jeudi 30 avril 2015

En attendant Cannes

UN PIGEON / EVERY THING WILL BE FINE / CAPRICE / MELODY / THE BIG LEBOWSKI / HYENA

Avec une belle vague d'ensoleillement (qui se termine !) et une relative désertion des salles, le temps cinématographique s'est arrêté. Peu de films vraiment passionnants, beaucoup de mauvais, tout le monde a désormais les yeux rivés sur un petit festival de la Côte d'Azur. La période est surtout propice à se replonger dans l'histoire du cinématographe grâce à la passionnante exposition Lumière au Grand Palais à laquelle Mon Cinématographe consacre un reportage très instructif (voir l'interview de Jacques Gerber), mais aussi à la célébration des 120 ans de Gaumont au Centquatre et à la rétrospective Michelangelo Antonioni à la Cinémathèque dont nous reparlerons plus en détail prochainement. 

Du côté des salles obscures, voici une sélection non-exhaustive de ce qu'on peut aller voir et ce qu'il est préférable d'éviter (on vous aura prévenu !).


UN PIGEON PERCHE SUR UNE BRANCHE PHILOSOPHAIT SUR L'EXISTENCE


Un titre à rallonge pour une œuvre faussement novatrice. Le réalisateur suédois Roy Andersson n'a fait que trois longs métrages en quinze ans et celui-ci a décroché un inexplicable Lion d'Or à la Mostra de Venise. Composé d'une vingtaine de plans fixes, le film se veut le reflet de "l'extrême fragilité de l'humanité". On constate surtout que le cinéaste considère ses personnages comme des rats de laboratoire, maquillés comme des cadavres alors que le réalisateur qualifie lui-même (ironiquement ? ) son œuvre de Trilogie des Vivants, et porte sur eux un regard dédaigneux et quelque peu condescendant. Terriblement répétitif (le procédé formel est toujours le même), pas drôle (alors qu'Andersson le croit "comique") et peu inventif, ce Pigeon finit par nous enfoncer dans un pénible ennui. Un médiocre et assez détestable théâtre de la condition (in)humaine.

Suède / Norvège / France / Allemagne - 1h40
Réalisation et Scénario : Roy Andersson
Avec : Holger Andersson (Jonathan), Nils Westblom (Sam), Charlotta Larsson (Lotta la Boiteuse). 


EVERY THING WILL BE FINE 


S'entourer des meilleurs collaborateurs n'est pas forcément un gage de réussite, bien au contraire. Wim Wenders en fait tristement les frais avec son nouveau long métrage pour lequel il a convié Benoît Debie, le chef opérateur de Gaspar Noé, et le compositeur oscarisé Alexandre Desplat. Le premier signe une photo chichiteuse et esthétisante tandis que le second réalise une partition platement hermanienne. Wim Wenders a jeté son dévolu sur un scénario du norvégien Bjorn Olaf Johannessen racontant comment un écrivain tente de se remettre de l'accident qui l'a vu heurter mortellement un petit garçon avec sa voiture. L'écrivain en question est joué par l'insipide James Franco dont on guette à chaque plan ou presque s'il ne va pas s'endormir tellement il semble en état de léthargie permanente. Autour de lui, une galerie d'actrices qui n'a pas grand chose à jouer (Charlotte Gainsbourg, Rachel McAdams, Marie-Josée Croze) et un cinéaste qui ne sait pas quoi filmer. Coupable d'une mise en scène très datée composée de mouvements d'appareil superflus et de multiples fondus au noir censés créer d'inutiles ellipses, Wim Wenders ne nous passionne guère et on se dit que le cinéaste a définitivement perdu le terrain de la fiction au profit, heureusement, du documentaire pour lequel il retrouve de tant à autre de l'inspiration (Pina, Le Sel de la Terre). 

Allemagne / Canada / France / Suède / Norvège - 1h55
Réalisation : Wim Wenders - Scénario : Bjorn Olaf Johannessen
Avec James Franco (Tomas Eldan), Charlotte Gainsbourg (Kate), Marie-Josée Croze (Ann), Rachel McAdams (Sara). 
 

CAPRICE


Pétillant comme une bulle de champagne le nouveau film d'Emmanuel Mouret ? Pas tout à fait. Mais une récréation plutôt plaisante dans laquelle l'acteur/cinéaste est (encore) l'objet de toutes les attentions féminines, ici délicieusement incarnées par Virginie Efira et Anaïs Demoustier. Mouret retrouve son éternel costume de séducteur un peu gauche qui va passer de femme en femme au milieu d'un décor très parisien, presqu'irréel. Un film à la française, vaguement démodé comme les aime les américains, qui possède un charme indéniable et n'est pas sans rappeler un certain Woody Allen auquel Mouret empreinte les mêmes tonalités photographiques mordorées. Il souffre tout de même d'un rythme trop lâche et de péripéties convenues. Mais le rendez-vous n'est pas désagréable. 

France - 1h40
Réalisation et Scénario : Emmanuel Mouret 
Avec : Emmanuel Mouret (Emmanuel), Virginie Efira (Alicia), Anaïs Desmoutier (Caprice), Laurent Stocker (Thomas). 


MELODY 


Bernard Bellefroid n'a pas choisi la facilité pour son second long métrage. Melody raconte comment une jeune femme décide, afin de devenir propriétaire de son salon de coiffure, de porter le bébé d'une autre pour une importante somme d'argent. On pourrait imaginer un film à thèse sur la GPA mais le réalisateur, dans le première partie du moins, préfère explorer finement et délicatement les points de vue des deux femmes et les difficultés évidentes d'une telle relation. Le film ne se positionne pas pour ou contre ce sujet sociétal hautement polémique même s'il pointe les conséquences d'un tel choix et les questions éthiques qu'il soulève. Dommage que Bernard Bellefroid n'aille pas au bout de son propos, bifurquant vers le mélo dans le dernier tiers, ce qui a comme conséquence d'évacuer son caractère dérangeant. Reste un film porté par deux magnifiques actrices, Rachael Blake et Lucie Debay. En salles le 6 mai. 

Belgique / Luxembourg / France - 1h32
Réalisation : Bernard Bellefroid - Scénario : Bernard Bellefroid, Carine Zimmerlin, Anne-Louise Trividic et Marcel Beaulieu
Avec : Rachael Blake (Emily), Lucie Debay (Melodie), Don Gallagher (Gary). 

