jeudi 30 octobre 2014

Vie Sauvage

 
Vie Sauvage débute par une scène de fuite. Une mère emmène ses enfants chez ses parents, loin de son compagnon dont elle ne supporte plus le mode de vie. Une séquence violente et haletante qui donne à ce nouveau long métrage de Cédric Kahn des allures de thriller social. Mais le père finit par récupérer ses deux plus jeunes fils et décide ne pas les ramener à leur mère. Le film devient alors un drame de l'éducation et de l'arrachement. 

Cédric Kahn s'est inspiré de la véritable histoire de Xavier Fortin, un père de famille parti en cavale avec ses enfants. Une existence passée dans la clandestinité qui a duré onze années avant qu'il ne soit finalement arrêté. Pour reprendre le titre de son film précédent, le cinéaste nous raconte la nécessité d'"une vie meilleure." Ce père joué par Mathieu Kassovitz fuit le monde matérialiste qu'il abhorre, convaincu de la légitimité de ses actes. La petite famille passe son temps dans la nature, au rythme des saisons, échappant à la police grâce à des réseaux d'entraide. Le cinéaste filme cette initiation sans la juger, avec même une certaine bienveillance, alternant les instants bucoliques et les moments complices entre les trois personnages. 

Mathieu Kassovitz, Sofiane Neveu et David Gestou

A la différence de La belle vie de Jean Denizot, sorti cette année et qui relatait une histoire similaire, Cédric Kahn épouse dans un premier temps le point de vue du père. Matthieu Kassovitz semblait un choix idéal pour un tel rôle, lui donnant une force de conviction évidente. Mais à mesure que le récit progresse et que les ellipses surviennent, il disparaît peu à peu pour laisser place aux enfants devenus entretemps adolescents. C'est à cet instant que le film prend une autre tournure, décrivant avec acuité les limites de cette manière de vivre et la rebellion naissance des jeunes garçons. Prisonniers d'une vie clandestine qu'ils n'acceptent plus, ils veulent à présent en sortir, au grand dam du père qui reste figé dans ses certitudes, fuyant la réalité. 

Le film questionne la liberté du choix de vie que l'on impose à ses proches. De quel droit un père peut-il priver ses enfants de leur mère ? Mais le cinéaste montre aussi une famille disloquée par la décision d'une mère qui ne supporte plus cette marginalité pourtant revendiquée et construite avec son compagnon, comme on le comprend lors de brefs flash-back. Cédric Kahn ne sombre donc dans aucun manichéisme mais on aurait aimé que son film ait davantage d'ampleur, pris dans les pièges d'un naturalisme qui l'étouffe un peu. Il faudra attendre la dernière scène dans laquelle Céline Sallette, en seulement quelques plans, dit tout de la détresse d'une mère, pour être à la fois bouleversé et révolté. Ce que cette femme devra sacrifier pour l'amour de ces enfants, cela n'a pas de prix.

Antoine Jullien

France - 1h46
Réalisation : Cédric Kahn - Scénario : Nathalie Najem et Cédric Kahn d'après le livre d'Okwari, Shahi'Yena et Xavier Fortin
Avec : Mathieu Kassovitz (Paco), Céline Sallette (Nora), David Gestou (Tsali 9 ans), Sofiane Neveu (Okyesa 8 ans).


mercredi 29 octobre 2014

Pierce Brosnan nous parle de The November Man


A l'occasion du 40ème festival de Deauville, Pierce Brosnan était venu fouler les planches pour présenter son nouveau thriller, The November Man (aujourd'hui dans les salles), en compagnie de l'actrice Olga Kurylenko.

Ultra prévisible mais efficace, le film nous plonge dans les méandres de la CIA où l'un de ses anciens agents doit protéger la responsable d'un centre de réfugiés dont le témoignage pourrait compromettre l'élection de l'un des favoris à la présidentielle russe. Mais il va bientôt devenir la cible de son ancien élève. 

Pierce Brosnan évoque avec nous ce projet qui lui tenait particulièrement à coeur, adapté de la série littéraire de Bill Granger, et revient également sur l'aventure James Bond. 

