mardi 31 mars 2015

Les premières images de Spectre

 
James Bond est de retour ! Trois ans après le grandiose Skyfall, le plus gros succès critique et public de la saga, Daniel Craig enfile à nouveau le costume du célèbre agent secret dans une aventure qui se tourne actuellement aux quatre coins du monde. Après l'Autriche et l'Italie, l'équipe du film est en ce moment au Mexique pour une séquence qui, dixit le producteur Michael G.Wilson dans un entretien au magazine Empire, "sera la plus grande scène d'ouverture de la saga jamais tournée, et peut-être même la plus grande séquence jamais tournée".

Le réalisateur Sam Mendes reprend les commandes de ce 24ème épisode, intitulé Spectre, qui verra 007 affronter une puissante organisation criminelle, justement baptisée... Spectre. Les premières images qui viennent d'être dévoilées donnent le ton de ce nouvel opus, noir et mystérieux. Le reste du casting est composé de Christoph Waltz qui interprète le méchant (espérons le moins cabotin que dans Big Eyes), Ralph Fiennes, Ben Whishaw et Naomi Harris, déjà présents au générique du film précédent. La touche glamour sera assurée par Monica Bellucci et Léa Seydoux.

Il faudra patienter jusqu'au 11 novembre pour découvrir dans les salles Spectre qui aura la très lourde  tâche d'être à la hauteur de Skyfall. A la vue de ce teaser, on est plutôt confiants !

lundi 30 mars 2015

Diversion

 
Les films d’arnaque sont rares au cinéma et souvent ratés. Pourtant, ce genre est sans doute l’un des plus jubilatoires pour le spectateur mais aussi pour le réalisateur. Car l’objectif pour lui n’est ni plus ni moins que d’escroquer son propre public, de le forcer à voir son œuvre par le prisme du mensonge et de la manipulation pour finalement lui révéler LA vérité de l’ensemble en le clouant à son siège. Ayant toujours un coup d’avance, il tient en haleine un public heureux de se prêter au jeu.

C’est avec ce genre que Will Smith cherche à revenir au premier plan après l’échec total d’After Earth. En endossant le rôle d’un escroc professionnel, joueur par nature, qui tombe amoureux d’une pétillante collègue amatrice (Margot Robbie), l’acteur américain revient sur des bases plus glamour et se taille un costume trois-pièces dans un film qui tente de marcher sur les pas de L’Affaire Thomas Crown (version Norman Jewison ou John McTiernan, les deux sont tout à fait recommandables). Mais Diversion est-il un tour de passe-passe réussi ou une nouvelle désillusion pour l’ex-Prince de Bel Air ?

Will Smith

La première arnaque de ce film est de se faire passer pour un nouveau Ocean’s Eleven alors que Diversion est en fin de compte une simple romance tournant quasi exclusivement autour des deux personnages principaux. Alors certes, ce sont des voleurs, ils expliquent leurs coups, montrent certaines ficelles mais le film refuse de jouer sur les faux-semblants. La jolie voleuse est-elle réellement celle qu’elle dit être ? À quel moment démarre le véritable coup ? Dois-je croire ce qu’on me dit, ce que je vois ? Autant de questions qui n’ont finalement pas lieu d’être puisque le film ne mange pas de ce pain-là. Heureusement, nous avons droit à quelques séquences d’arnaques pures mais elles ne sont jamais véritablement exploitées. La plupart d’entre elles trichent même carrément en ne donnant pas toutes les informations nécessaires au public comme en témoigne l’affrontement final résolu par un retournement de situation poussif et particulièrement grossier. Les nombreux passages où les réalisateurs Glenn Ficarra et John Requa (Crazy, Stupid, Love, I Love you Phillip Morris, Bad Santa) nous expliquent les tours de passe-passe sont très agréables à suivre mais lorsqu’il s’agit pour eux de jouer avec le spectateur, la promesse de la supercherie n’est pas vraiment tenue. 

Margot Robbie

L'autre écueil de Diversion est sa rupture de trame qui divise le film en deux histoires distinctes séparées par une ellipse de trois ans. Ici aussi, pas la peine d’y voir une quelconque manipulation des réalisateurs, tout ceci ne sert qu’à faire évoluer de façon artificielle la relation Will Smith/Margot Robbie sans rien n’amener de plus à une histoire globalement faible. De plus, ce genre de procédé tend à lasser un spectateur qui doit s’intéresser à une nouvelle intrigue, à de nouveaux personnages en ayant l’impression de repartir à zéro. 

Même si Diversion reste un joli bonbon hollywoodien sympathique à regarder, il n’offre rien de véritablement captivant sur la forme en privilégiant son aspect romantique plutôt que d’essayer de travailler un genre particulièrement ludique. On en vient à se demander si l’arnaque promise n’était pas destinée en fin de compte à son propre public.  

Alexandre Robinne

Etats-Unis - 1h45
Réalisation et Scénario : Glenn Ficarra et John Requa 
Avec : Will Smith (Nicky), Margot Robbie (Jess Barrett), Rodrigo Santoro (Garriga), Gerard McRaney (Owens).


mercredi 25 mars 2015

Interview d'Emmanuel Gras pour la sortie de 300 Hommes

 
300 Hommes est un documentaire admirable, une plongée incroyablement humaine dans un centre d'hébergement d'urgence à Marseille, nous dévoilant une réalité crue que l'on ne veut pas voir. Dans ce lieu, des âmes errent dans les couloirs, se rencontrent, échangent, s'affrontent. On ne connaîtra ni le passé ni l'identité de ces hommes venus chercher un toit durant une nuit, un mois, un an mais on aura partagé avec eux un précieux moment de vie. 

Emmanuel Gras, le co-réalisateur du film avec Aline Dalbis, nous parle de cette expérience prégnante et de la juste distance qu'ils ont réussi à garder sur un sujet qui aurait pu verser dans le misérabilisme.


Mon Cinématographe : Quelles sont les origines du projet ?  

Emmanuel Gras : L'origine du projet vient de ma rencontre avec Aline Dalbis. On s'intéressait tous les deux à la question de l'exclusion et des sans-abri à travers des ouvrages de référence, notamment Les Naufragés de Patrick Declerck qui évoque le centre de Nanterre, un accueil d'urgence pour les SDF. Aline avait déjà travaillé dans un centre pour toxicomanes, j'avais de mon côté fait des maraudes avec la Croix-Rouge à Paris. On a donc commencé à travailler sur cette idée-là et c'est en découvrant la fondation St Jean de Dieu à Marseille que l'on a eu envie de réaliser un documentaire sur ce sujet. Ce lieu est particulier, c'est l'un des premiers centres d'hébergement de nuit en Europe, il date du XIXème siècle. Auparavant, il était tenu par des frères et il est aujourd'hui laïc. Surtout, il existe une diversité de population à l'intérieur qui nous a tout de suite fasciné. 

- Comment le personnel du centre a-t-il réagi ? 

On est allé voir le directeur du centre, lui expliquant notre démarche. On n'a pas eu besoin de le convaincre, il était intéressé à l'idée qu'on ne venait pas faire un reportage pendant quelques jours seulement mais qu'on avait l'intention de rester dans le centre durant une longue période afin d'observer la vie qui s'y déroulait. En revanche, il a été plus long de se faire accepter du personnel d'accueil et d'obtenir leur confiance. Très rapidement, on s'est retrouvé témoins de scènes difficiles, notamment à la porte d'entrée où peu exister de grosses tensions puisque les accueillants sont obligés de refuser beaucoup de gens car ils n'ont pas assez de place par rapport à la demande. Ce sont des scènes dures, parfois violentes et ils se demandaient qui nous étions et pourquoi nous filmions. Et du côté des hébergés, beaucoup d'entre eux ne voulaient pas être filmés et sortir la caméra était très compliqué. Finalement, on y est parvenu en restant dans le lieu, en discutant avec les gens et en tissant des liens naturellement. C'était très participatif, on a pu filmer des gens qui avaient envie de collaborer au film. Chacun y trouvait son intérêt, soit parce qu'ils voulaient montrer leurs conditions de vie, qui ils étaient ou tout simplement par sympathie vis-à-vis de nous. Le fait que l'on soit resté longtemps et que l'on soit retourné un deuxième hiver les a rassurés. Ils ont fini par nous prendre au sérieux. La deuxième année de notre présence a d'ailleurs été beaucoup plus facile. Beaucoup de scènes du film ont été tournées durant cette période.