THE BIG LEBOWSKI 


Le Dude revient dans une copie numérique restaurée de ce qui reste comme le chef d’œuvre le plus barré et halluciné des frères Coen, futurs présidents du jury du Festival de Cannes. Un film  totalement prafadingue, contenant au moins une idée par plan, avec de nombreuses scènes d'anthologie (ah Jesus !) et des acteurs extraordinaires (Jeff Bridges, John Goodman, John Turturro et tant d'autres...) Une œuvre culte (après une réception mitigée à sa sortie) qu'on ne se lasse pas de revoir et qui incarne à merveille l'esprit génial des frangins qui, on ne le mesure pas toujours, ont non seulement sublimé les joueurs de bowling comme personne mais ont surtout révolutionné le cinéma contemporain. Il faut savoir que le film a engendré de nombreux clubs de fans à travers les Etats-Unis qui se réclament tous de Mr Lebowski et de son incontournable White Russian.

Etats-Unis - 1998 - 1h57
Réalisation et Scénario : Joel et Ethan Coen 
Avec : Jeff Bridges (The Dude), John Goodman (Walter Sobchak), Steve Buscemi (Donny), Julianne Moore (Maude Lebowski), John Turturro.


HYENA 


Enfin, le film qu'il ne faut pas manquer est l'impressionnant Hyena de Gerard Johnson, récompensé par le Prix du Jury au festival de Beaune. Un polar brutal et sans concession qui voit un flic corrompu affronter à Londres une terrifiante mafia albanaise. Si le genre semble rebattu, Gerard Johnson lui procure une très grande intensité grâce à sa direction d'acteurs au cordeau et à son authenticité qui nous glace d'effroi. 

Vous pouvez retrouver l'interview que le réalisateur nous a accordée où il revient sur ses méthodes de travail, proches du documentaire, et sur son choix d'un final audacieux et culotté. A noter que le film sort en salles le 6 mai et qu'il est interdit aux -16ans.

Antoine Jullien

Grande-Bretagne - 1h52
Réalisation et Scénario : Gerard Johnson
Avec : Peter Fernandino (Michael), Stephen Graham (David Knight), Elisa Lasowski (Ariana).

mercredi 29 avril 2015

L'exposition Lumière au Grand Palais


Une fois n'est pas coutume, le Grand Palais accueille depuis le 27 mars une exposition de cinéma consacrée aux frères Lumière. A l'occasion de 120ème anniversaire de la naissance du Cinématographe, l'Institut Lumière de Lyon organise cette exposition dédiée aux inventions de Louis et Auguste Lumière. 

En dehors de l'image de pionniers qu'ils se sont forgés, on découvre également que Louis est considéré comme l'inventeur du cinéma moderne. On peut d'ailleurs visionner pour la première fois les 1500 films Lumière dont certains, signés par l'opérateur Gabriel Veyre, sont techniquement révolutionnaires. 

Le Cinématographe Lumière 

A l'inverse de certaines expositions consacrées au 7ème Art, celle-ci est particulièrement visuelle, recréant même le fameux Salon Indien du Grand Café où eu lieu le 28 décembre 1895 la première séance publique payante du cinéma. 

Mon Cinématographe ne pouvait pas passer à côté de cet évènement et vous propose une visite joyeuse et instructive en compagnie de Jacques Gerber, l'un des deux commissaires de l'exposition.

Antoine Jullien

Lumière ! Le cinéma inventé jusqu'au 14 juin au Grand Palais à Paris.
Renseignements : http://www.grandpalais.fr/fr/evenement/lumiere-le-cinema-invente

 

samedi 25 avril 2015

Avengers - L'ère d'Ultron


Boum badaboum, les superhéros de chez Marvel ouvrent en fanfare la saison (de plus en plus précoce) des blockbusters. Toujours écrit et réalisé par le papa de Buffy contre les Vampires, Joss Whedon, nous retrouvons donc Iron Man, Captain America, Hulk et toute la petite famille dans une orgie visuelle et sonore propre à cette franchise.

Cette fois-ci, les Avengers affrontent Ultron, une intelligence artificielle créée accidentellement par le milliardaire mégalomane Tony Stark (aka Iron Man), ayant comme principale caractéristique la capacité de prendre possession de n’importe quelle enveloppe corporelle qu’elle se fabrique. Avec cette pseudo immortalité, Ultron a pour objectif de pacifier le monde (sympa) en éradiquant l’espèce humaine (moins sympa), protégée par la ribambelle de superhéros qui accueille pour l’occasion Quicksilver, la Sorcière Rouge et Vision.

Il faut bien avouer que l’objectif est rempli avec ces 141 minutes de bastons dévastatrices presque sans temps mort. Le fan service est au rendez-vous avec la profusion de personnages issus des comics (une bonne quinzaine), l’humour quasi permanent dans lequel nos héros jouent à « qui est le plus fort ?», et un plan post-générique relançant déjà la machine. On ne s’ennuie pas une seconde même si la trame évolue de façon très poussive dans un univers graphique qui aura bien du mal à affronter l’épreuve du temps.


Et comme à chaque production Marvel, c’est bien sur le fond que le projet bat de l’aile. Avec autant de personnages et des séquences d’action occupant une bonne partie du métrage, il n’est pas étonnant que nos superhéros peinent à prendre de l’épaisseur. Même si on commence à bien connaitre Iron Man/Tony Stark, Steve Rogers/Captain America et Thor, l’ensemble n’arrive jamais à créer de l’émotion dans un scénario qui tente timidement de noircir une franchise éclatante de blancheur (pas de sang à l’image, pas de mort visible (ou presque), rien n’est fait pour oppresser le spectateur).

En ce sens, Avengers : L’ère d’Ultron est symptomatique de notre époque, confrontée à une menace terroriste sans visage se régénérant à l’infini à la moindre branche coupée. Ultron représente assez bien l'ennemi d’un occident en manque de solutions qui aimerait pouvoir faire appel à ces superhéros étincelants, aux valeurs morales irréprochables. Et en tant que spectateurs, on a le droit de rêver… 

Alexandre Robinne 

Etats-Unis - 2h21
Réalisation et Scénario : Joss Whedon d'après le comic book de Stan Lee et Jack Kirby
Avec : Robert Downey Jr. (Tony Stark / Iron Man), Chris Hemsworth (Thor), Mark Ruffalo (Bruce Banner / Hulk), Chris Evans.