Etats-Unis - 1h48
Réalisation : Roger Donaldson - Scénario : Michael Finch et Karl Gadjusek d'après l'oeuvre de Bill Granger. 
Avec : Pierce Brosnan (Peter Devereaux), Olga Kurylenko (Alice Fournier), Luke Bracey (David Manson), Eliza Taylor (Sarah). 

dimanche 26 octobre 2014

Fury


Fury est un film de guerre. Il s’agit surtout du nouveau film de David Ayer, scénariste américain à qui l’on doit notamment le script de Training Day. Passé à la mise en scène en 2005, il enchaîne depuis les polars noirs et désespérés dans lesquels des hommes d’honneurs (militaires ou policiers) fleurtent avec la ligne rouge. Cette année, il avait déjà emmené Arnold Schwarzenegger dans ces contrées obscures avec le sous estimé Sabotage. Dans Fury, le réalisateur change de lieu et d’époque tout en continuant son étude de l’âme humaine.

Fury est le nom d’un tank de l’armée américaine réunissant cinq soldats en son cœur. Quatre d’entre eux sont des vétérans, trop usés par l’horreur de la guerre pour garder un semblant de raison. Il survivent dans ce champ de ruine qu’est l’Allemagne de 1945 grâce à leur leader, le sergent Don Collier (Brad Pitt), meneur charismatique et en apparence indestructible. Le cinquième soldat est un bleu, engagé dans l’armée depuis huit semaines, un jeune dactylo idéaliste entrainé à « taper soixante mots à la minute ». Auprès de ses quatre compagnons à la dérive et alors que la guerre touche à sa fin, il va traverser l’enfer, découvrir l’amour, la mort et le folie d’un conflit aussi indescriptible qu’insensé.

 Shia LaBeouf, Brad Pitt, Logan Lerman, Michael Pena et Jon Bernthal

Autant être averti, David Ayer aborde la Seconde Guerre Mondiale dans son côté le plus barbare, décrivant un monde dévasté où le soleil ne brille plus et vidé de toute humanité. Sa réalisation nerveuse reste parfaitement lisible, exposant le spectateur à une violence frontale particulièrement crue. Les têtes éclatent, les jambes s’arrachent, les hommes brûlent. La description des soldats (aussi bien américains qu’allemands) est également radicale : d'un côté des tueurs en puissance sans aucune pitié pour l’ennemi, de l'autre des coureurs de jupons invétérés. 


Brad Pitt retrouve quasiment le même rôle que celui de Jesse James dans le film d’Andrew Dominik (L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford) en campant un héros de guerre consumé par la sauvagerie, voulant en finir avec la vie mais devant assumer son statut de leader. Ses compagnons ne sont pas en reste, chacun affrontant ce cauchemar de manière différente : Grady (Jon Bernthal) préfère détruire tout ce qui l’entoure, Gordo (Michael Pena) résiste tant bien que mal tandis que Bible (Shia LaBeouf, impressionnant) se réfugie dans la foi. L’enjeu du film réside dans le sort du cinquième larron, le jeune Norman (Logan Lerman) qui risque lui aussi de sombrer dans les ténèbres.

Mais quelques faiblesses viennent égratigner l’ensemble. Habitué à filmer l’homme et la violence, le réalisateur a bien du mal à rendre crédible les moments les plus lumineux de son film et a tendance à sacrifier ses rares personnages féminins. La narration nous laisse parfois dubitatif devant certaines séquences éculées (la musique qui réunit les peuples, la bonne bouteille avant l’ultime bataille) ou carrément invraisemblables (l’affrontement à cinq contre trois cent, des ennemis qui mettent des heures à parcourir quelques centaines de mètres…). Ces petits défauts ne gâchent pas le film mais empêchent Fury de nous convaincre pleinement. On ressort néanmoins marqués par cette vision furieuse et impitoyable de la Seconde Guerre Mondiale.   

Alexandre Robinne  

Etats-Unis - 2h14
Réalisation et Scénario : David Ayer
Avec : Brad Pitt (Don "Wardaddy" Collier), Shia LaBeouf (Boyd "Bible" Swan), Logan Lerman (Norman Ellison), Michael Pena, Jon Bernthal.



Disponible en DVD et Blu Ray chez Sony Pictures Home Entertainment.

vendredi 24 octobre 2014

Exposition François Truffaut à la Cinémathèque française

 
Il y a 30 ans disparaissait brutalement François Truffaut, emporté par une tumeur au cerveau. L'un des meneurs emblématiques de la Nouvelle Vague s'en allait après avoir réalisé 21 longs métrages. 