- Aviez-vous dès le départ l'idée de ne privilégier aucun personnage et de ne faire aucune interview ?

On l'avait dès le début mais on ne l'assumait pas totalement. On était tellement pris par une multitude de personnages qu'on avait la sensation d'être perdus. Et on a été tentés de se raccrocher à l'aide d'histoires et de portraits. On avait donc cette idée, on a failli s'en écarter pour finalement y revenir.

- Quelle a été votre méthode de tournage ?

Même si on ne privilégie pas de personnage dans le film, dans la réalité, il y en a avec lesquels on a passé beaucoup de temps. Tous les jours, on retrouvait les mêmes dont un jeune, Romain, avec qui on a créé des affinités réelles. On l'accompagnait régulièrement et des scènes s'inventaient avec lui. On s'est également posé dans un endroit précis du lieu, le hall d'accueil où nous restions plutôt avec l'équipe des veilleurs de nuit. On attendait de voir ce qui allait se passer. Ces scènes-là ont été prises sur le vif. 

- On a le sentiment que les personnes que vous filmez oublient la caméra.

Je dirais plutôt que la caméra a été acceptée. On ne peut pas se faire oublier à cause de la caméra et surtout de la perche qui est encore plus perturbante. Les hébergés savaient qu'on était présent. Vu qu'ils participaient au film, ils nous permettaient d'être les témoins des scènes. C'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas voyeuristes, nous ne filmions jamais en cachette. Les personnes étaient toujours conscientes d'être filmées même si certains étaient un peu alcoolisés. 


- Il y a des moments purement cinématographiques, à la lisière du fantastique, notamment la nuit lorsque l'un des hébergés dit qu'il est un mort-vivant.

On ne peut pas inventer ce qui va se passer mais on savait que la nuit il existait une parole différente de celle de la journée. On allait donc traîner dans les couloirs pour capter des discussions différentes. Et ces deux personnes dont vous parlez, Alain et Sofiane, avaient une parole intéressante, ce sont deux personnes qui aimaient discuter entre elles, et leurs discussions allaient au-delà de celles des autres qui étaient plus terre à terre. Il faut être attentif à l'environnement autour de soi et être placé au bon moment. Pour cette scène, on avait passé la soirée avec eux, ils s'apprêtaient à aller se coucher, l'un d'eux commençait à monter dans les étages tandis que l'autre se tenait en bas de l'escalier. Ils ont commencé à discuter et on s'est dit que ce serait plus intéressant de les filmer de l'autre côté. Je me suis levé, posé à cet endroit et s'est alors déroulé cette scène hallucinante dans laquelle Alain part dans une diatribe qui raconte bien l'esprit du lieu, le risque pour ceux qui y restent trop longtemps de devenir des fantômes. 

- On sort de ce film assez sonné car il est pessimiste. Vous montrez des hommes qui n'ont plus d'identité ni d'échappatoire.

Le constat est noir par rapport à ce que l'on a ressenti et observé et les personnes qui travaillent dans ce centre le ressente également car les sorties positives vers le logement ou le travail sont très rares et fragiles. On ne voulait pas être plus optimistes que la réalité. Le centre contient une population très diverse : des travailleurs pauvres, des immigrés, des vieux retraités, des jeunes de 18 à 25 ans qui sont complètement à la rue, sans diplôme même si certains arrivent à s'en sortir grâce à leur énergie. Et puis ceux qui sont psychologiquement instables, qui n'ont pas de famille et livrés à eux-mêmes. Quand on est dans l'exclusion, c'est très difficile de s'en sortir. Heureusement, toutes les histoires ne sont pas des échecs.

- Au début du film, vous suivez les accompagnants, et particulièrement le directeur de la Fondation, Frère Didier, et au fur et à mesure vous vous concentrez sur les hébergés. Cette trajectoire était-elle délibérée ?

L'idée était de débuter par le fonctionnement du centre, et Frère Didier était un bon guide même si tout ne repose pas sur lui, on voit aussi l'accueil, le self, la cour. Une fois qu'on a compris le fonctionnement du lieu, on souhaitait arriver à des scènes plus personnelles qui dégagent de l'humain. Ce qui nous intéressait n'était pas les informations nées des dialogues mais le dialogue lui-même, le fait que les gens se parlent, la manière dont les choses sont dites, ce qui se passe entre ces personnes à ce moment-là. On voulait oublier tout le côté informatif pour arriver à d'autres ambiances, et pour moi le film commence vraiment au moment où l'on se trouve dans les chambres avec tous ses hommes seuls et leurs pensées. On part d'une extériorité pour arriver à une intériorité. Voilà la trajectoire du film. 


- A la vision de 300 hommes, on ne peut s'empêcher de penser au cinéma de Raymond Depardon. Etait-ce une influence consciente ? 

Quand on fait du documentaire d'observation, Depardon ou Frederick Wiseman sont des références inévitables. Ce que j'aime chez eux, c'est leur observation intense de la réalité, dans sa richesse et ses nuances. Capter un regard, une attitude, c'est la base de notre démarche avec Aline.

- Le film est assez court, le travail de montage a dû être conséquent.

On avait plus de 150 heures de rushes donc on a beaucoup coupé parce qu'on ne voulait surtout pas être redondant. On a fait le choix de raconter le film sur une journée donc ça nous a obligé à être très sélectif.

- Il était tout de même tentant de mettre en valeur certains hébergés, notamment celui qui demande à la responsable de l'accueil qui est l'auteur de la citation : " La vie est un long fleuve tranquille." C'est une personne assez atypique et truculente qui aurait pu devenir un "bon personnage". Et on le voit très peu. 

On l'a filmé plus que d'autres, on avait de nombreuses scènes avec lui. Il racontait des anecdotes avec un vrai talent de narrateur mais le problème est qu'il venait souvent nous parler à nous alors que nous étions dans cette volonté de ne pas montrer d'interviews. On n'a pas pu conserver ces scènes malgré la tentation de les garder. Cela fait partie des difficultés du documentaire. A un moment donné, on a même cru que nous allions réaliser un film sur un seul hébergé mais ce n'était pas le sujet. 

- Votre film a un réel impact. L'avez-vous montré aux pouvoirs publics ou aux institutions ? 

Notre démarche n'est pas militante mais on cherche à questionner. Le film a d'abord été montré à l'accueil de nuit de St Jean de Dieu qui l'a très bien reçu. C'était très soulageant pour nous et assez fort car on a vu qu'ils ont été touchés par notre film qui les interpelle parce qu'ils voyaient les hébergés différemment, les découvrant pour la première fois dans leurs chambres avec leur solitude, là où ils n'ont d'habitude pas accès. Quelques hébergés ont pu également le visionner et ça été fort pour eux de voir leur quotidien à l'écran. Certains auraient voulu que l'on soit plus dénonciateur car ils ont l'impression que ce qu'ils vivent est encore plus dur et violent que ce que l'on montre dans le film car il y a aussi des histoires de racket, absentes du film car elles se passent très discrètement et sont donc très difficiles à filmer. Concernant les pouvoirs publics, des travaux ont été réalisés depuis dans le centre Forbin. A l'époque du tournage, il disposait d'un très petit budget, le personnel se débrouillait avec peu de moyens. On constate une évolution et une prise en compte des problèmes de l'hébergement d'urgence et les associations partenaires de notre film le démontrent. Et tant mieux si 300 Hommes permet de réfléchir à cette réalité difficile.