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Marvel.

vendredi 24 avril 2015

La sélection du festival de Cannes 2015

© Olivier Vigerie
 
La sélection officielle du 68ème festival de Cannes est désormais complète (il manque seulement le film de clôture). Après une annonce partielle il y a quelques jours, le délégué général Thierry Frémeaux et son équipe ont ajouté plusieurs longs métrages. 19 films sont en Compétition, 4 Hors Compétition, 19 à Un Certain Regard sans compter les Séances Spéciales. 

1854 films ont été soumis au comité de sélection qui n'en n'a retenu qu'une cinquantaine. Un choix souvent cornélien, un tiraillement de tous les instants entre les habitués d'un côté, les films espérés mais pas prêts de l'autre, ceux que les studios n'ont pas voulu montrer et ceux (nombreux !) qui ont été tout simplement refusés par le festival.

 Ethan et Joel Coen, les présidents du Jury

Les réalisateurs Joel et Ethan Coen président le jury composé de Jake Gyllenhaal, Sophie Marceau, Xavier Dolan, Sienna Miller, Guillermo Del Toro, Rossy De Palma et l'auteur Rokia Traoré. On est curieux de voir comment les frangins, primés par le festival à plusieurs reprises (Palme d'Or pour Barton Fink, Grand Prix pour Inside Llewyn Davis, Prix de la mise en scène pour Fargo et The Barber) vont mettre leur grain de sel que l'on espère à leur image, iconoclaste et singulier.

Salma Hayek dans Tale of Tales de Matteo Garrone 

L'Italie tire particulièrement son épingle du jeu en alignant ses trois plus dignes représentants, coutumiers du raout cannois. Nanni Moretti vient pour la septième fois en compétition présenter Mia Madre avec Margherita Buy et John Turturro. Paolo Sorrentino (6ème présence consécutive en compétition !), injustement reparti bredouille en 2013 avec La Grande Bellezza, défendra son nouvel opus, Youth dans lequel Michael Caine et Harvey Keitel font un point sur leur existence dans un luxueux palace au milieu des Alpes. Et Matteo Garrone, déjà auréolé de deux Grands Prix pour Gomorra et Reality, présentera Tale of Tales avec un casting international (Salma Hayek, Vincent Cassel, John C. Reilly). 

Les réalisateurs européens, en pleine expatriation, ont eu cette année la volonté commune de réunir des distributions prestigieuses, du cinéaste norvégien Jaochim Trier, remarqué grâce à Oslo, 31 Août, qui est parti filmer à New-York Isabelle Huppert, Jesse Eisenberg et Gabriel Byrne dans une sombre histoire de famille (Lounder Than Bombs), au grec Yorgos Lanthimos (Canine) qui signe dans les contrées irlandaises The Lobster  une œuvre dixit Frémeaux lui-même "où l'on ne comprend pas tout" et qui réunit Rachel Weisz, Colin Farrel, Ben Whishaw, John C. Reilly et Léa Seydoux. Rien de moins.

Dheepan - L'homme qui n'aimait plus la guerre de Jacques Audiard © Paul Arnaud, WY Productions

Le délégué général a également loué la qualité du cinéma français et l'a prouvé en sélectionnant pas moins de cinq longs métrages tricolores. Dheepan d'abord, le nouveau film très mystérieux de Jacques Audiard, librement inspiré des Lettres Persanes de Montesquieu, qui suit le parcours d'un combattant tamoul qui arrive en France avec femme et enfant. On est en droit d'espérer, au regard de la riche filmographie du cinéaste, une œuvre dense et puissante, à l'image d'Un Prophète. Mais les noms des réalisateurs suivants nous emballent nettement moins, de Valérie Donzelli (Marguerite et Julien) à Maïwenn (Mon Roi) en passant par Guillaume Nicloux qui réunit, 35 ans après Loulou, Depardieu et Huppert dans Valley of Love. A guetter tout de même la présence surprise de Stéphane Brizé, pour la première fois en compétition avec La Loi du Marché et son porte-étendart Vincent Lindon.


Benicio Del Toro dans Sicario de Denis Villeneuve

Les États-Unis se font plutôt discrets cette année, n'alignant que trois films en compétition : le nouveau Gus Van Sant, The Sea of Trees avec Matthew McConaughey et Naomi Watts, Carol de Todd Haynes qui raconte une histoire d'amour entre Rooney Mara et Cate Blanchett dans l'Amérique puritaine des années 50, et enfin Sicario réalisé par le québécois Denis Villeneuve, auteur de l'excellent Prisoners, qui plonge Josh Brolin, Emily Blunt et Benicio Del Toro dans les cartels mexicains. Les Américains seront en revanche très présents Hors Compétition avec le sauvage Mad Max : Fury Road de George Miller, le Woody Allen annuel (Irrational Man) et les deux films d'animation les plus attendus de l'année : Vice-Versa, la dernière création des studios Pixar et Le Petit Prince de Mark Osborne, adaptation en 3D du chef d’œuvre de St Exupery. Joli doublé ! 

L'Asie revient en force et les fans de Hou Hsiao Hsien peuvent trépigner d'impatience à l'idée de découvrir sa nouvelle œuvre, The Assassin, un film d'art martiaux à la destinée chaotique dont le tournage s'est interrompu plusieurs fois. A ses côtés, le chinois Jia Zhang-Ke proposera aux festivaliers Mountains may depart et le japonais Hirokazu Kore-Eda, qui s'était offert un joli succès il y a deux ans grâce à Tel Père, Tel Fils, présentera Notre Petite Sœur. 

Marion Cotillard et Michael Fassbender dans Macbeth de Justin Kurzel

Parmi les curiosités, deux longs métrages que l'on attendait pas : une nouvelle adaptation de Macbeth par l'australien Justin Kurzel, le réalisateur des Crimes de Snowtown, interprété par Michael Fassbender et Marion Cotillard, et un premier film hongrois de Laszlo Nemes, Le Fils de Saül, deux jours de la vie d'un prisonnier du camp d'Auschwitz qui pourrait susciter la polémique. 

Il est intéressant de constater que plusieurs noms attendus en compétition se retrouvent dans les autres sections, soit à Un Certain Regard soit à la Quinzaine des Réalisateurs, d'Arnaud Desplechin (Trois Souvenirs de ma jeunesse) à Apichatpong Weerasethakul (Cemetery of Spendour) en passant par Miguel Gomes (Les Mille et Une Nuits d'une durée dépassant les 6h, découpé en trois parties) et Brillante Mendoza (Taklub).