L'auteur des 400 coups a marqué de son empreinte le cinéma français et la Cinémathèque a décidé de lui rendre hommage en proposant au public une grande exposition qui revient sur les étapes importantes de sa carrière, explorant son passé cinéphilique auprès d'Henri Langlois, sa période de critique parfois intransigeant aux Cahiers du cinéma, avant de revenir sur les films importants de sa filmographie où l'on côtoie le monde de l'enfance à travers la saga Antoine Doinel, la passion amoureuse qui est le poumon de nombre de ses films (Jules et Jim, La sirène du Mississipi, Le dernier métro, La femme d'à côté), jusqu'à son influence dans le cinéma mondial, particulièrement aux États-Unis (il remporta un Oscar pour La Nuit Américaine).

Jean-Paul Belmondo et Catherine Deneuve dans La Sirène du Mississipi de François Truffaut, 1969.
Photographie Leonard de Raemy © Marc de Raemy

"On a quand même une pulsion, une tendance qui nous pousse à la perfection mais on sait que cette perfection est illusoire au cinéma. J'ai la conviction depuis quelques temps que les films respirent par leurs défauts". A la différence de Jean-Luc Godard, Truffaut n'a pas été considéré comme un inventeur de formes et la technique cinématographique n'a jamais été son intérêt premier, lui qui est d'abord un homme de l'écrit. Mais il a su admirablement communiquer sur les secrets de la mise en scène grâce à son formidable livre d'entretiens* sur Alfred Hitchcock, devenu depuis sa parution une référence incontournable pour tout futur cinéaste. 

Revoir les films de Truffaut aujourd'hui (dont une copie restaurée du Dernier Métro qui ressort dans les salles), c'est se replonger dans l'univers d'un homme pour qui le cinéma était "plus harmonieux que la vie", et qui a, durant toute son existence, voulu transmettre son infatigable passion. 

Mon Cinématographe vous propose un grand angle sur cette exposition que l'on aurait aimé plus surprenante, en compagnie de Florence Tissot, Costa-Gavras et Serge Toubiana. 

Exposition François Truffaut à la Cinémathèque Française jusqu'au 25 janvier 2015.
Rétrospective intégrale de ses films jusqu'au 30 novembre (et reprise de la rétrospective en salles le 22 octobre). 
Ressortie du Dernier Métro en copie restaurée HD le 22 octobre. 
Renseignements : www.cinematheque.fr
* Hitchcock / Truffaut chez Gallimard

 

mercredi 22 octobre 2014

La France qu'on ne voit pas

SAMBA / BANDE DE FILLES 

Deux longs métrages sortis cette semaine, très différents, nous montrent une France qu'on a rarement l'habitude de voir au cinéma.


Réunir 51 millions de spectateurs à travers le monde grâce à Intouchables mettait le tandem Eric Tolédano - Olivier Nakache sous pression. Avec Samba, leur cinquième long métrage, ils donnent à nouveau le premier rôle à Omar Sy qui campe un sans-papier essayant vaille que vaille de s'en sortir, collectionnant les petits boulots. Il fait alors la rencontre d'une femme, épuisée par un burn-out, qui tente de se reconstruire par le bénévolat.

Nakache et Tolédano ont un réel talent pour désamorcer les situations les plus graves grâce à une réplique inattendue ou à une attitude saugrenue de l'un des protagonistes. C'est ce qu'ils réussissent le mieux dans Samba, traiter une réalité sociale difficile sous une apparente légèreté. Cette efficacité scénaristique trouve son apogée dans les scènes de groupe, particulièrement lors des réunions de l'association qui vient en aide aux sans-papiers. Si le terme de "comédie à l'italienne" est aujourd'hui employé à hue et à dia, il trouve un sens dans le cinéma de Nakache et Tolédano, à la façon dont ils filment les mines mi-ahuries, mi-catastrophées des membres de l'association devant les cas parfois surréalistes qu'ils doivent accompagner. L'attention portée aux seconds rôles, tous très soignés, participe de cette même volonté, et on loue encore leur sens du casting en confiant des scènes savoureuses à la merveilleuse Hélène Vincent.  

