

Money Monster de Jodie Foster, présenté Hors Compétition

En ce début de festival, le glamour a déjà toute sa place sur la Croisette grâce à la présence de Julia Roberts, venue présenter Hors Compétition Money Monster de Jodie Foster, en compagnie de George Clooney qui campe le présentateur d'un show très populaire sur Wall Street et qui se retrouve pris en otage par un homme qui l'accuse de l'avoir ruiné. Modeste dans ses intentions et sagement mis en scène, le film est cependant rondement mené, se laissant voir avec un plaisir certain. (sortie le 12 mai).

Antoine Jullien

mercredi 4 mai 2016

L'expo James Bond

 
James Bond se dévoile à l'occasion d'une exposition à la Grande Halle de la Villette qui retrace plus de 50 ans des aventures de l'agent le moins secret du monde. 

Une impressionnante collection de costumes, décors, gadgets et accessoires nous replongent dans cette saga mythique qui a vu six acteurs enfiler le fameux smoking (Sean Connery, George Lazenby, Roger Moore, Timothy Dalton, Pierce Brosnan, Daniel Craig) dans 24 épisodes, de Dr. No en 1962 à Spectre en 2015. 

Parmi les nombreux objets exposés, on peut retrouver le pistolet d'or de Scaramanga, le bikini d'Ursula Andress, les mâchoires de Requin ou la célèbre Aston Martin. 

 
L'exposition rend spécialement hommage aux équipes techniques et artistiques des James Bond, notamment le travail du chef décorateur Ken Adam, également connu pour sa collaboration avec Stanley Kubrick. 

Une visite chic et glamour en compagnie de Laurent Perriot, spécialiste des James Bond et porte-parole de l'exposition. 

Exposition James Bond à la Grande Halle de la Villette jusqu'au 4 septembre.
Renseignements :  https://lavillette.com/evenement/james-bond-007-lexposition/

Dalton Trumbo

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Loin du strass et des paillettes, Hollywood a vécu des heures sombres au moment de l’après-guerre. La Guerre Froide battait son plein et le péril rouge était dans toutes les têtes, au point de la faire perdre à certains, à commencer par le sinistre sénateur John McCarthy. La création de la commission des activités anti-américaines avait pour but de débusquer les citoyens aux sympathies communistes. De nombreux acteurs, réalisateurs et producteurs sont publiquement critiqués. Parmi eux, dix scénaristes prestigieux refusent de répondre à la moindre question de la commission, contestant sa légitimité, dont un certain Dalton Trumbo. C’est à cette personnalité pleine de contrastes que le réalisateur Jay Roach consacre un biopic très éclairant sur une époque éprise de paranoïa aiguë.

Accusé d’être un communiste alors qu’il est au faîte de sa gloire, Dalton Trumbo est emprisonné puis placé sur la Liste Noire. Il lui est désormais impossible de travailler. Grâce à son talent, sa persévérance et au soutien inconditionnel de sa famille, il va contourner cette interdiction. 

Bryan Cranston

La mise en scène classique et sobre de Jay Roach, qui s’était déjà intéressé à la chose politique dans le téléfilm Game Change sur la campagne présidentielle de Sarah Palin, sert au mieux le très bon scénario de John McNamara qui explore finement la personnalité de Dalton Trumbo, incarné à la perfection par Bryan Cranston (nommé à l’Oscar pour ce rôle), tout juste revenu de la série Breaking Bad. Un homme pétri de contradictions, membre du Parti Communiste tout en étant le scénariste le plus riche d’Hollywood qui va, au fil des épreuves, se montrer plus pragmatique et moins idéologue que ses collègues, tout en gardant ses convictions intactes. Un homme irascible avec les siens, obsédé par son travail et meurtri de devoir rédiger des scripts sous des pseudonymes, d’abord pour une série de films fauchés avant d’être couronné anonymement aux Oscars grâce à Vacances Romaines et Les Clameurs se sont tues

Michael Stuhlbarg et Bryan Cranston

Sa réhabilitation viendra en grande partie de Kirk Douglas qui lui confie le scénario de Spartacus. L’histoire de cet esclave qui se libère de ses chaînes trouve une résonance évidente dans le parcours de Dalton Trumbo qui pourra, grâce à ce film, enfin signer de son vrai nom. Mais il aura dû affronter des adversaires farouches, notamment la redoutable chroniqueuse mondaine Hedda Hopper (Helen Mirren), au pouvoir de nuisance considérable, et ceux qui l’ont trahi comme l’acteur Edward J. Robinson (Michael Stuhlbarg) qui a livré son nom à la commission.

Le film décrit une atmosphère de suspicion généralisée, au bord de la folie, où certaines légendes d’Hollywood n’en sortent pas grandies (John Wayne en pathétique héraut de la sauvegarde du patriotisme yankee), et brille particulièrement par son humour avec les piquantes saillies de Trumbo et l’irrésistible John Goodman en producteur de séries Z ayant réellement existé, hilarant lorsqu’il évoque le script du Martien et la Fermière qu’un scénariste voudrait rendre plus politique. Malgré lui, il relancera Trumbo qui sera finalement couvert d’honneur et entraînera le déclin de la Liste Noire. Un happy-end réjouissant pour un film passionnant de bout en bout mais qui ne doit pas faire oublier tous ceux mis injustement au ban des accusés dont la carrière a été broyée à jamais.  

Antoine Jullien

Etats-Unis - 2h01
Réalisation : Jay Roach - Scénario : John McNamara
Avec : Bryan Cranston (Dalton Trumbo), Diane Lane (Cleo Trumbo), Helen Mirren (Hedda Hopper), Elle Fanning (Nikola Trumbo), Michael Stuhlbarg.

Disponible en DVD et Blu-Ray chez TF1 Vidéo.