Le Tout Nouveau Testament de Jaco Van Dormael

Enfin, si on ne rit pas à beaucoup à Cannes (devant les films, du moins !), Jaco Van Dormael pourrait dérider nos zygomatiques grâce à son Tout Nouveau Testament dans lequel Dieu (Benoît Poelvoorde) habite Bruxelles et serait un sale type. Et Gaspar Noé pourrait définitivement faire monter la température avec la présentation de Love en Séance de Minuit. décrit par son distributeur comme "un mélodrame sexuel, sur un garçon, une fille et une autre fille." Miam !

Mon Cinématographe couvrira l'évènement et vous pourrez retrouver, comme l'an passé, des chroniques vidéo quotidiennes sur le festival.

Antoine Jullien

 
Sélection officielle - En Compétition

Dheepan de Jacques Audiard - Sortie le 26 août
La loi du marché de Stéphane Brizé - En salles 
Marguerite et Julien de Valérie Donzelli - 2 décembre
Tale of Tales de Matteo Garrone - 1er juillet
Carol de Todd Haynes - 13 janvier 2016
The Assassin de Hou Hsiao Hsien - 9 mars 2016
Mountains may depart de Jia Zhang-Ke - 23 décembre
Notre petite soeur de Hirokazu Kore-Eda - 28 octobre
Macbeth de Justin Kurzel - 18 novembre
The Lobster de Yorgos Lanthimos - 28 octobre
Mon Roi de Maïwenn - 21 octobre
Mia Madre de Nanni Moretti - 2 décembre
Le Fils de Saul de Laszlo Nemes - 4 novembre
Youth de Paolo Sorrentino - 9 septembre
Plus fort que les bombes de Joachim Trier - 9 décembre
The Sea of Trees de Gus Van Sant
Sicario de Denis Villeneuve - 7 octobre
Valley of Love de Guillaume Nicloux - En salles
Chronic de Michel Franco - 21 octobre

Hors-Compétition 

La Tête Haute d'Emmanuelle Bercot - Film d'ouverture - En salles
L'Homme irrationnel de Woody Allen - 14 octobre
Vice-Versa de Pete Docter - En salles 
Mad Max : Fury Road de George Miller - En salles 
Le Petite Prince de Mark Osborne - 29 juillet

68ème Festival de Cannes du 13 au 24 mai.  

La Sélection Officielle : http://www.festival-cannes.com/fr.html
La Quinzaine des Réalisateurs  : http://www.quinzaine-realisateurs.com/
La Semaine de la Critique : http://www.semainedelacritique.com/

jeudi 23 avril 2015

Le festival Play It Again

 
Le festival Play It Again (référence à la fameuse réplique de Casablanca) fête sa première édition. La manifestation, organisée par l'Association des Distributeurs des Films du Patrimoine et destinée au grand public, a lieu dans plus de 100 villes dans toute la France. 

Au programme, une sélection de 15 classiques du cinéma en version restaurée avec notamment Le Bon, La Brute et Le Truand de Sergio Leone, Paris-Texas de Wim Wenders, The Servant de Joseph Losey, Playtime de Jacques Tati et Persona d'Ingmar Bergman. 

Quelques avant-premières sont également proposées dont les reprises du Grand Embouteillage de Luigi Comencini et The Rose de Mark Rydell. 

Festival Play It Again jusqu'au 28 avril. 
Renseignements : facebook.com/festivalplayitagain




mercredi 22 avril 2015

Good Kill


Le nouveau film d'Andrew Niccol rejoint la longue liste des longs métrages ayant vertement critiquer l'intervention américaine au Moyen-Orient, de Green Zone à Redacted en passant par Jarhead et Dans la vallée d'Elah. Le réalisateur de Lord of War, un pamphlet virulent et impitoyable sur l'attitude des États-Unis en Afrique, traite cette fois de l'usage abusif des drones censés tuer les Talibans. Au moment où triomphe le très patriotique American Sniper, il fallait oser s'attaquer à la toute puissante armée américaine et remettre ainsi en question l'héroïsme de ses soldats, dépeints ici comme des manipulateurs de joysticks, perdant peu à peu le sens des réalités d'un conflit qui les dépassent.

Le commandant Tommy Egan (Ethan Hawke) est un pilote de drone et combat les Talibans douze heures par jour depuis sa base de Las Vegas. Le soir, il retrouve ses enfants et sa femme (January Jones) avec laquelle il entretient des rapports conflictuels. De plus en plus fébrile, il finit par douter du bien fondé de sa mission et des ordres très discutables qu'on lui commande.

Zoë Kravitz, Bruce Greenwood et Ethan Hawke

La très bonne idée d'Andrew Niccol est d'avoir situé son récit à Las Vegas, le temple du jeu et de l'artifice alors que le personnage d'Ethan Hawke semble être lui-même devenu un adepte des jeux vidéos, à voir la façon dont il manie les commandes du drone, rivé à son écran de contrôle, prêt à lancer l'attaque à la moindre apparition d'un suspect. La facilité déconcertante avec laquelle il tue, tranquillement installé dans un baraquement au milieu du désert du Nevada, ne peut qu'interpeller. Le cinéaste dénonce très clairement la manière dont les Etats-Unis utilise leur guerre contre le terrorisme. Les images de victimes innocentes décimées par ces bombardements à distance, considérés par l'armée comme de simples dommages collatéraux, est filmiquement très efficace. On ne verra d'ailleurs jamais le drone dans son entier mais l'image qu'il renvoie. Le conflit devient presque virtuel, ne se reflétant qu'à travers la caméra de l'aéronef. Une guerre "propre" pour ainsi dire.

Mais Andrew Niccol ne fait par la suite que répéter son procédé de mise en scène et, à l'inverse de Lord Of War, cède aux clichés. La rédemption est nécessairement au bout du chemin et notre "héros" va bien évidemment s'opposer à ces méthodes devenues inacceptables. Le geste final qu'il croit devoir accomplir, douteux et assez répugnant, finit par se retourner contre les louables intentions du film. Good Kill n'est plus l’œuvre polémique qu'elle prétend être mais avalise en réalité maladroitement ce qu'elle était supposée dénoncer. Un coup d'épée dans l'eau en somme qui ne redore que très partiellement le blason d'un cinéaste jadis beaucoup plus inspiré et audacieux.

Antoine Jullien

Etats-Unis - 1h42
Réalisation et Scénario : Andrew Niccol
Avec : Ethan Hawke (Tom Egan), January Jones (Molly Egan), Bruce Greenwood (Jack Johns), Zoë Kravitz (Vera Suarez). 