Omar Sy et Charlotte Gainsbourg

Le choix des acteurs est également opérant concernant les rôles principaux, à commencer par Omar Sy et Charlotte Gainsbourg. Quel bonheur que de voir la comédienne éloignée des tortures infligées par Lars Von Trier ! Rayonnante, fragile, drôle par moments, l'actrice nous émeut dans la peau de ce personnage contrarié qu'elle parvient, grâce à sa singularité, à nous rendre attachant. Omar Sy, lui, est confronté pour la première fois de sa carrière à un registre plus intime qui lui convient plutôt bien. La scène où il écoute amoureusement Charlotte Gainsbourg lui raconter son passé compliqué, au milieu d'une station service, est une merveille de sensibilité feutrée. A contrario, Tahar Rahim, habitué aux personnages taciturnes, semble totalement s'épanouir dans le rôle exubérant de Wilson, à la tchatche féconde, très proche de celui d'Omar Sy dans Intouchables (une malicieuse inversion des rôles), et qui ment sur ses origines pour mieux se faire accepter.

Car les cinéastes lorgnent très clairement vers un tonalité plus dramatique que leurs œuvres précédentes. Samba nous parle d'hommes et de femmes dont on ne sait rien, vivant dans la clandestinité et la précarité, sans qu'à un seul instant les réalisateurs n'en fassent des victimes, privilégiant leur humanité, sans afféterie larmoyante. Si l'on aurait souhaité une mise en scène plus incisive (malgré une scène d'ouverture éloquente) et se dispenser d'un final en deux temps un peu trop fabriqué, Nakache et Tolédano évitent la plupart des pièges et des facilités qui plombaient par endroits Intouchables, nous offrant un film populaire de qualité, au sens le plus noble du terme. 

France - 1h58
Réalisation et Scénario : Eric Tolédano et Olivier Nakache d'après l’œuvre de Delphine Coulin
Avec : Omar Sy (Samba), Charlotte Gainsbourg (Alice), Tahar Rahim (Wilson), Izïa Higelin (Manu), Hélène Vincent (Marcelle). 


Disponible en DVD et Blu-Ray chez Gaumont Vidéo.


Après le troublant Tomboy qui avait marqué les esprits et suscité par la suite quelques vaines polémiques, Céline Sciamma a posé sa caméra dans une banlieue parisienne en filmant à nouveau une quête identitaire, celle de Marieme, 16 ans, entourée de ses trois copines, qui veut trouver sa place dans un environnement où prime la loi du plus fort. 

Ces quatre filles sont déterminées, bien décidées à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Céline Sciamma les présente comme des battantes, à l'instar de ce prologue épique qui voit des jeunes femmes au ralenti jouer au football américain. Une ouverture surprenante et très esthétique dans laquelle la réalisatrice veut marquer son empreinte et se différencier ainsi d'un genre, "le film de banlieue", qu'on a souvent dépeint selon le même angle. 

Karidja Touré

Ici, les femmes prennent toute la place et les hommes en sont réduits à des figures autoritaires ou menaçantes. Un parti pris assumé et judicieux car Sciamma montre bien comment les règles masculines ont, insidieusement, envahi la cité. Et ces jeunes femmes ne peuvent y échapper, elles aussi plongées dans une violence physique ou verbale qui trouve son point d'orgue lors de très vifs combats de rue. La réalisatrice n'occulte donc pas une réalité déplaisante à regarder mais son sujet est ailleurs, celui de l'émancipation de Marième qui va devenir Vic, au sein de cette bande de filles.

Et si ce groupe possède une énergie et une fougue évidentes, la réalisation de Céline Sciamma, elle, en est malheureusement dépourvue, et les morceaux de musique électro plaqués ici et là ne changent rien. Ce n'est pas parce que l'on filme des femmes en train de danser sur Rihanna, dans une séquence à la longueur presque complaisante, que l'on conçoit un film "énergique". Le rythme est chancelant, la direction d'acteurs hésitante (on sent parfois, au détour d'un plan, que ces apprenties comédiennes sont dirigées), et le style est incertain, entre cinéma naturaliste et entreprise plus romanesque. La réalisatrice semble ouvrir de nombreuses pistes qu'elle n'explore pas suffisamment, utilisant de manière un peu facile les ellipses pour marquer les différentes étapes du parcours de son héroïne, sans qu'on ne soit véritablement convaincu par la pertinence du procédé. Et le dernier plan, un peu artificiel et faussement rassurant, ne nous convaincra pas davantage. 