Propos recueillis par Antoine Jullien

Documentaire français - 1h22
Réalisation : Aline Dalbis et Emmanuel Gras


Bande-annonce : 300 Hommes par PremiereFR

Disponible en DVD chez Blaq Out. 

mardi 24 mars 2015

Le 7ème Festival du Film Policier de Beaune


Le 7ème festival international du film policier de Beaune débute demain et se poursuivra jusqu'à dimanche. Présidé par la réalisatrice Danièle Thompson, le jury devra départager une sélection de huit films qui compte notamment l'espagnol Marshland d'Alberto Rodriguez, grand vainqueur des récents Goyas, les français Jamais de la vie de Pierre Jolivet et La Résistance de l'air de Pierre Grivois, le britannique Hyena de Gerard Johnson et l'allemand Victoria de Sebastian Schipper. 

A noter qu'une sélection Sang Neuf composée de 6 longs métrages sera également proposée au public sous l’œil avisé d'un jury composé de policiers, l'une des spécificités de la manifestation.


Plusieurs personnalités du monde du septième art seront distinguées parmi lesquelles le cinéaste Bertrand Tavernier, auteur de L.627 et Dans la brume électrique, Grand Prix du festival en 2009, l'acteur Claude Brasseur, un habitué des polars et John McTiernan, le réalisateur de Piège de cristal qui continue sa tournée des festivals français après Deauville en 2014.

Le festival met cette année le projecteur sur la ville de Séoul à travers une sélections de polars coréens dont les formidables Memories of Murder de Bong Joon Ho et Old Boy de Park Chan-wook qui ont sensiblement renouveler le genre. 


7ème Festival du Film Policier de Beaune du mercredi 25 au dimanche 29 mars. 
Informations :  http://www.beaunefestivalpolicier.com/

dimanche 22 mars 2015

Big Eyes


On était curieux à l'idée de voir Tim Burton se débarrasser un temps de son univers qui commençait sérieusement à sentir la naphtaline. Le cinéaste était devenu une parodie de lui-même, une marque de fabrique déposée comme une sorte de label sans âme ni aspérité. En s'inspirant d'une histoire vraie, le réalisateur d'Edward aux mains d'argent s'attaque pour la première fois au réel en racontant une imposture qui lui permet de mettre en avant une artiste à la marge, Margaret Keane, snobée et critiquée en son temps pour son supposé mauvais goût comme un certain Ed Wood, le cinéaste le plus nul du siècle dernier auquel Burton rendit un hommage tendre et vibrant. Il retrouve d'ailleurs les mêmes scénaristes, Scott Alexander et Larry Karaszewski, auteurs de biopics politiquement incorrects (Larry Flynt, Man on the moon). Las, malgré ses belles cartes dans sa manche, Tim Burton échoue sur toute la ligne. 

Big Eyes se déroule à l'orée des années 60 en Californie. Après s'être séparée de son premier mari, Margaret, qui vit désormais seule avec sa fille, épouse Walter Keane. Celui-ci remarque très vite les étranges tableaux de Margaret représentant des enfants malheureux aux yeux immenses. L'homme décide alors de s'approprier les œuvres de sa femme en faisant croire au public qu'il en est l'auteur. La supercherie fonctionne et Walter va peu à peu révolutionner le monde de l'art avant que le pot au roses ne soit finalement dévoilé.

Christoph Waltz et Amy Adams

Un tel sujet pouvait donner lieu à un manifeste féministe ou à une réflexion sur l'art. Que nenni ! Même si Walter profite d'une époque où l'on ne prenait pas les femmes artistes au sérieux, cet aspect est très vite éclipsé. Quant à la valeur artistique de Margaret, on sent bien que Tim Burton ne s'y intéresse pas véritablement, se contentant de moquer gentiment les empereurs du bon goût. Surtout, le cinéaste semble craindre la noirceur potentielle de cette histoire et son thème primordial, l'imposture. Le réalisateur a donc préféré l'ensevelir sous un tas de chromos qui devient vite écœurant. Son directeur de la photographie, Bruno Delbonnel (Amélie Poulain, Inside Llewin Davis), enrobe les sixties d'une palette grossière qui rend l'intrigue totalement artificielle. Ainsi, les reflets dans la piscine ou l'utilisation permanente de halos de lumière et de couleurs criardes étouffent le film et précipitent le spectateur dans une bonbonnière indigeste. 


Sa direction d'acteurs n'arrange rien et l'interprétation outrageusement cabotine de Christoph Waltz, à la limite du supportable, enfonce le clou. Un choix d'autant moins judicieux que le personnage de Margaret est censé vivre sous l'emprise de son mari qui est ici dépeint comme un peintre raté, davantage un grotesque bouffon qu'un dangereux manipulateur. On a donc du mal à comprendre l'attitude de cette femme qui devra attendre l'apparition improbable des témoins de Jéhovah pour dénoncer son mari et se réapproprier la paternité de ses tableaux lors d'une parodie de procès qui vire au lamentable vaudeville, heureusement sauvé par la délicatesse d'Amy Adams.   

Durant le déroulé du générique de fin de Big Eyes, on se met soudain à émettre une hypothèse un peu tordue. Et si le film était réalisé par un imposteur qui se serait fait passer pour Tim Burton ? A la vue du résultat, l'analogie est tentante. Mais il s'agirait alors de dédouaner le cinéaste de ce nouveau ratage et force est d'admettre que c'est bien le réalisateur de Sleepy Hollow qui est derrière la caméra, lui qui s'est depuis transformé en vendeur de bonbons acidulés, pas désagréables en bouche mais dont la fadeur finit par laisser un arrière goût amer.

Antoine Jullien

Etats-Unis - 1h46
Réalisation : Tim Burton - Scénario : Scott Alexander et Larry Karaszewski
Avec : Amy Adams (Margaret Keane), Christoph Waltz (Walter Keane), Krysten Ritter (DeeAnn), Danny Huston (Dick Nolan), Terence Stamp. 

Disponible en DVD et Blu-Ray chez Studio Canal.

jeudi 19 mars 2015

La ressortie de Furyo

 
David Bowie et Nagisa Oshima sont tous les deux célébrés, le premier à la Cité de la Musique dans le cadre d'une grande exposition qui lui est consacrée, le second à la Cinémathèque française pour une rétrospective intégrale de son œuvre. Deux grands artistes qui ont uni leur talent pour Furyo qui ressort cette semaine en version numérique 2K, plus de trente ans après sa sortie.

En 1942, dans l'île de Java, des soldats occidentaux sont emprisonnés dans un camp de l'armée japonaise dirigé d'une main de fer par le capitaine Yonoï (Ryuchi Sakamato). Parmi eux, Jake Celliers (David Bowie), un soldat anglais charismatique, trouble l'autorité et les émotions du capitaine. L'étrange relation entre les deux hommes et les discussions éclairées entre le colonel Lawrence et l'extravagant sergent Hara (le premier grand rôle de Takeshi Kitano) figurent une même inspiration : la compréhension et l'entente entre deux cultures que tout oppose.