Disponible en DVD chez TF1 Vidéo.

mardi 21 avril 2015

Enfant 44


"Dans le paradis soviétique, le crime n'existe pas" selon Joseph Staline. Et il n'était pas bon de contredire la doctrine du "Petit Père des Peuples" comme va l'apprendre à ses dépends un agent russe confronté à des meurtres d'enfants. En adaptant le roman de Tom Rob Smith, le réalisateur suédois Daniel Espinosa, remarqué grâce à Easy Money, nous plonge dans une période particulièrement sombre où la répression et les menaces étaient constantes.

En 1952, Leo Demidov (Tom Hardy) est un brillant agent de la police secrète soviétique promis à un grand avenir au sein du Parti. Lorsque le corps d'un enfant est retrouvé sur une voie ferrée, il est chargé de classer l'affaire, les autorités voulant faire croire à un accident. Mais rapidement, le doute s'installe dans la tête de Léo et il découvre que d'autres enfants sont morts dans les mêmes circonstances. Soupçonné de trahison, il est contraint de quitter Moscou avec sa femme (Noomi Rapace). Il décide alors de se lancer dans une enquête qui va les mener vers un insaisissable tueur en série. 

Tom Hardy

Daniel Espinosa recrée brillamment cette période que certains de nos intellectuels ont tant voulu glorifier. Loin des promesses de l'idéal communiste, les personnages ont la tête immergée dans une société hautement paranoïaque où chacun espionne son prochain. Cette atmosphère de suspicion très pesante irrigue le film en permanence, renforcée par un réel souci d'authenticité porté par la photographie, les décors et les costumes. Le livre dont le film est inspiré évoque la vie réelle du serial killer Andrei Chikatilo, surnommé "L'éventreur de Rostov", exécuté en 1994 après avoir été reconnu coupable du meurtre et de la mutilation de cinquante-deux femmes et enfants en Russie Soviétique au début des années 50. 

Tom Hardy et Noomi Rapace

L'intrigue, haletante, est soutenue par le charisme de Tom Hardy et la détermination de Noomi Rapace. Une union boiteuse au départ car il s'agit d'un couple par défaut qui va, à l'épreuve des circonstances, devoir combattre ensemble un régime qui les considèrent comme "des ennemis du peuple". Le couple vedette, déjà à l'affiche de Quand Vient La nuit (voir l'interview de Michael R. Roskam) éclipse les autres personnages, à peine esquissés. On regrette également que Daniel Espinosa cède trop souvent à l'efficacité au détriment de l'intériorité, enrobant le film d'une musique platement illustrative et le concluant de manière trop appuyée. Il escamote également certains pans du livre, notamment l'enfance du héros durant la famine ukrainienne et les motivations réelles du tueur.

Mais alors que le long métrage est interdit en Russie où la réhabilitation de "l’œuvre stalinienne" est en marche, Enfant 44, malgré la relative indifférence qui l'entoure, a la mérite de revenir sur l'un des pires totalitarismes de notre Histoire. Et s'il n'est pas le grand film historique qu'il n'a jamais prétendu incarner, il est surtout un thriller de bonne facture. Au moins une bonne raison d'aller le découvrir.

Antoine Jullien

Etats-Unis / Grande-Bretagne / République Tchèque / Roumanie - 2h17
Réalisation : Daniel Espinosa - Scénario : Richard Price d'après le livre de Tom Rob Smith
Avec : Tom Hardy (Leo Demidov), Noomi Rapace (Raisa Demidov), Gary Oldman (Genéral Mikhail Nesterov), Joel Kinnaman (Vasili).



Disponible en DVD et Blu-Ray chez M6 Vidéo.

vendredi 17 avril 2015

Mon Cinématographe à Beaune : Les hommages à Brasseur, Tavernier et McTiernan


Le 7ème Festival du Film Policier de Beaune a rendu hommage à plusieurs personnalités. L'acteur Claude Brasseur, plus de 80 films au compteur dont de nombreux polars et un César pour La Guerre des Polices, a été honoré par la présidente du jury, Danièle Thompson qui avait co-signé le scénario de La Boum dans lequel Claude Brasseur jouait le père de Sophie Marceau puis l'avait dirigé quelques années plus tard dans Fauteuils d'orchestre.


Le réalisateur Bertrand Tavernier, infatigable défricheur de films et éternel passionné de cinéma, a reçu également un prix pour l'ensemble de son œuvre, reconnaissant lui-même que "ça sentait un peu le sapin". Le cinéaste a signé plusieurs polars de référence dont L.627 sur la brigade des stups et Dans La Brume Electrique d'après le roman de James Lee Burke qui lui avait valu de remporter le Grand Prix du Festival de Beaune, des mains de Claude Chabrol. 

Enfin, le cinéaste américain John McTiernan semble apprécier les festivals français. En effet, après Deauville l'an dernier, Beaune lui rendait à son tour hommage. Le réalisateur de Piège de Cristal et A la poursuite d'Octobre Rouge est venu chercher sa récompense, en toute décontraction.

Ainsi s'achève ce panorama, libre et exhaustif. Rendez-vous l'année prochaine !

Antoine Jullien

jeudi 16 avril 2015

Mon Cinématographe à Beaune : Interview de l'équipe des Enquêtes du Département V

 
Lors du 7ème Festival du Film Policier de Beaune, Mon Cinématographe est allé à la rencontre de l'équipe des films Les Enquêtes du Département V, le réalisateur Mikkel Nørgaard et l'acteur Fares Fares qui interprète le policier Hafez. Deux thrillers nordiques efficaces à défaut d'être très surprenants.  

Adaptés des best-sellers de l'auteur danois Jussi Adler Olsen, le premier volet, Miséricorde, est disponible en VOD alors que le second, Profanation, est à voir en salles depuis le 8 avril.

Une nouvelle stratégie de distribution que nous explique le réalisateur.

Antoine Jullien

Danemark - 1h37 et 1h59
Réalisation : Mikkel Nørgaard - Scénario : Nikolaj Arcel d'après les romans de Jussi Adler Olsen.
Avec : Nicolaj Lie Kaas (Carl Morck), Fares Fares (Hafez el-Assad).

mercredi 15 avril 2015

Mon Cinématographe à Beaune - Interview de Gerard Johnson pour Hyena

Mon Cinématographe était le mois dernier au 7ème Festival du Film Policier de Beaune et vous propose un large panorama de la manifestation. 