Antoine Jullien

France - 1h52
Réalisation et Scénario : Céline Sciamma 
Avec : Karidja Touré (Marieme/Vic), Assa Sylla (Lady), Lindsay Karamoh (Adiatou), Mariétou Touré (Fily).  

samedi 18 octobre 2014

Le Labyrinthe

 
Après Hunger Games, Divergente et Les Âmes Vagabondes, Hollywood continue d’adapter les best-sellers pour adolescents avec Le Labyrinthe qui vise cette fois un public plus masculin (amateurs d'histoires d'amour, passez votre chemin !). Prenant à nouveau comme toile de fond une dystopie, à savoir un univers où la quête de bonheur et de liberté semble impossible, cette nouvelle franchise s’ouvre avec un premier film au pitch simple mais très accrocheur : on y suit les aventures de Thomas, un jeune homme à la mémoire effacée qui se retrouve piégé au cœur d’un labyrinthe géant en compagnie d’un petit groupe de garçons de son âge. Vivant en autarcie avec des règles très strictes, cette communauté survit tant bien que mal tout en essayant de trouver une sortie à ce dédale mystérieux. Curieux de nature, Thomas va très vite essayer de percer le mystère de cet endroit, au risque de mettre en danger cette fragile communauté.

Malgré un budget plus que modeste pour un blockbuster de ce calibre, le réalisateur Wes Ball s’en sort plutôt bien. Ce spécialiste des effets spéciaux, dont c'est le premier long métrage, qui avait signé l’impressionnant court métrage Ruin il y a quelques années (où on sentait déjà la patte graphique du Labyrinthe), met tout son savoir faire pour plonger le spectateur dans un monde imaginaire crédible. Les décors imposent leur gigantisme, les séquences d’actions sont efficaces, le rythme est parfaitement maitrisé. En résumé, le spectacle est au rendez-vous. 


Mais une fois les règles du jeu exposées dans une première demi-heure qui nous met en appétit, la narration de ce Labyrinthe devient alors… labyrinthique. De promesses non tenues ou carrément éclipsées en passant par un grand nombre de raccourcis scénaristiques et la présence inutile de certains personnages, on a peu à peu la désagréable impression que les auteurs nous mènent en bateau. Le comble étant qu'aucun protagoniste ne se perd dans les méandres de ce labyrinthe !  Pour un film dont c'est le sujet central, c’est tout de même très décevant.

Plus généralement, tous les dangers qui paraissaient insurmontables (et donc très excitants) au début du film s’émoussent au fur et à mesure que l’intrigue se développe. La fin, brouillonne, enchaînant les révélations et les retournements de situations les uns après les autres, ne fait que confirmer ce sentiment de flottement désagréable. En attendant une inévitable suite…

Alexandre Robinne

Etats-Unis - 1h53
Réalisation : Wes Ball - Scénario : Noah Oppenheim, Grant Pierce Myers, T.S. Nowlin d'après le livre de James Dashner
Avec : Dylan O'Brien (Thomas), Ami Ameen (Alby), Ki Hong Lee (Minho), Will Poulter (Gally), Blake Cooper (Chuck). 

lundi 13 octobre 2014

La critique cannoise de Saint Laurent


Après l'accueil dithyrambique (et un poil excessif) réservé à Saint Laurent de Bertrand Bonello, nous vous proposons de retrouver la critique du film, plus nuancée, réalisée lors du festival de Cannes où il était présenté en compétition.

Malgré des trous d'air dans son récit et de sérieuses baisses de régime, Bonello accomplit un anti-biopic assez fascinant, retraçant dix années de la vie du célèbre couturier, de 1966 à 1976. Porté par un Gaspard Ulliel éloigné de tout mimétisme, Saint Laurent se termine dans une apothéose éblouissante qui en fait, à défaut d'être le grand film maintes fois évoqué, une œuvre très personnelle sur les affres de la création. 