David Bowie

Nagisa Oshima présente Furyo au Festival de Cannes en 1983. Auréolé du parfum de scandale qu'a suscité L'Empire des Sens, il se lance pour la première fois dans une grande production internationale à l'ambition commerciale assumée. Le cinéaste a l'ingénieuse idée de confronter à l'écran deux pop stars mondiales, d'un côté le chanteur britannique David Bowie, de l'autre le musicien nippon Ryuchi Sakamato qui signera l'inoubliable bande originale du film. Après quelques apparitions au cinéma, Bowie trouve ici son plus grand rôle, éclatant de magnétisme et de mystère dans la peau de ce soldat rebelle qui va doucement dérégler l'ordre établi qui régnait jusqu’à alors dans le campement.

Au-delà du discours homosexuel implicite auquel on a voulu le réduire, Merry Christmas, Mr Lawrence (le titre original, plus éloquent) est une grande œuvre humaniste malgré la violence âpre qui contamine les personnages engourdis par la torpeur de l'île. Le film nous subjugue à plus d'une reprise, comme lors de cette scène où David Bowie est enterré jusqu'au cou, dans la nuit, un papillon blanc sur le front. Un moment de grâce, poétique et tragique dans lequel Celliers attend sa mort prochaine. A Nagisa Oshima, disparu en 2013, de conclure cette œuvre visionnaire : " Les personnages de ce film (...) se séparent au moment même où ils ont accédé à une compréhension mutuelle ; nous autres, nous eûmes la chance de créer quelque chose grâce à notre compréhension mutuelle, et cette expérience se conclut sur la promesse de nous retrouver dans l'avenir."

Antoine Jullien

1983 - Japon / Grande-Bretagne / Nouvelle Zélande - 2h02
Réalisation : Nagisa Oshima - Scénario : Nagisa Oshima et Paul Mayersberg d'après le roman de Sir Laurens Van Der Post
Avec : David Bowie (Celliers), Tom Conti (Lawrence), Ryuichi Sakamoto (Yonoï), Takeshi Kitano (Hara).

Exposition David Bowie Is à la Cité de le Musique jusqu'au 31 mai.
Rétrospective Nagisa Oshima à la Cinémathèque française jusqu'au 2 mai.


mercredi 18 mars 2015

Hacker

 
Les échecs sont parfois étranges et Michael Mann vient d'en faire lourdement les frais. Sorti le même jour qu'un certain American Sniper, Hacker a essuyé une volée de bois vert de la part de la critique américaine et un rejet massif du public. Si le réalisateur de Heat et Révélations n'était pas un habitué des triomphes commerciaux, il n'avait jamais subi un revers aussi cinglant. Quid ? Une absence de star de gros calibre pour entraîner les spectateurs. Ou un désintérêt manifeste pour le hacking à grande échelle, ce sujet tellement contemporain qui a passionné Michael Mann durant des années. 

Très documenté, le scénario de Hacker débute à Hong Kong où une centrale nucléaire a été piratée, provoquant la fissure d'un caisson de confinement et la fusion de son cœur. Les motivations des criminels restent obscures, aucune extorsion de fonds ou de revendication politique n'ont été faites. Un groupe de hauts gradés chinois est chargé de les retrouver, aidé par le FBI à qui ils demandent de libérer un célèbre hacker américain (Chris Hemsworth) détenu en prison et qui pourrait être d'une aide précieuse afin de démasquer l'auteur du logiciel malveillant. Habitué à l'univers carcéral, l'homme va devoir reprendre ses marques avant de traquer ces criminels hyper connectés.

Wei Tang et Chris Hemsworth

Après plusieurs années d'absence, Michael Mann n'a rien perdu de sa superbe avec ce thriller qui est sa plus ambitieuse production à ce jour : 66 jours de tournage dans 74 décors différents et couvrant 4 pays. Lui qui a été un précurseur dans l'utilisation de l'image numérique, l'expérimentant avec plus ou moins de bonheur dans Collateral, Miami Vice et Public Enemies, semble avoir totalement dompté ce procédé en tournant intégralement son nouveau long métrage en digital. La nuit n'a d'ailleurs jamais parue aussi prégnante, notamment dans les nombreuses séquences se déroulant en Asie. Mais il fait preuve également d'une grande maestria dans l'intégration des images de synthèse, à voire l'incroyable séquence d'ouverture qui nous plonge directement dans l'attaque du système informatique de la centrale. Plus qu'aucun autre cinéaste avant lui, Michael Mann nous montre presque physiquement la violence de ce piratage moderne, capable des crimes les plus odieux avec une indécente facilité.

Chris Hemsworth et Michael Mann sur le tournage de Hacker

Le cinéaste est sur un terrain plus connu lorsqu'il filme des séquences de fusillade qui ont fait sa gloire, chaque spectateur ayant en mémoire la scène de braquage de Heat, devenue une référence du genre. Collant sa caméra à ses acteurs comme il l'affectionne depuis plusieurs films, le réalisateur nous embarque littéralement dans des scènes d'action à couper le souffle où le travail sur le son est aussi réaliste que perturbant. Les impacts de balle résonnent à nos oreilles, les douilles crépitent et l'implication du spectateur n'en n'est que plus manifeste. On se laisse littéralement embarqué jusqu'à l'apothéose finale, une séquence se déroulant à Jakarta au cœur d'une impressionnante cérémonie réunissant quelque 3000 figurants vêtus de costumes traditionnels. Malgré son caractère un peu invraisemblable, il s'agit là d'un pur instant de mise en scène, époustouflant de tension et de maîtrise. 

Mais le cinéaste bute sur quelques écueils qui l'empêchent d'accomplir une œuvre majeure. Le personnage interprété par Chris Hemsworth manque d'épaisseur, l'intrigue traîne par endroits et on a surtout l'impression que Michael Mann ne fouille pas suffisamment son sujet, privilégiant l'action au détriment du contenu. Mais il ne méritait certainement pas un tel affront (le film est sorti directement en DVD dans certains pays), et l'on espère qu'il pourra se remettre en selle au plus vite. Au moins pour tous ceux qui aiment un cinéma relié à des problématiques actuelles qui nous dépassent.

Antoine Jullien 

Etats-Unis - 2h13
Réalisation : Michael Mann - Scénario : Morgan Davis Foelh et Michael Mann
Avec : Chris Hemsworth (Nick Hathaway), Leehom Wang (Chen Dawai), Wei Tang (Chen Lien), Viola Davis (Carol Barrett). 

Disponible en DVD et Blu-Ray chez Universal. 


Interview du réalisateur Franco Lolli pour Gente de Bien


Remarqué à la Semaine de la Critique du dernier festival de Cannes, Gente de Bien est le premier long métrage du réalisateur franco-colombien Franco Lolli. Le film suit la relation difficile entre Eric, un jeune garçon de 10 ans, et son père Gabriel chez qui il se retrouve à vivre du jour au lendemain, à Bogota. Voyant que l'homme a du mal à construire cette relation et à subvenir à leurs besoins, Maria Isabel, la femme pour laquelle Gabriel travaille comme menuisier, décide de prendre l'enfant sous son aile.

Chronique du quotidien, Gente de Bien, malgré son très juste regard sur l'enfance, ne bouleverse pas un genre éprouvé, victime d'une mise en scène un peu trop appliquée. Nous avons rencontré Franco Lolli qui nous parle, avec une belle sincérité, des motivations qui l'on conduit à réaliser ce film, de ses inspirations, des œuvres qui l'ont marqué et des cinéastes qui l'ont déçu. Une conversation aussi authentique qu'exaltante. 

 
Mon Cinématographe : Pouvez-vous nous dire en quoi ce film est si personnel ?