Huit longs métrages étaient en compétition sous l’œil du jury présidé cette année par la réalisatrice Danièle Thompson. Après sa présentation remarquée à la dernière Berlinale, Victoria de Sebastian Schipper a remporté le Grand Prix. Le long métrage a séduit par son tour de force technique, à savoir un unique plan séquence de 2h20 dans les rues de Berlin qui raconte comment une jeune fille en apparence innocente devient la complice de braqueurs désœuvrés. Un film impressionnant mais qui, vidé de son dispositif, demeure trop long et un peu vain. Il sortira le 1er juillet.

L'actrice Laïa Costa, héroïne de Victoria

Parmi les autres films remarqués, citons l'excellent Jamais de la vie de Pierre Jolivet (actuellement en salles), injustement reparti bredouille, et La Isla Minima d'Alberto Rodriguez, un polar espagnol se déroulant durant les années post-Franco où deux flics enquêtent sur une disparition. Un film formellement très abouti à contrario de son scénario dont la fin est malheureusement expédiée. En salles le 15 juillet. 

 Le réalisateur de Hyena, Gerard Johnson

Mais le film qui a le plus retenu notre attention est Hyena de Gerard Johnson, distingué par le Prix du Jury (ex-equo). Une oeuvre sans concession, brutale et violente, sur le descente aux enfers d'un flic corrompu aux prises avec une terrifiante mafia albanaise. 

Nous avons rencontré Gerard Johnson qui revient avec nous sur ce film marquant qui sortira sur nos écrans le 6 mai prochain. 

Antoine Jullien

Grande-Bretagne - 1h52
Réalisation et Scénario : Gerard Johnson
Avec : Peter Fernandino (Michael), Stephen Graham (David Knight), Elisa Lasowski (Ariana). 


Disponible en DVD et Blu-Ray chez Wild Side Vidéo. 

Taxi Téhéran


"Je suis un cinéaste. Je ne peux rien faire d'autre que réaliser des films. La cinéma est ma manière de m'exprimer et ce qui donne un sens à ma vie. Rien ne peut m'empêcher de faire des films, et lorsque je me retrouve acculé, malgré toutes les craintes la nécessité de créer devient encore plus pressante. Le cinéma comme art est ce qui m'importe le plus. C'est pourquoi je dois continuer à filmer quelles que soient les circonstances, pour respecter ce en quoi je crois et me sentir vivant". Jafar Panahi

Ces mots du réalisateur iranien résument admirablement l'état dans lequel il se trouve aujourd'hui. Condamné à ne plus réaliser de films, écrire de scénarios, donner d'entretiens à la presse et sortir de l'Iran pour une durée indéterminée sous peine de vingt ans d'emprisonnement, Jafar Panahi accomplit, avec Taxi Téhéran (Ours d'Or au festival de Berlin), un geste politique et cinématographique d'une force peu commune. Si le pouvoir iranien ne veut plus de lui, alors c'est la civilisation iranienne qui rentrera dans sa voiture le temps d'un film. Installé au volant de son taxi, le cinéaste sillonne les rues de Téhéran et dresse un portrait personnel et sagace d'un pays pétri de contradictions. 

Jafar Panahi

Muni d'un dispositif de plusieurs caméras dissimulées dans son taxi, Panahi a ainsi pu tourner sans attirer l'attention. Une étrange liberté émane du film alors que le cinéaste est pourtant jugé "hors-la-loi". Il a convié des acteurs non-professionnels dont des connaissances et des amis pour ce qui ressemble à un faux documentaire. Une impression renforcée par l'habileté dont faire preuve le réalisateur en mélangeant la réalité et la fiction, certains passagers le reconnaissant tandis que d'autres le prenant pour un vrai chauffeur. Peu loquace, Jafar Panahi devient le spectateur de son film, écoutant les histoires qu'on lui raconte, les récriminations qu'on lui adresse, les encouragements discrets à la résistance. Une riche galerie de personnages à laquelle appartient sa nièce, une jeune fille au caractère bien trempé qui doit faire un exposé sur l'Iran. A travers elle et sa petite caméra, c'est toute l'absurdité du régime que dénonce subtilement la réalisateur. Une société tendue et violente qui brime la condition des femmes.

Nasrin Sotoudeh

A cet instant apparaît Nasrin Sotoudeh, une militante des droits de l'homme incarcérée durant trois années et interdite d'exercer son métier d'avocate. Elle critique "la société convenable" selon la loi iranienne dans laquelle les femmes n'ont pas le droit d'assister à un match de volley-ball masculin à l'instar de l'un des films précédents de Panahi, Hors-jeu, qui évoquait un cas similaire. A la fin de son parcours, elle dépose une rose sur le rebord du pare-brise symbolisant les amoureux du cinéma. Une magnifique image qui témoigne de l'importance vitale qu'accorde Panahi au Septième Art, à voir les nombreuses références à son métier, à ses films (un peu trop peut-être) et à cette devise qu'il professe à l'un de ses passagers : "Chaque film mérite d'être vu"

Malgré un procédé qui n'est pas inédit, Abbas Kiarostami l'ayant déjà pratiqué dans Ten, et dont Panahi se sent parfois à l'étroit, Taxi Téhéran est une oeuvre indispensable qui, par son caractère tristement singulier (il est interdit en Iran), ne peut pas se regarder comme n'importe quel film. L'écran noir qui le ponctue, glaçant, nous rappelle à quel point la liberté de s'exprimer est fondamentale. Une évidence que certains ont trop tendance à vouloir oublier. 

Antoine Jullien

Iran - 1h22
Réalisation et Scénario : Jafar Panahi
Avec : Jafar Panahi, Nasrin Sotoudeh. 


Disponible en DVD chez Memento Films

mardi 14 avril 2015

Pourquoi j'ai pas mangé mon père


Jamel Debbouze est une valeur sûre du cinéma français, un acteur qui remplit les salles presque à chaque film. Il n’est donc pas étonnant de le voir aux commandes d’un premier film armé de 40 M€. Au risque de se compliquer la tâche, le natif de Trappes fait ses armes avec un film d’animation utilisant la performance capture, une technologie qui retranscrit le jeu des acteurs sur des personnages numériques. Pourquoi j’ai pas mangé mon père représente donc un défi artistique et technologique très ambitieux pour un novice de la réalisation qui décide de se frotter directement aux cadors tels que Pixar, Dreamworks et Disney. Jamel a, comme à son habitude, largement contribué à la promotion du film en enchainant les apparitions télévisées, accompagné parfois de son double numérique dans des mini-spectacles sans queue ni tête servant avant tout à mettre en valeur l’aspect technique du film, un peu comme l’avait fait Alain Chabat avec le Marsupilami il y a 3 ans. Mais à force de voir partout le nom ou la bouille de l’humoriste, on en vient à penser qu’il a fait le film tout seul, dans son coin.