France - 2h30
Réalisation : Bertrand Bonello - Scénario : Bertrand Bonello et Thomas Bidegain
Avec : Gaspard Ulliel (Yves Saint Laurent), Jérémie Rénier (Pierre Bergé), Louis Garrel (Jacques de Bascher), Léa Seydoux.

mercredi 8 octobre 2014

Gone Girl



Avec David Fincher, on est habitué à l'excellence. Contrairement à de nombreux critiques qui ont seulement commencé à considérer le cinéaste à partir de Zodiac (soit au bout de son sixième film !), d'autres ont su déceler dès le départ le talent immense du bonhomme. Alors qu'il n'a aujourd'hui plus rien à prouver, il revient sur ses terres de prédilection, celles du thriller, en choisissant d'adapter le best-seller de Gillian Flynn Les Apparences. Un titre qui résume parfaitement l'ambition de Fincher : gratter le vernis de la bienséance pour faire ressurgir le pire de notre (in)humanité. 

L'action se déroule dans le Missouri où un homme marié (Ben Affleck) signale la disparition de sa femme (Rosamund Pike). La police se met à enquêter sur ce couple "normal" et les habitants participent activement aux recherches pour tenter de retrouver la disparue. Mais devant le comportement étrange du mari et de ses mensonges répétés, l'opinion publique se met à s'interroger : et si cet homme avait tué sa femme ? 

Ben Affleck

Si l'on se gardera bien de dévoiler les rebondissements les plus importants de ce suspense redoutable, il est peut-être préférable, à celui ou celle qui n'a pas encore eu la chance de voir Gone Girl, de ne pas lire les lignes qui vont suivre. Car David Fincher mène son intrigue avec un tel brio qu'il est bien difficile pour le spectateur d'avoir un coup d'avance. Le film entremêle la chronique amère d'un couple en plein délitement, un thriller machiavélique et retors et une satire mordante du monde des apparences, avec une fluidité et une maestria qui subjuguent et fascinent. Le cinéaste n'en n'est certes pas à son coup d'essai mais de combien de films qui durent 2h30 ont peut affirmer sans la moindre hésitation qu'aucune minute n'est à retirer, qu'aucune digression ou temps mort inutile ne viennent plomber le rythme ? Cet art du récit que maîtrise Fincher avec une précision d'horloger a trouvé une nouvelle dimension grâce à des collaborateurs précieux (Kirk Baxter au montage, Jeff Cronenweth à la photo) qui amènent le cinéaste au sommet de la perfection formelle.

Ben Affleck et David Fincher sur le tournage de Gone Girl

Mais il ne s'agit pas d'une virtuosité vaine, Gone Girl est sans doute le film le plus politique de Fincher. A travers une histoire de mariage qui prend l'eau, c'est tout un modèle de société que le cinéaste interroge, non sans une ironie féroce. Et l'Amérique est dans sa ligne de mire, le réalisateur filmant des talk-shows transformés en jurys populistes et une obsession de transparence qui voit soudain un homme détesté devenir une victime. Pour interpréter cet homme sans qualités, Ben Affleck est admirable de lâcheté ordinaire et de faiblesse coupable. Face à lui, Rosamund Pike, l'épouse malheureuse, est la véritable révélation du film, interprétant de manière glaçante une femme banale se métamorphosant peu à peu en un personnage de film noir.

En auscultant les aspects les moins reluisants du mariage basés sur le mensonge, la dissimulation et la veulerie, Fincher égratigne l'image du couple idéal que chacun voudrait, même inconsciemment, refléter, et les dernières images, délicieusement ambiguës, signent la destruction de ce modèle factice. Ce mélange de lucidité, d'ironie et de manipulation auraient certainement plu à un certain Alfred Hitchcock, qui a trouvé en David Fincher son digne héritier.   

Antoine Jullien 

Etats-Unis - 2h29
Réalisation : David Fincher - Scénario : Gillian Flynn d'après son roman 
Avec : Ben Affleck (Nick Dunne), Rosamund Pike (Amy Dunne), Tyler Perry (Tanner Bolt), Carrie Coon (Margo Dunne), Neil Patrick Harris. 



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Fox Vidéo.