Franco Lolli : Tous mes films partent de ma propre histoire, de sentiments très profonds. La première raison pour laquelle ce film est personnel est dans la relation père-fils parce que je n’ai pas connu mon père. J’ai toujours eu cette figure qui trottait dans ma tête que j'avais fini par refouler et cela ne me posait aucun problème. Mais dès que je me mettais à écrire, il n’y avait que des histoires complexes père-fils qui sortaient. Là, j’ai compris qu’il se passait quelque chose. La deuxième raison est que je viens d’un milieu aisé en Colombie mais j’étais toujours considéré comme le pauvre parmi les riches parce que justement je n’avais pas de père et que ma mère était souvent au chômage. Donc on avait un niveau de vie qui n’était pas celui de mes amis qui étaient beaucoup plus riches que moi. Et j’en étais extrêmement complexé. De ces deux sentiments là, celui de n'avoir pas connu mon père et celui d’être complexé par le fait d’être plus pauvre que les autres, est né Gente de Bien, qui est aussi important dans la tentative d'adoption d'Eric par Maria Isabel. Quand j’étais petit, vu que ma mère galérait car elle était toute seule avec moi, j’avais des amis très riches avec qui je partais en vacances dans leurs maisons de campagnes. Comme le personnage d'Eric, j’étais un peu adopté mais je ne me sentais pas tout à fait à ma place. 

-  Le film parle de l’impossible union entre deux classes sociales. Est-ce un point de vue fataliste ou réaliste ?

Je dirais que le film parle d’abord de l’impossibilité de décider d’adopter un enfant de cette façon. S’il s'agissait d’un enfant riche, de la même classe sociale et que la mère de l’enfant était morte dans l’histoire, cela aurait posé exactement les mêmes problèmes, Eric aurait été exclu par les autres enfants mais pas pour les mêmes raisons. Je crois que le plus important est la problématique familiale, on choisit sa famille ou on l'a subit. C’est ici que se situe le centre du film. En Colombie, de manière plus assumée qu’en France, les classes sociales sont séparées de telle façon qu’il n’y a pas de rencontre possible. Et si elle existe, elle sera toujours placée sous le signe de la condescendance d’un côté et de la peur de l’autre. Je pense qu’il faudrait qu’il en soit autrement mais à ce jour je ne vois pas comment ce que je présente dans le film soit vraiment réalisable.

Brayan Santamaria et Carlos Fernando Perez


- Y-a-t-il des films sur l’enfance qui vous ont influencé, que vous aviez dans le coin de la tête pour préparer votre film  ?

Ce sont les films qui ont fait ressurgir mes impressions d’enfance, ceux que j’ai vu quand j’étais enfant et qui m’ont marqué. Cinema Paradiso de Guiseppe Tornatore, une histoire de père de substitution. m’avait beaucoup plu et m’avait fait pleuré. Je sais que Les 400 Coups et L’enfance nue sont là quelque part également mais je crois que Cinema Paradiso est beaucoup plus présent que les autres. Récemment, j'ai découvert un film avec Will Smith, A la recherche du bonheur, qui m’a beaucoup ému alors que tous les gens autour de moi le trouve très niais. C’est un peu un mélodrame à l’italienne avec des bons sentiments qui me touche terriblement en tant qu’enfant qui n’a pas connu son père. 

-  Ces influences sont assez surprenantes car votre film n’est pas du tout dans ce registre mais plutôt dans la veine d’un cinéma naturaliste. Vous n’avez pas l’impression qu’il est difficile de renouveler ce genre un peu rebattu qu’on voit beaucoup en festival et dans le cinéma d’auteur ?

Je n’arrive pas à réfléchir en ces termes-là, je pense que c’est plus un travail de critique. Mon approche à moi est personnelle, le film est une expression de moi-même. Je filme comme je vois et que le résultat ressemble à un autre film ou pas n’est pas vraiment la question. Il faut avant tout qu'il me ressemble. J’ai été très étonné d’avoir été sélectionné à la Semaine de la Critique à Cannes parce que je pensais que les critiques qui choisissent les films n’aimeraient jamais le mien parce que les prix que j’avais reçu pour mes courts métrages m’avaient été remis par des jurys de professionnels et de réalisateurs. Et finalement la critique a été très bonne car Gente de Bien est un film latino américain comme on en voit rarement, un peu tourné comme un film français. Ils ont donc pensé que c’était nouveau à contrario de ceux qui racontent toujours les mêmes problèmes, avec la même approche, les mêmes plans séquences, les mêmes sorties de cadre laissant l’événement majeur hors champ. Tout un tas de clichés d’un certain cinéma d’auteur. J’essaye de ne pas me placer par rapport à la nouveauté mais je sais très bien que certains se diront en voyant mon film qu’ils l’ont déjà vu ailleurs.

Alejandra Borreo (au centre)


- Vous dites avoir eu recours à l’improvisation. Qu’est-ce que cette méthode a changé dans votre direction d’acteurs ?

Je commence à trouver un système qui changera sans doute pour mon prochain film. Je pars d’un scénario écrit avec des dialogues que je ne donne pas aux comédiens car je ne leur livre pas le script, ils s’engagent sans scénario. Je leur ai seulement raconté l’histoire, à l’exception d'Alejandra Borrero (qui interprète Maria Isabel), la seule actrice professionnelle de l'équipe. Ensuite, j’improvise les scènes autour du thème avec un début, un milieu et une fin, d’abord en répétition puis sur le tournage. De ces improvisations se créer un texte qui n’est pas écrit à la virgule mais qui est redit d’une prise à l’autre car je fais beaucoup de prises, certaines sont presque identiques, d’autres complètement différentes. Les dialogues s’écrivent donc dans l’improvisation. D’ailleurs les scènes que je préfère sont celles qui ont été très peu répétées dont celle dans la piscine qui a été tournée pendant une journée. Les enfants connaissaient juste le descriptif de la scène, le fait qu’ils devaient se moquer d'Eric puis le rejeter.

-  Cette scène est intéressante car elle montre un basculement dans le rapport entre les enfants.  Eric devient exclu du groupe. 

Je pense que les enfants sentaient déjà cette distance et lorsqu’ils ont su que Maria Isabel voulait le garder davantage, ils ont voulu l’exprimer naturellement par le rejet, comme une pulsion. Il se trouve que ce qui se passe dans le film s’est déroulé sur le tournage. Les enfants venaient du même milieu social et se connaissaient déjà entre eux et avaient un an de plus que Brayan qui joue Eric. Dès qu’ils se sont retrouvés à la maison de campagne, ils l’ont fortement exclu. J’ai donc joué avec cette situation lors cette journée de tournage qui était la plus dure pour tout le monde, et spécialement pour Brayan. Je les ai donc autorisé à l’exclure comme ils le faisaient tous les jours, leur disant qu’ils pouvaient le faire pendant les prises mais aussi entre les prises alors qu’habituellement je leur disais de ne pas se comporter de cette façon, que c’était de la folie de traiter quelqu’un aussi mal juste parce qu’il venait d’une autre classe sociale. Alors que là je leur ai dit : "Allez-y, amusez-vous !" Cette situation a généré une tension qui existe dans la scène car ce qui se vit est réel. Une méthode qui est assez proche de celle d’un Pialat.

- Mais pas avec la même perversité et le même sadisme que Pialat ?! 

Je crois que Pialat était manipulateur mais la direction d’acteurs, ce n’est que de la manipulation. Après il faut aimer les gens avec qui on travaille. Et pourtant, si vous voyez Sophie Marceau dans Police, bien qu’il l’ait insultée, on voit bien qu’il la filme avec amour. Il existe bien sûr des limites morales et éthiques à la direction d’acteurs mais chacun met la limite là où il l’entend. Est-ce par exemple indécent d’exclure un enfant pendant toute une journée ? Pour moi non. Faire mal physiquement aux acteurs, oui. 



- Vous viviez en France depuis treize ans. Comment revient-on dans un pays où l’on ne vit plus ?