Pourquoi j’ai pas mangé mon père
raconte l’histoire d’Édouard, un jeune singe, descendant direct du roi des Simiens, chassé à sa naissance par son propre père qui le trouvait trop chétif. Vivant à l’écart de sa tribu avec son ami Ian, il passe son temps à inventer diverses choses jusqu’au jour où ses astuces commencent à révolutionner la vie de cette petite communauté. Se sentant menacé, son frère Vania cherche alors à se débarrasser de cet ingénieux intrus.


On connait bien Jamel Debbouze et le film lui ressemble. Prônant l’égalité entre tous sur fond de musique funk, le réalisateur en herbe livre un film généreux mais bordélique à souhait, un fourre-tout à idées recyclant Le Roi Lion tout en ressuscitant Louis de Funès. Et ça part dans tous les sens ! À tel point que le film perd très rapidement son fil conducteur et enchaîne les sketches rarement drôles mettant exclusivement en avant le réalisateur-acteur-scénariste. Pire encore, le scénario multiplie les incohérences grossières qui transforment sans aucun gène une forêt vierge en savane africaine peuplée d’Autruches cornues à carapace de tortues (!!) et de ptérodactyles préhistoriques. Rien n’est fait pour que le spectateur adhère à ce monde anarchique, et force est de constater que si, tel Quentin Tarantino, les références font un film, encore faudrait-il savoir les exploiter.


On peut aussi reprocher à Pourquoi j’ai pas mangé mon père son caractère artistique à côté de la plaque. Il ne suffit pas à des acteurs d’imiter le singe pour donner aux personnages numériques une gestuelle de singe crédible. N’est pas Andy Serkis (acteur qui se cache derrière le King Kong de Peter Jackson) qui veut. La faute n’est cependant pas imputable aux techniciens qui ont œuvré sur le projet mais plutôt à l’incapacité de ses concepteurs à créer un univers visuel original. Et c’est d’autant plus dommageable que l’on sent derrière cette esthétique pauvre une puissance financière et technologique permettant sans doute de rivaliser avec les studios américains. Après tout, Moi, moche et méchant 2 et le futur Minions sont des films fabriqués dans l’hexagone.

Alors oui, Jamel s’est pris les pieds dans le tapis pour ce premier film. Mais faut-il rappeler une nouvelle fois qu’un film ne se fait pas seul. D’ailleurs, l’humoriste n’est même pas à l’origine du projet, n’a pas écrit la première version du scénario et n’est pas l’unique réalisateur du film, comme on a tendance à le croire aujourd’hui. Pourquoi j’ai pas mangé mon père est aussi et surtout l’œuvre (ou le désastre) de Frédéric Fougea qui porte cette adaptation de Roy Lewis depuis plus de vingt ans, ayant coécrit le premier jet du script (retravaillé avec Jamel), puis ayant produit et co-réalisé (officieusement) le film. Totalement absent de la promotion, c’est à l’humoriste de porter seul l’échec de ce long-métrage. La nouvelle définition du mot paratonnerre en quelque sorte…

Alexandre Robinne

France - 1h35
Réalisation : Jamel Debbouze - Scénario : Jamel Debbouze, Frédéric Fougea et Jean-Luc Fromental d'après l'oeuvre de Roy Lewis. 
Avec : Jamel Debbouze (Edouard), Mélissa Theuriau (Lucy), Arié Elmaleh (Ian), Diouc Koma (Vania).



Disponible en DVD et Blu-Ray chez Pathé Vidéo.

vendredi 10 avril 2015

La nouvelle saison de True Detective

 
Les séries ont rarement le droit de citer dans Mon Cinématographe pour que l'on s'arrête sur celle qui est devenue une référence du genre. Diffusée l'an passé sur HBO, la première saison de True Detective a secoué le cocotier télévisuel en proposant au public une enquête tortueuse et passionnante dans les tréfonds de la Louisiane. Un choc esthétique (la réalisation étincelante de Cary Fukanaga) doublé d'une interprétation en apesanteur dominée par les prodigieux Matthew McConaughey et Woody Harrelson, deux policiers aux prises avec leurs démons.

Le créateur de la série, Nick Pizollato, a décidé de remettre son titre en jeu en changeant toutes ses cartes. En effet, les acteurs initiaux disparaissent au profit d'un nouveau casting et d'une nouvelle intrigue basée cette fois à Los Angeles. Colin Farrell interprète un flic pourri, Vince Vaughn un mafieux local et Rachel McAdams une inspectrice. Si ce choix pouvait lasser quelque peu dubitatif, les premières images de cette saison 2 nous rassurent pleinement.

 
On replongera avec délectation dans l'univers sinueux de True Detective dès le 21 juin pour huit semaines de diffusion. En attendant, les mordus de séries pourront se rendre dès le 17 avril au Forum des Images à Paris pour la 6ème édition de Séries Mania. Une occasion de découvrir en avant-première des programmes inédits venus des quatre coins de la planète et aussi d'assister à des conférences données par des showrunners de renom, notamment Matthew Weiner, le créateur de Mad Men qui achève sa dernière saison, et le réalisateur Lee Daniels, producteur de la série Empire sur le monde de la musique. Et pour les noctambules, vous pourrez passer une nuit marathon avec la première partie de la nouvelle saison de Walking Dead. L'entrée est gratuite.

Antoine Jullien

True Detective - Saison 2 à partir du 21 juin sur HBO
Séries Mania - Saison 6 du 17 au 26 avril au Forum des Images à Paris. 
Renseignements : http://series-mania.fr/


mercredi 8 avril 2015

Jamais de la vie

 
Le réalisateur Pierre Jolivet est un touche à tout qu'on a parfois du mal à classer. Il aimerait sans doute la remarque et sa filmographie le démontre, allant d'un côté vers le film policier (Fred, Mains Armées), de l'autre vers la comédie (Ma petite entreprise), lorgnant même vers le film médiéval (Le frère du Guerrier). Le point commun qui unit presque tous ses films est un certain attachement à une réalité sociale dont il se dit très sensible. Avec Jamais de la vie, le cinéaste signe sans conteste l'un de ses meilleurs films et offre un grand rôle à un comédien qui peut décidément tout jouer : Olivier Gourmet. 