La critique cannoise de Mommy


Mommy de Xavier Dolan est un évènement. A 25 ans, ce surdoué de la pellicule est en train de recevoir les lauriers qu'aucun autre cinéaste aussi précoce n'a eu avant lui. Couvertures de journaux, émissions de télévision, défilés de mode, le jeune prodige québécois est partout. Auréolé (seulement !) d'un prix du jury au festival de Cannes, Mommy est son œuvre la plus aboutie, la plus maîtrisée et la plus bouleversante. Une histoire hors norme d'un amour infini d'une mère pour son fils dans laquelle le réalisateur sort du cadre pour mieux nous terrasser. 

Nous vous proposons de retrouver la critique très enthousiaste de Mon Cinématographe à propos de ce cinquième long métrage de Xavier Dolan, réalisée lors de la présentation du film sur la Croisette.

Canada - 2h15
Réalisation et Scénario : Xavier Dolan 
Avec : Anne Dorval (Diane "Die" Després), Antoine-Olivier Pilon (Steve Després), Suzanne Clément (Kyla). 

lundi 6 octobre 2014

La bande-annonce de Inherent Vice


Après l'échec commercial de The Master, il paraissait peu probable que le prochain film de Paul Thomas Anderson soit financé par un studio. Et là est la première étrangeté de Inherent Vice : le logo de la Warner en ouverture de la bande annonce. Mais après avoir visionné quelques images, nos lanternes s'éclairent : P.T. Anderson vient de réaliser une comédie ! 

Loin du sérieux parfois écrasant de ses deux précédents longs métrages, le réalisateur de Magnolia a jeté son dévolu sur un roman de Thomas Pynchon (qui signe lui-même l'adaptation) au titre éponyme et  qui voit un détective privé embarqué dans une drôle d'enquête mettant en scène son ex-petite amie et un promoteur immobilier milliardaire. 

Jaoquin Phoenix en rouflaquettes, entouré de Josh Brolin, Reese Witherspoon, Owen Wilson et Benicio Del Toro, voilà qui fait saliver, ajouté à l'ambiance très seventies et au ton particulièrement loufoque et absurde qui évoque le Big Lebowski des frères Coen. Il faudra patienter jusqu'au 4 mars 2015 pour voir le résultat final mais ce virage andersonien, s'il confirme ses promesses, vaudra sacrément le détour ! 


vendredi 3 octobre 2014

The Tribe

 
Après plus de cent ans d'existence, le cinéma peut encore nous proposer des expériences inédites. The Tribe, premier long métrage de l'ukrainien Myroslav Slaboshpytskiy, récompensé par le Grand Prix de la Semaine de la Critique du festival de Cannes, a été tourné en langue des signes, sans sous-titres ni voix off car, comme le dit efficacement la bande annonce, l'amour et la haine n'ont pas besoin de traduction. Le réalisateur a voulu nous immerger au sein d'une communauté en racontant l'arrivée d'un sourd muet dans un centre spécialisé, en bord de Kiev. Le jeune homme va découvrir les brimades, le racket, les humiliations. Un récit initiatique qui va peu à peu prendre une éprouvante dimension métaphorique. 

La première scène voit ce jeune homme arriver en retard à la cérémonie protocolaire qui inaugure le séjour des futurs pensionnaires de l'établissement. Le seul moment où l'on verra les adultes avant de disparaître, laissant les adolescents régir eux-mêmes les règles impitoyables de ce vase-clos. D'emblée, Myroslav Slaboshpytskiy opte pour le plan séquence et tiendra ce dispositif tout au long du film, une manière pour le cinéaste d'intégrer davantage le spectateur à cet univers si particulier. On est dans un premier temps désarçonné devant ce langage qui nous est inconnu, fait de signes et de grands gestes. Mais l'universalité du propos à laquelle tend le réalisateur nous rend très vite ce monde familier. 


Sa caméra virtuose épouse superbement les trajectoires de ses personnages, tous interprétés par de véritables sourds muets. Myroslav Slaboshpytskiy réalise un tour de force, parvenant à nous captiver par sa seule mise en scène, composée de plans séquences éblouissants et d'un travail sonore impressionnant. Ce principe formel et le décor qu'il emploie rappellent fortement le style de Christian Mungiu dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours qui évoquait une terrible histoire d'avortement sous l'ère Ceausescu. De l'avortement, il en sera également question dans The Tribe, lors d'une séquence de près de dix minutes, à la limite du soutenable. 