Je réside à nouveau en Colombie depuis le tournage, notamment pour y préparer la sortie prochaine du film. Mais je n’ai jamais été déconnecté. Avant le tournage, j’y retournais une ou deux fois par an. Il est vrai qu’une partie de moi est française, du coup il arrivait que je ne comprenne pas les méthodes de travail des personnes avec lesquelles je travaillais. Le fait que certains arrivent sur un tournage toujours en retard de manière presque maladive est inenvisageable en France. D’un autre côté, je me sens vraiment colombien. J’ai montré mon film à des réalisateurs de ma génération qui l’aiment beaucoup parce qu’ils trouvent que c’est un film pour les colombiens.

- Quels cinéastes vous inspirent aujourd’hui ?


Noah Baumbach dont j’aime beaucoup les films, notamment Frances Ha, j’ai l’impression qu’on l’a vu mille fois et pourtant il y a une sensibilité qui me touche. Terrence Malick, bien sûr, The Tree of life est pour moi le plus grand film depuis Mulholland Drive. J’ai également revu La Vie d’Adèle à qui je reproche beaucoup de choses, notamment sa représentation sociale pleine de clichés mais je le trouve d’une puissance exceptionnelle. J’étais très mitigé la première fois mais avec le temps je commence à me dire que c’est un chef d’œuvre. On a rarement filmé une femme avec autant de force et d’amour. Et pour en revenir à Gente de Bien, je me dis que maintenant j’ai envie de faire des films peut-être avec plus d’erreurs mais aussi avec plus de folie et de désir. Ce que je reproche à mon film est qu’il reste un peu trop sage, il lui manque de l'élan. Quand je vois par exemple Party Girl, je trouve qu’il a davantage d’ampleur.

-  Envisagez-vous de tourner prochainement en France ?

C’est étrange car je suis en train d’écrire l’histoire d’une femme et elles m’inspirent davantage en France qu’en Colombie. Je ne sais pas encore mais ce qui est sûr c’est que je finirai par tourner un film en France car c’est une partie de moi. Mais je suis pour l’instant plus attaché à la Colombie.

-  Et accepteriez-vous une commande ou un projet qui ne vient pas de vous ?

Raging Bull
est un de mes films de chevet et pourtant c’est Robert de Niro qui va voir Martin Scorsese en lui proposant le scénario. Et il devient un film sur Scorsese qui pourtant ne connaissait rien à la boxe. Si un projet comme celui-là (bien que je ne sois pas Scorsese !) parle de moi ou de quelque chose qui m’intéresse profondément, je pourrai le réaliser mais sinon je ne vois pas comment. J’ai des amis qui m’ont proposé des choses, notamment Michel Franco qui a réalisé Despues de Lucia et qui a monté une boîte de production au Mexique. Je ne sais pas si ça se concrétisera.

- A propos du Mexique, les triomphes hollywoodiens d’Alejandro Gonzalez Inarritu et Alfonso Cuaron et leurs sacres aux Oscars ont montré qu’ils n’avaient sans doute plus les moyens de leurs ambitions dans leur pays. Cuaron n’aurait sans doute pas pu réaliser Gravity là-bas. Qu’en pensez-vous ?

Personnellement je préférais quand Cuaron faisait des films au Mexique. Par contre, le passage d’Inarritu aux Etats-Unis lui a fait du bien car c’est un moins bon cinéaste pour moi. Mais je crois qu’au Mexique on peut faire de grandes choses !

- Quel est alors le poids de l’identité d’un cinéaste par rapport à son pays ?

Mon premier court métrage, un film d’école, a été en compétition au festival de San Sebastian et le président du jury était Alfonso Cuaron. Javier Martin du Forum des Images qui a adoré mon film a invité Cuaron a venir le commenter avec moi après la projection face aux étudiants. Et cette question a été posée. Cuaron a répondu qu’il ne voyait aucune différence pour un mexicain de faire un film au Mexique, en France ou aux États-Unis. Alors que lorsque je vois qu’il tourne Y Tu Mama Tambien au Mexique qui raconte ce qu'il connaît et ce qu'il a vécu profondément, cela m’intéresse beaucoup plus que Gravity. L’important est de se retrouver soi-même et l’identité d’une personne passe parfois par la nationalité, parfois non. Tout dépend finalement du cinéaste. 

Propos recueillis par Antoine Jullien 

Colombie - 1h27
Réalisation : Franco Lolli - Scénario : Franco Lolli et Catherine Paillé
Avec : Brayan Santamaria (Eric), Carlos Fernando Perez (Gabriel), Alejandra Borrero (Maria Isabel).



Disponible en DVD chez Ad Vitam.

dimanche 15 mars 2015

Interview de Martti Helde pour la sortie de Crosswind

 
Son nom ne vous dit encore rien et pourtant ce réalisateur estonien de 27 ans vient de frapper un grand coup. Amateur de défis, Martti Helde s'en est lancé un de taille : reconstituer la déportation des Estoniens ordonnée par Staline en 1941 sous la forme de tableaux vivants, en noir et blanc.

En treize plans séquences, Crosswind - La Croisée des Vents suit la destinée d'une femme, Erna, envoyée dans les camps de Sibérie avec sa petite fille, loin de son mari. Afin de faire ressentir au spectateur que le temps s'est arrêté, le jeune cinéaste a voulu figer ses personnages. Une prouesse technique qui lui a demandé quatre années de travail pour un résultat stupéfiant. 

Le réalisateur s'est inspiré de lettres de déportés pour raconter uniquement par la voix d'Erna le drame de toute une nation. Les déportations massives du temps de l'Union Soviétique ont été passées trop longtemps sous silence pour que l'on ne prenne pas le temps de s'arrêter sur ce film rare, une expérience de cinéma aussi démesurée que magistralement accomplie. 

Nous avons pu rencontrer Martti Helde lors du festival Premiers Plans d'Angers où il a été distingué par une mention spéciale du jury, et qui revient avec nous sur le premier grand choc esthétique de l'année 2015. 

Antoine Jullien

Estonie - 1h27
Réalisation et Scénario : Martti Helde
Avec : Laura Peterson (Erna), Mirt Preegel (Heldur), Ingrid Isotamm (Eliide), Einar Hillep (Hermine).  



Disponible en DVD et Blu-Ray chez ARP Sélection.




samedi 14 mars 2015

Night Run

 
La carrière de Liam Neeson est faite de cycles. Après avoir campé le personnage du mentor pour Hollywood au début des années 2000 dans des films aussi variés que La Menace Fantôme, Dr Kinsey ou Batman Begins, l’acteur irlandais a été intronisé justicier bad-ass avec le bessonien Taken. Depuis, il semble passer son temps à dézinguer du méchant mafieux à tout va comme en témoigne sa filmographie presque exclusivement dédiée au genre. En route, il s’est trouvé un fidèle compagnon en la personne de Jaume Collet-Serra, réalisateur espagnol ayant fait ses armes sur le remake de la Maison de Cire en 2004 et le surprenant Esther en 2009, qui a la particularité de baser ses films d’action sur des concepts forts : l’amnésie de son personnage principal dans Sans Identité, l’unité d’espace (un avion) dans Non-Stop et maintenant l’unité de temps (une nuit) dans Night Run. Jusqu’ici, il faut avouer que le tandem a plutôt tenu ses promesses en livrant des films divertissants sans toutefois transcender le genre. L’édition 2015 semble ne pas déroger à la règle : intrigue minimaliste, casting intéressant et ambiance noire à tendance légèrement dépressive, tout cela sent bon la série B du samedi soir.

L’histoire oppose Jimmy Conlon (Liam Neeson) à son vieil ami Shawn Maguire (Ed Harris). Le premier, ancien tueur légendaire hanté par ses nombreuses victimes, vit seul, loin de son unique fils Mike (Joel Kinnaman) et de sa petite famille. Le second, un vieux gangster plus ou moins rangé, voit sa descendance (Boyd Holbrook) reprendre le flambeau en flirtant avec des dealers albanais au sens de l’humour limité. Par une manipulation scénaristique pachydermique, les deux rejetons vont entrer en conflit jusqu’au moment où Jimmy abat le fils de Shawn. Les deux ex-meilleurs amis n’ont plus que quelques heures pour solder leurs comptes.