Frank, 52 ans, est gardien de nuit dans un parking d'un centre commercial. Ancien délégué syndical dans une entreprise, il est aujourd'hui le spectateur fataliste de sa propre vie. Une nuit, il voit un 4x4 rôder sur le parking et sent que quelque chose se prépare. Il décide alors d'intervenir. Une occasion unique pour lui de reprendre sa vie en main. 

Marc Zinga et Olivier Gourmet

Un film se résume parfois à un visage. Celui d'Olivier Gourmet est presque une œuvre en soi tant il raconte tout de ce personnage, un homme dont la vie semble être déjà derrière lui, sans futur ni perspective. Une existence autrefois vécue dans le combat et l'engagement et désormais ballottée entre un HLM de banlieue et un parking de grande surface. L'acteur est une fois encore impressionnant de retenue et de présence, lui qui est autant crédible un jour en flic dans L'Affaire SK1 que le lendemain en ministre dans L'Exercice de l'Etat. D'une justesse confondante, le comédien, tout en rage contenue, est le véritable moteur du film et sa principale raison d'être. Autour de lui gravite une troupe d'acteurs formidables, de Valérie Bonneton à Marc Zinga en passant par Julie Ferrier et Thierry Hancisse. 


Très inspiré par son casting, Pierre Jolivet l'est également dans sa retranscription à l'écran d'une réalité sociale éprouvante. Jamais misérabiliste, le cinéaste porte un regard sensible et parfois bouleversant sur ses personnages qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts. Grâce à une caméra alerte et une économie de mots remarquable, il filme la détresse humaine au quotidien, les arrangements et les petits trafics mais aussi une forme discrète de solidarité et d'entraide.

Quand il arrive enfin un évènement dans la vie de Frank, l'homme pense détenir une opportunité pour que les choses changent enfin. Mais à sa manière. Le polar s'invite alors judicieusement dans le récit en décuplant l'intensité du film dans son dernier tiers. Ce qui n'empêche pas Pierre Jolivet de faire une pause dans son intrigue à travers la virée nocturne et tristement alcoolisée de Frank dans la capitale. Loin des autres et plus encore de lui-même, le révolté d'antan s'est mué en homme résigné avant d'accomplir son dernier acte de justicier. Le final, noir et désespéré, nous saisit. Plus que n'importe quel reportage édifiant, Jamais de la vie est le portrait âpre et lucide d'une société vissée pour qui le mot "avenir" dessine des contours de plus en plus flous.

Antoine Jullien

France - 1h35
Réalisation et Scénario : Pierre Jolivet 
Avec : Olivier Gourmet (Frank), Valérie Bonneton (Mylène), Marc Zinga (Ketu), Thierry Hancisse (Etienne), Julie Ferrier (Jeanne). 


Disponible en DVD chez Ad Vitam. 

lundi 6 avril 2015

Mon Cinématographe dans La Grande Séance


Mon Cinématographe a participé le 1er avril dernier (et ce n'est pas une blague !) à l'émission La Grande Séance sur Séance Radio, la webradio 100% cinéma, animée par Bruno Cras en compagnie d'Antoine Sire et des blogueuses Claire Fayau (Le Genou de Claire) et Tiphanie Deleau (Screen Review).

L'invité de l'émission était le réalisateur Denis Dercourt qui est venu nous parler de son nouveau long métrage En Equilibre avec Albert Dupontel et Cécile de France (en salles le 15 avril).

Le débat portait sur l'utilisation de la 3D au cinéma avec de farouches détracteurs et quelques rares supporters (dont votre aimable serviteur). 

Bonne écoute !

Antoine Jullien

vendredi 3 avril 2015

Shaun Le Mouton



Shaun le Mouton est le héros d’une série télévisée anglaise créée en 2007 par Nick Park, réalisateur du génial Chicken Run et du délirant Wallace et Gromit : le Mystère du Lapin-garou. Après 120 épisodes pour le petit écran, voilà qu’il débarque dans nos salles obscures dans une version longue de 85 minutes, sous la direction de Mark Burton et Richard Starzack. Tradition du studio Aardman oblige *, le film utilise la technique du stop motion (pâte à modeler animée image par image) tout en préservant le ton de la série destinée en premier lieu aux tout petits. Mais les bonnes séries télévisées supportent parfois difficilement leur transposition dans un format long. Shaun en est-il un nouvel exemple ?

Tout comme dans la série, ce petit mouton se distingue des autres par sa curiosité et son côté malicieux. La routine de la ferme commence à l’ennuyer, aussi décide-t-il avec l’aide de ses congénères de se débarrasser un temps de leur maître (le fermier) pour être un peu tranquille. Sauf que sans le vouloir, ils l’envoient en ville et se retrouvent seuls, sans personne pour s’occuper d’eux. Shaun décide alors de partir à la recherche du Fermier, très vite suivi par les autres moutons qui vont devoir se fondre parmi les humains pour échapper au terrible Trumper qui capture les animaux pour les enfermer à la fourrière.


À partir de cette histoire toute simple, Mark Burton et Richard Starzack font des merveilles. Le scénario riche en rebondissements est particulièrement bien écrit et aborde avec légèreté un grand nombre de thèmes destinés à un public très jeune. Même si les cinémas proposent le film aux enfants dès 5 ans, l’absence de dialogues et la justesse de la réalisation permettent sans doute à des bambins encore plus petits de comprendre sans problème cette fable intelligente traitant, entre autres, de l’éducation. Le Fermier représente bien évidemment la figure parentale et Shaun l’enfant désirant s’émanciper à ses risques et périls.

Mais là où le studio Aardman prouve une nouvelle fois tout son génie est dans l’approche universelle du film. En effet, une bonne partie de l’humour de Shaun le Mouton fera sourire (et plus encore) un public adulte pour une fois ravi d’accompagner sa progéniture au cinéma. Et même si cette pépite anglaise reste drôle jusque dans son générique de fin, elle donnera aussi quelques éléments de réflexion aux plus âgés d’entre nous. Si l’on peut reprocher un rythme moins effréné que dans des films d’animation plus classiques comme chez Disney ou Pixar (histoire de chipoter un peu), Shaun le Mouton, avec son inventivité visuelle constante, demeure une réussite totale !

Alexandre Robinne

Grande-Bretagne - 1h24
Réalisation et Scénario : Mark Burton et Richard Starzak

* Le Musée Art-Ludique à Paris propose jusqu'au 30 août une exposition consacrée aux studios Aardman. 
Renseignements :  http://artludique.com/aardman.html



Disponible en DVD chez Studio Canal