De là vient notre réserve. La vision désespérante et désespérée de la société déliquescente que dépeint Myroslav Slaboshpytskiy interpelle et désole, de même que le peu de considération qu'il porte à ses protagonistes. L'humanité nait de la pourriture, semble nous dire le cinéaste qui ne nous donne aucune lueur d'espoir. Sous le vieil adage, "l'homme est un loup pour l'homme", il filme l’insouciance des jeunes filles à se prostituer, la rapport de force permanent, la violence comme seule échappatoire.

Un réalisateur se doit ne nous avertir de la réalité d'un monde laid et misérable, et s'il le fait avec talent comme Myroslav Slaboshpytskiy, on ne peut qu'applaudir. Mais au moment où l'Ukraine vit des heures particulièrement difficiles, il n'est pas certain que le portrait que le réalisateur brosse de son pays n'amène le spectateur à la moindre espérance. Il ne nous reste plus alors qu'à méditer sur cette citation de Socrate : "Nul n'est méchant volontairement." On voudrait tellement le croire. 

Antoine Jullien

Ukraine / Pays-Bas - 2h12
Réalisation et Scénario :  Myroslav Slaboshpytskiy
Avec : Grigoriy Fesenko (Sergei), Yanna Novikova (Anna), Rosa Babiy, Alexander Dsiadevich. 

Un homme très recherché


On en sait gré au réalisateur Anton Corbijn d'avoir enfin réussi à rendre une intrigue de John Le Carré compréhensible ! A contrario de La Taupe, brillant mais illisible, Un homme très recherché bénéficie d'une solide intrigue qui évoque les ratés des services d'espionnage post-11 septembre, leurs méfiances réciproques et leurs luttes intestines. Ici, un immigré d'origine russo-tchétchène va devenir l'objet d'attention de la cellule anti-terroriste de Hambourg qui le suspecte d'être un extrémiste islamiste. Mais les intentions du jeune homme demeurent très opaques... 

Après un biopic énergique sur Joy Division (Control) et un polar quasi-expérimental (The American), Anton Corbijn revient à une forme assez convenue du film d'espionnage. Le réalisateur, issu du vidéoclip, ne nous avait pas habitué à tant de classicisme, ce qui lui réussit plutôt bien. Il parvient habilement à démêler les fils d'un scénario complexe (il s'agit d'une adaptation de Le Carré, rappelons-le !) sans qu'on ne décroche à aucun moment, et à décrire finement les méthodes parfois discutables des services secrets. On lui pardonnerait presque d'avoir choisi des acteurs anglo-saxons pour interpréter des espions allemands, parlant la langue de Shakespeare avec un accent prononcé, comme aux grandes heures révolues du cinéma d'espionnage ! 

Le dernier grand rôle de Philip Seymour Hoffman

La ville de Hambourg, dont l'action du film se situe, a également une importance capitale. La lumière froide qui l'enrobe, signée par le chef opérateur Benoit Delhomme, nous plonge dans cette ambiance sinueuse où chacun semble jouer un rôle. Du supposé extrémiste à l'édile religieux soi-disant pro-occidental, ils sont tous dans la dissimulation, au cœur d'une cité qui ne leur fera aucun cadeau. 

Mais le plus important demeure sans conteste la présence du Philip Seymour Hoffman. Pour son dernier rôle d'envergure (on le retrouvera dans la saga Hunger Games), avant son décès survenu brutalement en février dernier, l'acteur nous subjugue par sa présence débonnaire et dépressive. A l'aune de ce qui lui est arrivé, on ne peut s'empêcher de penser aux similitudes entre ce personnage en bout de course et à la destinée tragique du comédien. Et s'il fallait encore le démontrer, ce film nous apporte un constat définitif : on a perdu un très grand acteur, et son absence nous manquera cruellement.

Antoine Jullien

Grande-Bretagne / Etats-Unis / Allemagne - 2h
Réalisation : Anton Corbijn - Scénario : Andrew Bovell d'après le roman de John Le Carré
Avec : Philip Seymour Hoffman (Günther Bachmann), Rachel McAdams (Annabel Richter), Willem Dafoe ( Tommy Brue), Robin Wright. 



Le film est disponible en DVD et Blu-Ray chez TF1 Vidéo.