Liam Neeson et Joel Kinnaman

Autant le dire tout de suite, enfermer l’intrigue sur une seule nuit n’a aucun intérêt et n’est d’ailleurs pas vraiment exploité. Cette histoire mille fois vue de vengeance aurait pu durer une semaine, une année ou même un siècle, cela n’aurait rien changé tant Night Run est un film raté et soporifique, aux ficelles aussi grossières qu'attendues. Les séquences d’actions complètement illisibles, les courses poursuites à 2km/h et les fusillades mollassonnes n’arrivent jamais à divertir un spectateur qui attend avec plus ou moins de patience l’ultime séquence où un Liam Neeson usé jusqu’à la corde va sauver son fils avec la dernière balle de son chargeur, rédemption de son personnage oblige. Le film utilise tous les poncifs du genre à tel point qu’on se demande parfois s'il n’était pas destiné à un Direct to DVD de la collection Steven Seagal. 

C’est ainsi que l’on a droit à la mise au point entre les deux protagonistes (Neeson/Harris) dans un restaurant façon Heat de Michael Mann, à la visite au parent malade en pleine nuit à l’hôpital, à la traque du super tueur (Common) qui se prend pour le T-800 de Terminator avec son pistolet à visée laser, et bien évidemment à l’ultime fusillade aux abords de la maison familiale alors que les « gentils » pensaient en avoir fini (le spectateur sait très bien qu’il n’en est rien puisque le film s’ouvre sur notre héros agonisant dans les bois). Bref, cette troisième (et dernière ?) collaboration entre le réalisateur espagnol et l’acteur irlandais est un ratage total dont vous pouvez résolument vous dispenser.

Alexandre Robinne

Etats-Unis - 1h54
Réalisation : Jaume Collet-Serra - Scénario : Brad Ingelsby
Avec : Liam Neeson (Jimmy Conlon), Ed Harris (Shawn Maguire), Joel Kinnaman (Mike Conlon), Boyd Holbrook (Danny Maguire). 

mercredi 11 mars 2015

The Voices


Après l'échec du mésestimé Poulet aux Prunes, la réalisatrice et dessinatrice Marjane Satrapi change de registre en acceptant un scénario écrit par un autre dans un genre, la comédie horrifique, qui n'est à priori pas le sien. Mais si l'on regarde de plus près, ce choix est très judicieux car ce type de films nécessite une approche visuelle qui n'a pu que séduire l'auteur de Persepolis. En résulte un objet insolite pas totalement abouti mais très recommandable.

Jerry (Ryan Reynolds) vit à Milton, une petite ville américaine bien tranquille où il travaille dans une usine de baignoires. Célibataire, il vit accompagné de son chat, Mr Moustache, et de son chien, Bosco, avec lesquels il parle régulièrement. Il n'est pas non plus insensible au charme de Fiona (Gemma Arterton), la pétulante anglaise qui travaille à la comptabilité de l'usine. Tout se passe bien dans le monde de Jerry, sauf quand il oublie de prendre ses médicaments. 

Gemma Arterton et Ryan Reynolds

Marjane Satrapi prouve une fois encore aux gardiens de la Nouvelle Vague qu'une commande peut-être aussi récréative qu'un film personnel, même au cœur de notre vieille Europe. Car le pari fou qu'elle réussit est d'avoir su recréer une histoire typiquement américaine intégralement en Allemagne et dans les mythiques studios de Babelsberg. La cinéaste a donc particulièrement soigné sa direction artistique et les décors colorés (motels, bars, bowlings) n'ont presque jamais parus aussi authentiques. Les cadrages et la lumière très découpée renvoient explicitement au cinéma bis que l'on affectionne mais Satrapi, tout en respectant les codes inhérents au genre, s'en démarque malicieusement au détour d'un plan ou d'un retournement de scénario. Et elle n'hésite pas à dynamiter son récit avec de la comédie musicale ou des instants fantastico-poétiques délicieusement kitsch.

The Voices nous procure aussi de grandes joies comiques grâce à un énergumène magnifique,  Monsieur Moustache, le chat de Jerry qui jure et le rabroue sans arrêt, ainsi qu'à certains détails gores jubilatoires comme ces tupperwares méticuleusement rangés et qui contiennent des morceaux de cadavre. Car le film n'oublie pas d'être sérieux et par instant violent, ayant pour antihéros un schizophrène dangereusement atteint. De lui vient le miracle du film en la personne de Ryan Reynods. L'acteur, si fade et inconsistant jusqu'à présent, trouve enfin le rôle qui lui manquait. Son apparence de bellâtre yankee mêlée à une gentillesse à la limite de la niaiserie en font un doux psychopathe pour lequel on ne peut éprouver que de la sympathie. Et lorsque l'on apprend que le comédien a doublé tous les autres personnages, prenant notamment l'accent écossais impayable de Mr Moustache, on est obligé de s'incliner. Marjane Satrapi vient d'accomplir un miracle : sauver un acteur du précipice auquel on le pensait destiné ad vitam aeternam.

Antoine Jullien

Etats-Unis / Allemagne - 1h43
Réalisation : Marjane Satrapi - Scénario : Michael R. Perry
Avec : Ryan Reynolds (Jerry, Mr Moustache, Bosco), Gemma Arterton (Fiona),  Anna Kendrick (Lisa), Jacki Weaver (Dr. Warren).

Disponible en DVD et Blu-Ray chez France Télévisions Distribution


Inherent Vice

 
Prodige de la nouvelle garde du cinéma américain, Paul Thomas Anderson divise depuis ses débuts. Maniéré pour les uns, virtuose pour les autres, le cinéaste a marqué de son empreinte des films aussi puissants que Magnolia, Punch-drunk Love et son chef d’œuvre There Will Be Blood. Après le frustrant The Master, le réalisateur a jeté son dévolu sur un roman noir de Thomas Pynchon, Vice Caché. Mais lorsque PTA (pour les intimes) décide d'explorer un nouveau genre, c'est bien pour ne pas faire comme tout le monde (à l'instar d'un certain Stanley K.). Et divise davantage. 

Nous sommes à Los Angeles, en 1970. L'ex-petite amie du détective privé Doc Sportello (Joaquin Phoenix) surgit un beau jour en lui racontant qu'elle est tombée amoureuse d'un magnat de l'immobilier et craint que l'épouse de celui-ci veuille le faire interner. Le Doc enquête mais entre deux trips, le malheureux n'est pas au bout de ses surprises. 

Première incongruité d'un film qui n'en manque pas : le détective reçoit ses clients dans le cabinet d'un docteur. Pourtant, c'est bien Doc Sportello qui aurait besoin en premier lieu d'un remède afin de ne  pas sombrer dans un délire hallucinatoire infini. Avec son allure de hippie constamment défoncé, le privé ne pèse pas lourd face à une faune hostile prête à le manger tout cru. Il est un chien dans un jeu de quilles qui ne voit plus très clair à mesure que la fumée de ses joints voile ses dernières lueurs de lucidité. 

Joaquin Phoenix

Si l'on voit Inherent Vice avec les yeux de Doc Sportello, le film est un régal et la mise en scène encore une fois brillante d'Anderson épouse totalement cette perspective vaporeuse. Il suffit de prêter attention à quelques séquences pour se rendre compte à quel point l'intelligence du cinéaste est éloquente, et ce dès la première scène et l'apparition étrange de l'ex-petite amie du détective. Fantasme ou réalité ? Le cinéaste se garde bien de nous donner une réponse en ne les réunissant jamais dans le même plan. La séquence finale qui les unit à nouveau confirme cette impression de dimension parallèle, à voir le curieux halo de lumière qui vient se greffer sur l’œil de Joaquin Phoenix. Les plans séquences chers au cinéaste, beaucoup moins visibles que dans ses films précédents, racontent la personnalité de Sportello qui semble sans cesse subir les évènements. Ce n'est pas la caméra qui nous fait découvrir les protagonistes mais ce sont eux qui rentrent dans son champ et donc dans celui de Doc. L'histoire, aussi alambiquée qu'incompréhensible, est le développement direct de la psyché de ce héros andersonien, Joaquin Phoenix l'interprètant avec une décontraction qui frise la désinvolture. Et au-delà de Sportello, c'est une société au bord de l'irrationnel, perdant tous ses repères, qu'observe minutieusement le cinéaste.

Reese Witherspoon et Joaquin Phoenix

Mais on peut aussi regarder le film de manière plus lucide et force est de constater qu'Anderson tourne à vide. Sacrifiant trop de personnages secondaires (Benicio Del Toro et Reese Witherspoon abandonnés sur le bord de la route), usant jusqu'à la corde de sa narration foutraque et inutilement interminable, le réalisateur mise un peu trop sur son talent formel pour nous faire décoller. A la différence de The Big Lebowski, une référence sans doute mal assumée, Inherent Vice, malgré quelques mots d'esprit savoureux, est rarement drôle et, plus grave, ne cherche jamais à inclure le spectateur. Une forme d'autisme qui est en train de paralyser le cinéma de Paul Thomas Anderson. En tant qu'analyste de ses films, on est comblé. En tant que spectateur, lésé. On attend que le cinéaste réunisse à nouveau ces deux pôles, pour l'instant inconciliables. 

Antoine Jullien

Etats-Unis - 2h28
Réalisation et Scénario : Paul Thomas Anderson d'après le roman de Thomas Pynchon
Avec : Joaquin Phoenix (Doc Sportello), Josh Brolin (Lt. Christian F. "Bigfoot" Bjornsen), Katherine Waterston (Shasta Fay Hepworth).

Disponible en DVD et Blu Ray chez Warner Home Vidéo.

jeudi 5 mars 2015

Chappie

 
L’intelligence artificielle est un thème récurrent dans le cinéma de science-fiction, surtout depuis l’avènement de l’ère informatique à la fin des années 70. Que ce soit dans Blade Runner, Terminator 2 ou A.I. Intelligence Artificielle, l’angle d’attaque de cette problématique est invariablement le même : les machines peuvent-elles devenir humaines ? Et si oui, est-ce un danger pour notre suprématie ? Mais à l’heure où notre civilisation occidentale vit de plus en plus connectée, où nos smartphones sont capables d’apprendre pour mieux nous aider (et nous vendre encore plus de nouveaux « besoins »), où les voitures se garent toutes seules, la problématique est en train de changer, voire de s’inverser. Neil Blomkamp est sans doute le réalisateur emblématique de cette évolution.

En 2009, le réalisateur sud-africain nous offrait District 9, un bijou de science-fiction qui imaginait des extraterrestres insectoïdes, parqués dans les faubourgs de Johannesburg, obligés de déménager leur bidonville. À l’époque, le film avait surtout été analysé, à juste titre, comme étant une métaphore de l’Apartheid. En 2013, dans Elysium, Blomkamp demandait à Matt Damon, armé pour l’occasion d’un exosquelette, de rétablir l’équilibre entre les « faibles » entassés sur une Terre livrée au chaos et les « puissants » jouissant d’une vie paisible sur une station orbitale. Ce second long métrage, bien décevant par rapport au premier, fut considéré comme un énième film sur la lutte des classes. À juste titre également. Avec Chappie, le réalisateur semble reprendre à son compte le thème de la machine essayant de s’émanciper pour devenir un être vivant à part entière. Mais les apparences sont parfois trompeuses.

                                                                      Hugh Jackman
 
Nous nous retrouvons une nouvelle fois en plein Johannesburg où la police utilise des droïdes indestructibles pour maintenir l’ordre. L’un d’entre eux, nommé Chappie, va avoir la faculté d’apprendre, de penser et de choisir son destin en découvrant la vraie vie dans une métropole dangereuse partagée entre Deon, son créateur bienfaisant (Dev Patel) et une bande de malfaiteurs sympathiques mais endettés qui vont vouloir l’utiliser pour renflouer leur caisse, tout en lui apprenant le mensonge et la violence.

La narration du film est assez grossière et le chemin suivi par le jeune robot est très vite balisé. En ce sens, Chappie ne révolutionne pas le genre et lorgne sans scrupule vers le Robocop de Paul Verhoeven, le manga Appleseed et même District 9. Si l’ouverture du film, énergique et assez violente, pose une base intéressante, le cœur de l'intrigue peine à faire décoller le spectateur qui se demande où le réalisateur veut en venir. Bien évidement, notre robot héroïque souffre dans son apprentissage, tiraillé entre son envie de bien faire, les violences qu’il subit et les manipulations le poussant au crime dans l’intérêt de ses parents adoptifs (les rappeurs Yo-Landi Vi$$er et Ninja), mais tout ceci reste trop scolaire et enfantin. Jusqu’à la dernière demi-heure.


C’est alors que le film bascule et que l’on retrouve le réalisateur talentueux et énervé de District 9. Neil Blomkamp entreprend un vrai travail de destruction des corps (humain, mais pas seulement), la violence explose soudainement et cloue le spectateur sur son siège.  Ce virage prend tout son sens si l’on remet en perspective District 9 et Elysium car les trois films partagent finalement le même thème. Dans ce cinéma là, le problème n’est plus vraiment l’émancipation des machines et leur devenir mais l’évolution de l’être humain passant par la machine ou tout du moins par une certaine transformation de notre corps. Dans District 9, Sharlto Copley se métamorphosait en alien, dans Elysium, le corps de Matt Damon était affublé d’un squelette mécanique lui donnant des capacités physiques hors du commun et dans Chappie, Blomkamp va encore plus loin. Certains sortiront de la salle horrifiés, d’autres y verront les prémisses d’une évolution sans précédent pour notre espèce. En ce sens, Chappie nous rappelle une fois de plus que la science-fiction est avant tout de l’anticipation même si tout ceci peut faire très peur. Wait and see…

Alexandre Robinne

Etats-Unis / Mexique - 2h
Réalisation : Neill Blomkamp - Scénario : Neill Blomkamp et Terri Tatchell
Avec : Sharlto Copley (Chappie), Dev Patel (Deon Wilson), Hugh Jackman (Vincent Moore), Sigourney Weaver (Michelle Bradley).


mardi 3 mars 2015

Jeu-Concours Mommy



LE JEU-CONCOURS EST TERMINE. LA REPONSE ETAIT "J'AI TUE MA MERE". 

BRAVO AUX GAGNANTS !
 

Mon Cinématographe vous propose de visionner gratuitement le film Mommy de Xavier Dolan, Prix du Jury du Festival de Cannes et César du Meilleur Film Etranger, sur la plateforme VOD d'UniversCiné. 

Pour cela, vous devez répondre à la question suivante : 

Quel est le titre du premier long métrage de Xavier Dolan ? 

Merci de donner votre réponse dans la section "Commentaires" en choisissant l'onglet "Anonyme", accompagnée de votre Email afin que nous puissions identifier les gagnants. Les réponses ne seront pas publiées. 

Les 10 premiers qui répondront correctement remporteront le concours. 

Bonne chance ! 

Pour voir la critique de Mommy dans Mon Cinématographe, c'est ICI
Pour retrouver la fiche technique du film sur UniversCiné, c'est ICI.